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Annabel Lee
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Aristote, Poétique : meilleure traduction en ligne Empty Aristote, Poétique : meilleure traduction en ligne

par Annabel Lee Dim 20 Nov - 14:26
Bonjour à tous,

Je recherche le chapitre 6 de la Poétique d'Aristote et notamment sa traduction la meilleure qui soit disponible en ligne.
Un "lettres classiques" peut-il guider mon choix ?

Merci d'avance


Annabel
Leodagan
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Aristote, Poétique : meilleure traduction en ligne Empty Re: Aristote, Poétique : meilleure traduction en ligne

par Leodagan Dim 20 Nov - 14:33
Remacle donne Emile Ruelle :

CHAPITRE VI

Définition de la tragédie. - Détermination des parties dont elle se compose. - Importance relative de ces parties.

I. Nous parlerons plus tard de l'art d'imiter en hexamètres (21) et de la comédie (22), et nous allons parler de la tragédie en dégageant de ce qui précède la définition de son essence.
II. La tragédie est l'imitation d'une action grave et complète, ayant une certaine étendue, présentée dans un langage rendu agréable et de telle sorte que chacune des parties qui la composent subsiste séparément, se développant avec des personnages qui agissent, et non au moyen d'une narration, et opérant par la pitié et la terreur la purgation des passions de la même nature (23).
III. J'entends par "langage rendu agréable" celui qui réunit le rythme, l'harmonie et le chant, et par les mots "que chaque partie subsiste séparément" j'entends que quelques-unes d'entre elles sont réglées seulement au moyen des mètres, et d'autres, à leur tour, par la mélodie.
IV. Mais, comme c'est en agissant que (les poètes tragiques) produisent l'imitation , il en résulterait nécessairement que l'ordonnance du spectacle offert est la première partie de la tragédie ; vient ensuite la mélopée et, enfin, le langage parlé, car tels sont les éléments qui servent à produire l'imitation (24).
V. J'entends par "langage parlé" la composition des mètres, et par "mélopée" une chose qui possède en soi une valeur évidente pour tout le monde (25).
VI. Maintenant, comme l'imitation a pour objet une action et qu'une action a pour auteurs des gens qui agissent, lesquels ont nécessairement telle ou telle qualité, quant au caractère moral et quant à la pensée (car c'est ce qui nous fait dire que les actions ont tel ou tel caractère), il s'ensuit naturellement que deux causes déterminent les actions, savoir : le caractère moral et la pensée ; et c'est d'après ces actions que tout le monde atteint le but proposé, ou ne l'atteint pas.
VII. Or l'imitation d'une action, c'est une fable (26) ; j'entends ici par "fable" la composition des faits, et par "caractères moraux" (ou moeurs) ceux qui nous font dire que ceux qui agissent ont telle ou telle qualité ; par "pensée", tout ce qui, dans les paroles qu'on prononce, sert à faire une démonstration ou à exprimer une opinion.
VIII. Il s'ensuit donc, nécessairement, que toute tragédie se compose de six parties qui déterminent son caractère ; ce sont: la fable, les moeurs, le langage, la pensée, l'appareil scénique et la mélopée.
IX. Deux de ces parties concernent les moyens que l'on a d'imiter ; une, la manière dont on imite ; trois, les objets de l'imitation ; puis c'est tout.
X. Un grand nombre d'entre eux (27) ont employé ces formes ; et, en effet, tout (poème tragique) comporte en soi de la même façon un appareil scénique, un caractère moral, une fable, un langage, un chant et une pensée.
XI. Le point le plus important, c'est la constitution des faits, car la tragédie est une imitation non des hommes, mais des actions, de la vie, du bonheur et du malheur ; et en effet, le bonheur, le malheur, réside dans une action, et la fin est une action, non une qualité.
XII. C'est par rapport aux moeurs que les hommes ont telle ou telle dualité, mais c'est par rapport aux actions qu'ils sont heureux ou malheureux. Aussi ce n'est pas dans le but d'imiter les moeurs que (les poètes tragiques) agissent, mais ils montrent implicitement les moeurs de leurs personnages au moyen des actions; de sorte que ce sont les faits et la fable qui constituent la fin de la tragédie ; or la fin est tout ce qu'il y a de plus important.
XIII. Je dirai plus : sans action, il n'y aurait pas de tragédie, tandis que, sans les moeurs, elle pourrait exister ; et en effet, chez la plupart des modernes, les tragédies n'ont pas de place pour les moeurs (28), et, absolument parlant, beaucoup de poètes sont dans ce cas (29). Ainsi ; chez les peintres, c'est ce qui arrive à Zeuxis comparé à Polygnote. Polygnote est un bon peintre de moeurs, tandis que la peinture de Zeuxis n'a aucun caractère moral.
XIV. Ce n'est pas tout : si l'on débitait une suite de tirades morales et des discours ou des sentences bien travaillées, ce ne serait pas là ce que nous disions tout à l'heure constituer une oeuvre tragique ; on le ferait beaucoup mieux en composant une tragédie où ces éléments seraient moins abondants, mais qui posséderait une fable et une constitution de faits.
XV. II en est de même (30) dans les arts du dessin ; car, si l'on étalait pêle-méle les plus riches couleurs, on ne ferait pas autant plaisir qu'en traçant une figure déterminée au crayon.
XVI. Ajoutons que les parties de la fable les plus propres à faire que la tragédie entraîne les âmes, ce sont les péripéties et les reconnaissances.
XVII. Une autre preuve encore, c'est que ceux qui abordent la composition dramatique peuvent arriver à une grande habileté sous le rapport du style et des moeurs, avant de savoir constituer les faits. Au surplus, c'est ce qui est arrivé à presque tous les premiers poètes.
XVIII. Ainsi donc le principe, et comme l'âme de la tragédie, c'est la fable. Les moeurs viennent en second lieu ; car l'imitation (31) est l'imitation d'une action et, à cause de cette action, l'imitation de gens qui agissent.
XIX. Puis, en troisième lieu, la pensée, c'est-à-dire la faculté de dire avec convenance ce qui est dans le sujet et ce qui s'y rapporte, partie qui, en fait d'éloquence, est l'affaire de la politique et de la rhétorique. En effet, les personnages que les anciens mettaient en scène parlaient un langage politique, et ceux d'aujourd'hui parlent un langage oratoire.
XX. Le caractère moral, c'est ce qui est de nature à faire paraître le dessein. Voilà pourquoi il n'y a pas de caractère moral dans ceux des discours où ne se manifeste pas le parti que l'on adopte ou repousse, ni dans ceux qui ne renferment absolument rien comme parti adopté ou repoussé par celui qui parle. La pensée, c'est ce qui sert à démontrer qu'une chose existe ou qu'elle n'existe pas, ou, généralement, à énoncer une affirmation.
XXI. En quatrième lieu vient la diction : or j'appelle "diction" comme on l'a dit précédemment (32), l'élocution obtenue au moyen de la dénomination, ce qui est d'une même valeur, soit qu'il s'agisse de paroles versifiées, ou de discours en prose.
XXII. En cinquième lieu vient la mélopée, partie la plus importante au point de vue du plaisir à produire.
Quant à l'appareil scénique, c'est une partie qui, certes, entraîne les âmes, mais elle est indépendante de l'art et n'appartient en aucune façon à la poétique ; car la tragédie subsiste indépendamment de l'exécution théâtrale et des acteurs, et ce qui est essentiel pour la confection de l'appareil scénique, c'est plutôt l'art du costumier que celui du poète.
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par Leodagan Dim 20 Nov - 14:33
Encyclopédie Agora :

CHAPITRE VI
De la tragédie; sa définition.
De ses différentes parties :
la fable, les mœurs, les paroles, les pensées, le spectacle, le chant.

Nous parlerons ci-après de l'épopée et de la comédie. Ici il ne sera question que de la tragédie; et pour en donner une définition exacte, nous rassemblerons tout ce que nous en avons dit. La tragédie est l'imitation d'une action grave, entière, étendue jusqu'à un certain point, par un discours revêtu de divers agréments, accompagné dans ses diverses parties de formes dramatiques, et non par un simple récit, qui, en excitant la terreur et la pitié, admet ce que ces sentiments ont de pénible. Je dis un discours revêtu de divers agréments: ces agréments sont le rythme, le chant et le vers. Je dis dans ses diverses parties, parce qu'il y a des parties où il n'y a que le vers, et d'autres où il y a le vers et le chant musical. Puisque c'est en agissant que la tragédie imite, il est nécessaire premièrement que le spectacle, la mélopée, les paroles, soient des parties de la tragédie: car c'est par ces trois moyens que la tragédie exécute son imitation. J'appelle paroles la composition des vers, et mélopée ce dont tout le monde sait l'effet. En second lieu, puisque c'est une action que la tragédie imite, et qui s'exécute par des personnages agissants, qui sont nécessairement caractérisés par leurs mœurs et par leur pensée actuelle (car c'est par ces deux choses que les actions humaines sont caractérisées), il s'ensuit que les actions, qui font le bonheur ou le malheur de tous tant que nous sommes ont deux causes, les mœurs et la pensée. Or l'imitation de l'action est la fable: car j'appelle fable l'arrangement des parties dont est composée une action poétique. J'appelle mœurs ce qui caractérise celui qui agit, et pensée, l'idée ou le jugement qui se manifeste par la parole. Il y a donc nécessairement dans toute tragédie six parties: la fable, les mœurs, les paroles, les pensées, le spectacle, le chant; deux de ces parties sont les moyens avec lesquels on imite; une est la manière dont on imite; trois sont l'objet qu'on imite. Il n'y a rien au delà. Il n'y a point de tragique qui n'emploie ces six parties, et qui n'ait spectacle ou représentation, fable, mœurs, pensées, paroles, chant. Mais de ces parties, la plus importante est la composition de l'action. Car la tragédie est l'imitation non des hommes, mais de leurs actions, de leur vie, de ce qui fait leur bonheur ou leur malheur. Car le bonheur de l'homme est dans l'action. La fin même est action et n'est pas qualité. La qualité fait que nous sommes tels ou tels; mais ce sont les actions qui font que nous sommes heureux, ou que nous ne le sommes pas. Les poètes tragiques ne composent donc point leur action pour imiter le caractère et les mœurs, ils imitent les mœurs pour produire l'action: l'action est donc la fin de la tragédie. Or en toutes choses la fin est ce qu'il y a de plus important. Sans action, il n'y a point de tragédie: il peut y en avoir sans mœurs. La plupart de nos pièces modernes n'en ont point. C'est même le défaut assez ordinaire des poètes comme des peintres. Zeuxis était fort inférieur à Polygnote en cette partie. Celui-ci excellait dans la peinture des mœurs: on n'en voit point dans les tableaux de Zeuxis. Il en est de même des paroles et des pensées. On peut coudre ensemble de belles maximes, des pensées morales, des expressions brillantes, sans produire l'effet de la tragédie; et on le produira si, sans avoir rien de tout cela, on a une fable bien dressée et bien composée. Enfin ce qu'il y a de plus touchant dans la tragédie, les reconnaissances, les péripéties, sont des parties de l'action. Aussi ceux qui commencent à composer réussissent-ils bien mieux dans la diction, et même dans les mœurs, que dans la composition de l'action. On peut en juger par les premières tragédies. L'action est donc la base, l'âme de la tragédie, et les mœurs n'ont que le second rang. Elles sont à l'action ce que les couleurs sont au dessin: les couleurs les plus vives répandues sur une table feraient moins d'effet qu'un simple crayon qui donne la figure. En un mot, la tragédie imite des gens qui agissent : elle est donc l'imitation d'une action. La pensée a le troisième rang. Elle consiste à faire dire ce qui est dans le sujet ou ce qui convient au sujet. Cette partie se traite ou dans le genre simple et familier, ou dans le genre oratoire; autrefois c'était le familier, aujourd'hui c'est l'oratoire. Les mœurs sont ce qui fait sentir quel est le dessein de celui qui agit: ainsi il n'y a point de mœurs dans les pièces où l'on ne pressent point ce que veut ou ne veut pas celui qui parle. La pensée est ce qui indique ce qu'une chose est ou n'est point, ou plus généralement ce qui indique quelque chose. La diction suit les pensées. J'entends par diction, comme il a été dit ci-devant, l'interprétation des pensées par les mots. Elle a le même effet, soit en vers, soit en prose. La cinquième partie est la mélopée C'est des agréments de la tragédie celui qui fait le plus de plaisir. Quant au spectacle, dont l'effet sur l'âme est si grand, ce n'est point l'affaire du poète. La tragédie subsiste tout entière sans la représentation et sans le jeu des acteurs. Ces deux choses sont plus spécialement du ressort des ordonnateurs du théâtre que de celui des poètes.
Annabel Lee
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par Annabel Lee Dim 20 Nov - 14:38
Merci, Leodagan !

Je crois que je vais prendre la première. Quoique, j'hésite. Je veux faire travailler mes élèves sur la notion de catharsis...
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