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Robin
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Les Passions Empty Les Passions

par Robin Jeu 9 Aoû 2012 - 17:19
Qu'est-ce que la passion ?

Le terme passion a deux origines. La première, grecque : passion vient de pathein qui signifie souffrir (pathologie), la deuxième, latine, passion vient de patior qui signifie subir.

La passion renvoie au fait de subir un sentiment ou un désir de façon pathologique, obsessionnelle, voire névrotique. La passion est une affection durable de la conscience, si puissante qu'elle s'installe à demeure et se fait centre de tout, subordonnant à son profit les autres sentiments et inclinations : l'alcoolique ne vit (et ne meurt) que pour sa bouteille, l'avare ne vit que pour sa cassette, le drogué ne vit que pour ce dont il meurt.

Il faut distinguer la passion de l'émotion et du sentiment :

L'émotion est une tempête passagère, un désordre qui s'épuise rapidement, le sentiment est une disposition affective envers quelque chose ou quelqu'un, moins démesurée et excessive que la passion.

Les critiques de la passion :


La passion est considérée par la tradition philosophique comme l'une des principales maladies de l'âme. Elle est opposée à la raison et à la liberté et assimilée à la folie. La passion se présente comme un phénomène étranger à notre vouloir.

Selon Descartes (Traité des Passions), les passions sont les états affectifs ressentis par l'âme en raison de son union avec le corps : "On peut généralement nommer passions toutes les pensées qui sont (...) excitées en l'âme sans le concours de sa volonté, et, par conséquent, sans aucune action qui vienne d'elle, par les seules impressions qui sont dans le cerveau, car tout ce qui n'est point action est passion." (Descartes, Lettres à Elisabeth de Suède)

Pour François de La Rochefoucauld (Maximes), la passion est une expression exacerbée de l'amour propre (amour de soi, égoïsme) : "Chacun veut trouver son plaisir et ses avantages aux dépens des autres ; on se préfère toujours à ceux avec qui on se propose de vivre."

L'amoureux, comme l'a montré Stendhal dans De l'Amour a tendance à idéaliser l'objet aimé, à le parer de toutes les perfections. Stendhal nomme ce phénomène "cristallisation" et le compare à un phénomène chimique qu'il a observé dans les mines de sel de Salzbourg, susceptible de transformer une humble brindille en bijou couvert de diamants.

Il y a dans la passion, une recherche de l'intensité qui va jusqu'au désir de mort (Freud parle de pulsion de mort). Comme l'a montré Denis de Rougemont dans L'Amour et l'Occident, l'association entre passion (en l'occurrence amoureuse) et désir de mort (la Liebestod) fait partie (pour le meilleur et pour le pire) de la culture occidentale. Que l'on songe, par exemple au mythe de Roméo Juliette ou de Tristan et Iseult.

Guérir des passions ? Pour lutter contre les passions, Descartes propose de recourir à la toute puissance de la volonté ; la générosité, sommet de la morale cartésienne (Traité des Passions) repose sur le sentiment qu'il n'y a rien qui nous appartienne véritablement que la libre disposition de nos volontés.

Contrairement à Descartes, Spinoza ne fait nullement appel au pouvoir libre et tout puissant de notre âme car l'homme n'est qu'une partie de la nature, soumise, comme tout le reste à la nécessité.

Le remède contre les passions ne réside pas dans la volonté, mais dans la connaissance ou "science des affections" : la passion cesse dès que j'en obtiens une connaissance vraie : "Une affection qui est une passion cesse d'être une passion, sitôt que nous en formons une idée claire et distincte (...) Une affection est d'autant plus en notre pouvoir, et l'âme en pâtit d'autant moins, que cette affection nous est plus connue." (Spinoza, Éthique)

Pourtant, la claire conscience de la passion ne suffit pas toujours à la dominer. "Video meliora proboque, sed deteriora sequor." (Je vois le bien et je l'approuve, mais je fais le mal." (saint Augustin)

Hegel ou la passion réhabilitée :

Hegel décrit la passion sous un jour nouveau, il la considère comme une énergie spirituelle, l'énergie du vouloir : "L'homme qui produit quelque chose de valable y met toute son énergie. Il n'est pas assez sobre pour vouloir ceci ou cela ; il ne se disperse pas dans une multitude d'objectifs, mais il est totalement dévoué à une seule fin. La passion est l'énergie de cette fin et la détermination de cette volonté. C'est un penchant presque animal qui pousse l'homme à concentrer son énergie sur un unique objet. Cette passion est aussi ce que nous appelons enthousiasme." (Hegel, La Raison dans l'Histoire)

Prise en ce sens, la passion retrouve son aspect dynamique : elle crée l'Histoire et le devenir, elle permet d'accomplir de grandes œuvres : "Rien de grand ne s'est accompli dans le monde sans passion."

En poursuivant leurs passions et leurs intérêts, les hommes font l'Histoire. Ils sont les outils de quelque chose qui les dépasse. La Raison universelle, à l’œuvre dans l'Histoire, utilise les passions pour se réaliser dans le monde. Mais en dégageant l'homme de la servitude des passions, Hegel ne l'enchaîne-t-il pas à la Raison?

Ne pourrait-on dès lors imaginer la passion sur le mode d'une pulsion créatrice que nous serions capables de canaliser et de sublimer dans une œuvre d'art ?




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