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Gérard Mairet, les doctrines du pouvoir, la formation de la pensée politique Empty Gérard Mairet, les doctrines du pouvoir, la formation de la pensée politique

par Robin Sam 11 Aoû 2012 - 9:13
Gérard Mairet (né en 1943) est un philosophe français, professeur de philosophie au département de science politique de l'Université de Paris VIII. Il a été professeur invité à l'University of California at Los Angeles (UCLA), chercheur invité résident au Getty Research Institute à Los Angeles et, dans les années 1970 et 1980 il a enseigné aux universités d'Ottawa et de Yaoundé. Il a été invité en séminaire dans diverses universités européennes, notamment à Londres, Sarajevo, Stockholm, Florence, Rome, et récemment à Lisbonne et Budapest.

Influencé dans ses années d'apprentissage à la Sorbonne par l'œuvre d'Éric Weil, et les enseignements de Jean Wahl, Jean Hyppolite, Yvon Belaval, François Châtelet, Mairet écrit que la philosophie est « la pensée du concept » et la philosophie politique « la pensée de la liberté pensée ». Philosopher, c'est donc penser le monde tel qu'il est ; c'est ainsi que son dernier ouvrage, La Fable du Monde, traduit en anglais, se présente comme une Enquête philosophique sur la liberté de notre temps où le concept moderne de souveraineté est élaboré dans la forme de son « achèvement ».

Gérard Mairet, Les Doctrines du pouvoir, La formation de la pensée politique, Gallimard, 1978, coll. Idées


L'auteur analyse la formation de la pensée politique, de Confucius à Raymond Aron, de Platon à Franz Fanon, en passant par Hobbes, Hegel, Max Weber et tous les grands penseurs qui ont réfléchi sur le pouvoir.

"Il n'est pas inutile, peut-être, explique l'auteur dans la Préface, de préciser les intentions de ce travail, ou plutôt d'en manifester l'objet théorique qui n'est pas entièrement contenu dans le seul énoncé de son titre. Il ne pouvait s'agir de passer en revue l'ensemble d'un domaine de pensée sans sombrer, en même temps que dans la platitude du résumé, dans l'invraisemblance de l'Histoire universelle - ce qui est tout un. Aussi ce travail n'a-t-il d'autre ambition que de valoir pour ce qu'il est : une bibliographie commentée de quelques œuvres touchant la pensée du pouvoir. Il s'agit en somme du repérage et de la classification des concepts, catégories, notions, dans l'ordre générique de leur apparition, que la pensée théorique produit et met en œuvre quand elle se donne pour objet la politique, c'est--dire l'autorité, la soumission, le pouvoir et la puissance."

L'auteur établit un ingénieux parallèle entre Confucius et La Boétie :

"Confucius est le premier à faire cette découverte : la puissance du langage sur les choses et les hommes.

Pour cette raison peut-être, il est le seul dans toute la littérature politique à faire reposer l'essentiel de sa pensée politique sur cet unique fondement. Nulle part ailleurs - à une remarquable exception près - le langage seul ne sera retenu comme l'unique fondement du pouvoir du prince ou de l’État.

Et voici l'exception : La Boétie. Mais cette fois, sous la plume de l'auteur du Discours sur la servitude volontaire, la chose sera comprise non comme ce qui libère, mais comme ce qui opprime : la domination est innommable. Le langage n'est pas la source de l'autorité du prince, c'est la communication sans le langage qui est la cause de la servitude des sujets. Il aura fallu un millénaire de tradition gréco-chrétienne pour renverser le point de vue du sage antique chinois, et cela, au moment où, entre Machiavel et Bodin, se dessine la figure autoritaire de l'Etat bourgeois moderne souverain et laïc."

On retiendra également la mise au point au sujet de Thomas More (chapitre X) : "Contrairement à une idée répandue, L'Utopie n'est pas l'exposé d'une république idéale et parfaite située comme son nom semble l'indiquer dans aucun lieu (u-topos). L'Utopie est la critique réaliste de l’État. Seule une vulgarisation de la notion d'utopie politique - caractérisée principalement par un affaiblissement de sa dimension polémique - a permis de voir en elle la description d'un modèle d'organisation politique irréalisable.

En fait, ce qui commande la pensée politique de Thomas More, c'est que l’État est une institution historique et positive - ce qui interdit de faire de "l'île de nulle part" une cité en idée.

L'idée fondamentale de L'Utopie apparaît donc être celle-ci : la vie politique réelle n'est pas susceptible d'être réformée sur les conseils d'un sage. Un État corrompu ne peut être redressé par la seule bonne volonté du prince, éclairé comme il peut l'être par quelque philosophe avisé. Ce que signifie profondément L'Utopie de More c'est, au contraire, que les idées en tant que telles, sont privées d'efficacité pratique. La politique, c'est-à-dire l’État, n'est pas le résultat pratique d'un "idéal" situé on ne sait où : elle est fondamentalement la puissance inscrite dans les institutions, elle procède des rapports sociaux - les riches et les pauvres - qui dépassent considérablement les relations des volontés individuelles. C'est justement parce que le vice n'est pas inscrit dans le coeur des hommes que Thomas More écrit L'Utopie ; ce sont les institutions qui sont vicieuses.

Le célèbre tableau de l'Angleterre que Thomas More brosse dans le Livre premier ne laisse à cet égard aucun doute : l'abolition de la propriété, institution vicieuse pa excellence si l'on peut dire, est la condition pratique de toute justice possible. Justice, égalité, bonheur ne sont que des mots vides - des idées vagues - si un contenu réel et donc historique ne leur est pas donné." (p. 103)

Chapitre I : Confucius (vers 551-479 av. J.C)

Chapitre II : Platon (428-347 av. J.-C.), La République


Contre Les Sophistes (tels au moins qu'ils nous les représente), Platon affirme l'existence d'un problème politique. La vie en commun n'est ni de convention, ni artifice, en sorte que, si c'était le cas, il n'y aurait pas de réponse vraie au problème politique, mais autant de solutions particulières et conjoncturelles qu'il y a d'intérêts privés dans la cité.

Au contraire, Platon affirme l'existence du vrai en politique, l'âme rationnelle est dès lors l'objet de la politique. Le vrai discours sur l’État est discours selon le Bien, car la politique étant la recherche de ce qui vaut le mieux, le bonheur ne saurait être atteint dans la cité que par la voie droite conforme à la nature.

Chapitre III : Aristote (384-322 av. J.-C.), La Politique


Animal communautaire, vivant politique, l'homme est par nature voué à la vie sociale. Mais ce n'est pas tout : il ne s'agit pas de vivre - c'est là le lot des bêtes. Il s'agit de bien vivre, d'accéder à la vie bonne. Autrement dit, Aristote pose en principe que la vie politique est la vie bienheureuse.

On voit que le problème politique central est celui de la "nature". C'est en réfléchissant le problème politique dans celui, plus général, de la nature, qu'une solution peut être atteinte, ou à tout le moins, approchée.

Chapitre IV : Cicéron (106-43 av. J.-C.), De la République (54-51), Des Lois (52)

Chapitre V : Paul (15-67), XIV Épîtres

Chapitre VI : Augustin (354-430), La Cité de Dieu (413-427)

La Cité de Dieu n'est pas un traité de politique. Si le prétexte à l’œuvre est l'invasion et la mise à sac de la ville éternelle par les barbares en 410, son inspiration dépasse le cadre de l'événement historique. Le thème des deux cités, ou plutôt de la supériorité de la cité céleste sur la cité terrestre est le point d'appui d'un immense discours sur l'Histoire universelle dont le Dieu révélé est à la fois le principe, l'agent et l'ordonnateur.

Le contenu proprement politique de l’œuvre est discernable uniquement à partir de ce qui l'inspire : Dieu. C'est dire que la théologie politique augustinienne n'est pas une fin en soi. La doctrine de l'autorité qu'elle développe est toujours suspendue à la foi, c'est pourquoi l'obéissance sans faille aux lois profanes est déjà par elle-même la soumission à la loi du Christ.

Chapitre VII : Thomas d'Aquin (1225-1274), Du Royaume (De regno ou de regimine principum) (vers 1266)

Chapitre VIII : Marsile de Padoue (1275?-1343?), Le Défenseur de la Paix (1324)

Chapitre IX : Machiavel (1469-1527), Le Prince (1513)


Il y a deux choses en politique : l'Ancien et le Nouveau. Le problème politique pour Machiavel réside dans l'introduction de "nouvelles institutions", de sorte que penser la politique, c'est, pour l'auteur du Prince, penser la discontinuité entre l'ancien ordre des choses et l'ordre nouveau. Cela suppose la détermination de ce que c'est que la nouveauté en politique, le Prince fondateur et l’État nouvellement fondé.

Chapitre X : Thomas More (1478-1535), L'Utopie (1516)

Chapitre XI : Martin Luther (1483-1546), De l'autorité temporelle et dans quelle mesure on lui doit obéissance (1523)

Chapitre XII : La Boétie (1530-1563), Discours sur la servitude volontaire (vers 1549)

Chapitre XIII : Jean Bodin (1529/1530-1596), Les Six Livres de la République (1576)

Chapitre XIV : Hugo Grotius (1583-1645), Du Droit de la guerre et de la paix (1625)

Chapitre XV : Thomas Hobbes (1588-1679), Léviathan, Traité de la matière, de la forme et du pouvoir de la République ecclésiastique et civile (1651)


L'état de nature est le lieu de la guerre de tous contre tous. Pour rendre intelligible cette proposition de Hobbes - proposition qu'on doit bien se garder de tenir pour contingente ou anecdotique - il faut se référer à l'anthropologie générale qui la sous-tend : l'homme est un être de désir en proie à la passion de la puissance.

Chapitre XVI : Spinoza (1632-1677), Traité théologico-politique (1670)

Chapitre XVII : John Locke (1632-1704), Deuxième Traité du Gouvernement civil (1690)

Chapitre XVIII : Charles de Montesquieu (1689-1755), De l'Esprit des Lois (1748)

Chapitre XIX : Rousseau (1712-1778), Du Contrat social, Principes du Droit politique (1762)

"Tout gouvernement légitime est républicain." Le Contrat social a été écrit pour fonder une nouvelle légitimité, celle qui repose essentiellement et absolument sur la souveraineté du Peuple. Dans la formule qu'on vient de citer, "républicain" veut dire démocratique. Le Contrat social renferme la théorie de la démocratie dont les révolutionnaires - trente ans après - tireront profit à leur convenance.

Chapitre XX : Adam Smith (1723-1790), Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776)

L'importance des Recherches tient à ce que A. Smith donne à la théorie politique un substrat économique. Le sens de La Richesse des Nations est alors de contribuer de façon décisive à la naissance de l'économie politique classique. Si l'on peut tenir Smith pour fondateur de l'analyse économique du politique, c'est parce qu'il place au centre de ses recherches la conception économico-politique de la Nation

Chapitre XXI : Louis de Saint-Just (1767-1794), L'Esprit de la Révolution (1791), Institutions républicaines (1793)

Chapitre XXII : Emmanuel Kant (1724-1804), Doctrine du Droit (1796)

Chapitre XXIII : G.W.H. Hegel (1770-1831), Principes de la Philosophie du Droit (1821)

Les Principes de la Philosophie du Droit sont écrits du point de vue de la liberté "concrète", autrement dit de l’État. Or, si dans l'ordre des raisons l’État est à la fin de l'exposé, en sorte qu'on y arrive au terme de la lecture de l'ouvrage, il ne cesse pas pour autant d'être le seul point de départ réel et efficace. Ce que développent les Principes, c'est cette prééminence de l’État sur toute manifestation de la vie politique. C'est la co-présence de la totalité dans chacune de ses parties.

Chapitre XXIV : Carl Von Clausewitz (1780-1831), De la Guerre (posthume, 1834)

Chapitre XXV : K. Marx (1818-1883) et F. Engels (1820-1895), Manifeste du Parti communiste (1848), suivi de Critique du Programme de Gotha (1875)


Le Manifeste du Parti communiste n'est pas une œuvre de la pensée spéculative. Sa place dans le développement et la transformation des concepts politiques est singulière : la théorie politique y devient une force révolutionnaire. De sa liaison avec le mouvement ouvrier, le Manifeste tire sa substance théorique et son efficacité pratique. L'objet théorique et politique que le texte de Marx et Engels produit en 1848 est la révolution.

Chapitre XXVI : Michel Bakounine (1814-1876), Dieu et l’État (1871)

Chapitre XXVII : Lénine (1870-1924), L’État et la Révolution (1917)

Chapitre XXVIII : Rosa Luxemburg (1870-1919), La Révolution russe (1918) : ce chapitre permet de mieux comprendre la critique d'Hannah Arendt du concept de "dictature du prolétariat" et de Parti unique dans Les origines du Totalitarisme et La Condition de l'Homme moderne.

Chapitre XXIX : Carl Schmitt (1883), La notion de politique (1932)

Chapitre XXX : A. Gramsci (1891-1937), Notes sur Machiavel, sur la politique et sur l'Etat moderne (1932-1933)

Chapitre XXXI : Mao Tsé-Toung (1893-1976), De la Dictature démocratique populaire (1949)

Chapitre XXXII : V.N. Giap, Guerre du peuple, armée du peuple (1959)

Chapitre XXXIII : F. Fanon (1925-1961) Les damnés de la terre (1961)

Chapitre XXXIV : R. Aron, Démocratie et totalitarisme (1965)


Sociologue politique plutôt que philosophe, Raymond Aron, dans une série de cours professés en Sorbonne durant l'année 1957-1958, s'est attaché à dresser une typologie des régimes politiques à l'époque de ce qu'il nomme les "sociétés industrielles". Dans deux cours précédents publiés sous le titre Dix-huit leçons sur les sociétés industrielles et La lutte des classes, il avait étudié, au-delà des différences essentielles, quant à la structure socio-économique, entre sociétés libérales de type occidental et société socialiste de type soviétique, les modèles de croissance, ce qu'ils ont en commun et qui, indépendamment du régime politique, constituent la structure originale des sociétés dites "industrielles". Dans Démocratie et totalitarisme, il examine l'aspect proprement politique de ces deux systèmes sociaux.



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