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La Vérité est-elle contraignante ou libératrice ? Empty La Vérité est-elle contraignante ou libératrice ?

par Robin Jeu 11 Avr 2013 - 21:46
A l'attention des élèves :

La difficulté de ce sujet réside dans la nécessité de définir la notion de "vérité". le mieux est de donner d'emblée une définition "consensuelle" : "le caractère des jugements auxquels on ne peut qu'accorder assentiment, qui s'imposent à notre esprit et à tout autre esprit, et qui est le fondement de l'accord universel entre les esprits." Quitte à affiner ensuite la définition (conformité de la pensée et du réel, évidence, vérité mathématique, vérité expérimentale, conception pragmatique de la vérité). Le premier paragraphe du devoir suggère que la notion de vérité (du latin veritas) ne traduit pas le sens du mot grec "aléthéia".

Le projet de recherche de la vérité est constitutif de la réflexion philosophique, et c'est par lui que, dès l'origine, celle-ci s'est définie dans la Grèce antique. Le mot "Philosophie" aurait été créé par Pythagore. Il signifie "amour de la sagesse" (sophia), mais la sophia est en rapport avec "l'aléthéia", (mot grec que Jean Beaufret traduit par "l'ouvert sans retrait" : la vérité comme dévoilement de l’Être, du Logos. Pour les Présocratiques, ce n'est pas l'homme qui découvre la vérité, mais la vérité qui se révèle.

Dans son acception courante, la vérité est le caractère des jugements et des propositions qui les expriment auxquels on ne peut qu'accorder assentiment, c'est-à-dire qui s'imposent à notre esprit et à tout autre esprit, et qui est le fondement de l'accord entre les esprits." (Louis-Marie Morfaux, Vocabulaire de la Philosophie et des sciences humaines)

Contraindre quelqu'un, c'est l'obliger à faire quelque chose contre son gré, l'empêcher de suivre son penchant naturel, le soumettre à une violence psychologique ou physique qui porte atteinte à sa liberté.

Devant la vérité, nous n'aurions aucun pouvoir, nous ne pourrions que l'admettre. Elle ne se discuterait pas, elle s'imposerait. Elle serait contraignante et l'homme raisonnable ne pourrait refuser le vrai. Rien ne m'oblige cependant à céder devant la force de la vérité. Je puis choisir le mensonge, l'erreur ou l'illusion. Par ailleurs, toute vérité qui ne serait pas discutée librement ne serait pas une vérité, mais un dogme.

La vérité est-elle contraignante ? La vérité a-t-elle une force intrinsèque qui nous force à y adhérer ? Pouvons-nous échapper à la contrainte de la vérité ? En a-t-on le pouvoir, en a-t-on le droit ? Peut-on concilier vérité et liberté ?

1) La notion de vérité

La Philosophie de Platon illustre la triple idée autour de laquelle se formule le projet de vérité : la vérité existe et peut se révéler à l'homme ; la vérité ne réside pas dans un savoir étranger que l'on répéterait comme un perroquet ; connaître la vérité (que l'on porte en soi) passe par la "maïeutique" (littéralement accouchement de l'esprit) ; la vérité ne se confond pas avec l'opinion, elle est permanente et universelle. La vérité n'est pas une notion purement "intellectuelle", elle est en relation avec le Bien et avec le Beau. Le but de la vie, pour la plupart des penseurs grecs est le bonheur (eudaïmon) et le bonheur réside dans la pensée vraie, enracinée dans la vie bonne. Selon la logique classique, un jugement est vrai s’il respecte des principes : le principe d’identité, de non contradiction et de tiers-exclu.

La notion de vérité n'est pas univoque (la vérité n'a pas toujours été conçue de la même manière)... Pour Thomas d’Aquin, théologien du XIIIème siècle la vérité réside dans « l’adéquation de la chose et de l’esprit » (adequatio res et intellectus). La vérité n’est pas dans les choses, mais dans le jugement que je porte sur les choses. La vérité est une valeur, elle appartient au langage, à la façon dont l’esprit rend compte de son rapport aux choses.

Pour Descartes, ce n’est pas la conformité entre la pensée et le réel, mais l’évidence qui est le critère du vrai. Descartes privilégie les vérités mathématiques.

Selon Kant, notre connaissance est déterminée par la structure de notre esprit. Notre entendement n’a pas accès aux « choses en soi » (aux « noumènes »), mais seulement aux phénomènes. Il y a donc des vérités inaccessibles à l’entendement humain ; par exemple l’existence de Dieu. C’est la raison pour laquelle certains considèrent que le discours scientifique est le seul qui puisse nous fournir des vérités. Mais ne peut-on admettre qu’une place soit réservée pour d’autres vérités que les vérités scientifiques ?

2) Nous sommes obligés de nous soumettre à la vérité (la vérité est contraignante)

a) Devant la vérité, nul n'a aucun pouvoir, il ne peut qu'admettre la vérité. La vérité ne se discute pas, elle s'impose, elle est contraignante. Les vérités mathématiques semblent des "évidences contraignantes". Pouvons-nous refuser que la somme des angles d'un triangle ne fasse pas 180° ? Pouvons-nous refuser les principes de la logique aristotélicienne d'identité, de non-contradiction et de tiers-exclu ?

b) Celui qui détient ou croit détenir la vérité possède un "pouvoir" sur celui qui l'ignore et ce dernier se sent obligé d'y croire. Exemples : le médecin, le professeur, les parents (l'autorité en général)

c) Ceux qui, à tort ou à raison, se croient ou se sont crus détenteurs de la vérité s'y soumettent et se font un devoir moral ou religieux d'y soumettre les autres (Blaise Pascal : "Jamais on ne commet le mal si pleinement et si gaiement que quand on le fait par conscience.") Exemples : l'Inquisition, les systèmes totalitaires politiques, ou théocratiques. L'Église catholique n'a admis que très récemment - en 1962, à l'occasion du concile Vatican II - la notion de "liberté religieuse".

d) La notion de vérité est liée au contexte dans lequel nous vivons, ou, pour parler comme Michel Foucault, à un "horizon de savoir". Un homme du Moyen-âge ne pouvait guère refuser les vérités de la foi chrétienne ou l'idée que le soleil tourne autour de la terre ou que le roi de France détient son autorité et son pouvoir de la Providence divine et peut guérir les écrouelles, car elles étaient "évidentes". Mais la vérité évolue avec le temps et varie selon les cultures. Nous sommes contraints, souvent sans même le savoir,d' adhérer aujourd'hui à des "vérités" qui seront peut-être considérées demain comme des erreurs, des mensonges ou des illusions.

3) Nous pouvons échapper à la contrainte de la vérité.

a) Nous avons la liberté de refuser la vérité et de choisir l'erreur, le mensonge ou l'illusion - "La raison a beau crier, elle ne sait pas mettre de prix aux choses", écrit Pascal- et de choisir l'erreur, le mensonge ou l'illusion qui satisfont mieux et davantage notre imagination et nos désirs.

b) La vérité est indépendante de l'autorité. En grandissant, l'enfant s'aperçoit que ses parents ne sont pas omniscients et peuvent se tromper. L'argument d'autorité (« Aristote a dit que… ») n'est pas recevable. Kant nous invite dans l’opuscule Qu’est-ce que les Lumières ? ( Was ist Aufklarüng ?) à nous servir de notre propre entendement : « Les Lumières sont l'émancipation de l'homme de son immaturité dont il est lui-même responsable. L'immaturité est l'incapacité d'employer son entendement sans être guidé par autrui. Cette immaturité lui est imputable non pas si le manque d'entendement mais la résolution et le courage d'y avoir recours sans la conduite d'un autre en est la cause. Sape audere ! Sache oser, aie le courage de te servir de ton propre entendement ! voilà donc la devise des Lumières. »

c) Nous pouvons refuser "l'évidence" des vérités mathématiques ; c'est ainsi que Riemann et Lobatchevski construisent des géométries sur des bases différentes que les axiomes de la géométrie euclidienne, si bien que la somme des angles d’un triangle pourra être supérieure ou inférieure à 180°… Hegel conteste le principe d'identité au nom du devenir : la vérité est un processus "dialectique".

d) Pour Leibniz, l'évidence est un critère trop subjectif : ce qui est évident pour l'un ne le sera pas obligatoirement pour l'autre. Leibniz préfère le formalisme extérieur des règles de calcul à l'intuition intellectuelle. Dans certains domaines, l'évidence ne suffit pas, mais doit laisser la place à l'observation et à l'expérimentation.

4) La vérité est libératrice

a) Il est en notre pouvoir de refuser d'adhérer à la vérité. Mais en avons-nous le droit et ce choix du refus de la vérité ne nous enferme-t-il pas, comme les prisonniers de la caverne, dans le Livre VII de la République, de Platon dans la servitude du mensonge, de l'erreur et de l'illusion ?

"L'allégorie de la caverne", exposée par Platon dans le Livre VII de La République met en scène des hommes enchaînés et immobilisés dans une demeure souterraine qui tournent le dos à l'entrée et ne voient que leurs ombres et celles projetées d'objets au loin derrière eux.

Socrate affirme que ces prisonniers nous ressemblent parce que nous sommes, nous aussi "prisonniers" ; prisonniers du monde sensible : nous prenons ce que nous pouvons voir, entendre, sentir et toucher pour l'unique réalité et parce que nous sommes "enchaînés" à nos corps.

Nous sommes également "prisonniers" de l'opinion (la doxa), des idées toutes faites, des préjugés, de tout ce que nous avons appris sur le monde depuis notre enfance et que nous avons accepté sans examen.

Les prisonniers ne sont ni malheureux, ni révoltés parce qu'ils ne connaissent que le monde dans lequel ils vivent. Il ne leur vient pas à l'esprit qu'il existe un autre monde, plus lumineux, plus vaste, plus beau et plus libre.

Platon, à travers Socrate, nous invite à nous libérer de nos chaînes et à chercher la vérité. Mais il ne nous cache pas que le chemin « qui mène en haut » est difficile et l’éducateur est obligé d’user de contrainte pour délivrer le prisonnier car il est habitué à l'obscurité et la lumière du soleil lui blesse les yeux. On lui demande de gravir une pente, alors qu'il n'a jamais marché et de regarder la lumière du soleil, alors qu'il a vécu dans l'obscurité depuis son enfance.

Platon souligne que n'importe quelle situation est cependant meilleure que la vie dans la caverne : "Il préférerait être un valet de ferme au service d'un paysan pauvre plutôt que de partager les opinions de là-bas et de vivre comme on y vivait" car il a vu les réalités véritables ; il lui faudrait se réhabituer à l'immobilité et aux ombres, alors qu'il a découvert la liberté et la lumière.

b) En nous incitant à faire la vérité sur nous-mêmes, la psychanalyse peut nous aider à connaître ce qui nous fait agir (les souvenirs et les pulsions refoulées dans l'inconscient) et nous aider à nous en libérer.

c) La force du vrai est de porter en lui-même les éléments qui permettent de le dépasser. La liberté est interne à la vérité, en cela qu'il est possible de nier le vrai, comme le fait Descartes au début des Méditations métaphysiques à travers le doute méthodique, afin même de le renforcer.

d) Aucune vérité ne s'impose. Toutes sont conquises et fruit du dialogue avec autrui. "La vérité n'est ni à moi, ni à toi, mais entre nous." (Maurice Merleau-Ponty, Eloge de la Philosophie)

e) Selon W. James, il faut chercher le critère de la vérité dans l'action (pragma) : la vérité se définit par la totalité de ses conséquences, aussi bien affectives et sociales que cognitives ; la vérité est ce qui satisfait l'ensemble des besoins humains. La vérité d'une idée n'est pas quelque chose d'inerte, une propriété qu'elle possède une fois pour toutes. La vérité d'une idée est un événement, un processus par lequel elle se vérifie. Sa validité réside dans le processus de sa vérification. Si la vérité est ce qui satisfait l'ensemble des besoins humains, dont le besoin de liberté, alors la vérité ainsi définie ne saurait être contraignante.

Conclusion :


La vérité n'est pas intrinsèquement contraignante. Nous pouvons chercher une autre vérité que celle que l'on voudrait nous imposer, que ce soit dans le domaine scientifique, moral, politique, religieux. Nous pouvons même choisir le contraire de la vérité, mais ce choix ne nous emprisonne-t-il pas dans les limitations contraignantes du mensonge, de l'illusion et de l'erreur ?

Nous pouvons adhérer à la vérité dans la mesure où personne ne nous y oblige, où nous pouvons la mettre à l'épreuve du doute et où la vérité est une valeur universelle, valable pour tous les "hommes de bonne volonté" doués de raison. L'évidence n'a pas force de preuve, elle est une conquête et elle de l'ordre du désir.

Si la vérité est "ce qui satisfait l'ensemble des besoins humains" et si elle est un processus, une conquête plutôt qu'un acquis définitif dont nous serions sommés de nous satisfaire, alors, non seulement la vérité est compatible avec la liberté, mais elle est véritablement libératrice : "Et il me sera loisible de posséder la vérité dans une âme et dans un corps." (Arthur Rimbaud)


Dernière édition par Robin le Mer 17 Avr 2013 - 6:00, édité 6 fois
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La Vérité est-elle contraignante ou libératrice ? Empty Re: La Vérité est-elle contraignante ou libératrice ?

par Nom d'utilisateur Ven 12 Avr 2013 - 12:57
Une remarque naïve : compte tenu de la définition liminaire de "vérité" (et malgré l'usage stratégique des pronoms "on" etc.), le point 3.a n'est-il pas contradictoire :
"Nous avons la liberté de refuser la vérité et de choisir l'erreur, le mensonge ou l'illusion."
? ("erreur, mensonge, illusion" sont des qualifications émanant d'un tiers ; cf. l'aporie analogue avec "vouloir le Mal").

Par ailleurs, pour rendre toute son acuité à la thèse de Merleau-Ponty (4.d.), il me semble utile de présenter celle de Descartes de manière plus "dramatique", comme il le fait lui-même dans le passage si souvent cité des Regulae: "toutes les fois que deux hommes portent sur la même chose un jugement contraire, il est certain que l’un des deux se trompe. Il y a plus, aucun d’eux ne possède la vérité ; car s’il en avait une vue claire et nette, il pourrait l’exposer à son adversaire, de telle sorte qu’elle finirait par forcer sa conviction. (réf. abrégée : Descartes, "Règles pour la direction de l'esprit", 2.2)
De ce "clash" sont notamment sorties moult discussions contemporaines sur l'argumentation et la rhétorique.
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yphrog
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par yphrog Ven 12 Avr 2013 - 18:54
[Une] vérité n'est pas intrinsèquement contraignante. Nous pouvons chercher une autre vérité que celle que l'on voudrait nous imposer, que ce soit dans le domaine scientifique, moral, politique, religieux.

La Vérité et d'autres valeurs absolues ne semblent pas être errantes.

(à moins qu'elles ne soient en vente à Paris pour contourner des vérités locales: vente de masques Hopi illégale aux EU? Il y a toujours Paris!)

http://www.france24.com/fr/2013-04-11-vente-encheres-justice-masques-tribaux-hopi-robert-redford-paris-drouot
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par Robin Sam 13 Avr 2013 - 17:33
Nom d'utilisateur a écrit:Une remarque naïve : compte tenu de la définition liminaire de "vérité" (et malgré l'usage stratégique des pronoms "on" etc.), le point 3.a n'est-il pas contradictoire :
"Nous avons la liberté de refuser la vérité et de choisir l'erreur, le mensonge ou l'illusion."
? ("erreur, mensonge, illusion" sont des qualifications émanant d'un tiers ; cf. l'aporie analogue avec "vouloir le Mal").

Par ailleurs, pour rendre toute son acuité à la thèse de Merleau-Ponty (4.d.), il me semble utile de présenter celle de Descartes de manière plus "dramatique", comme il le fait lui-même dans le passage si souvent cité des Regulae: "toutes les fois que deux hommes portent sur la même chose un jugement contraire, il est certain que l’un des deux se trompe. Il y a plus, aucun d’eux ne possède la vérité ; car s’il en avait une vue claire et nette, il pourrait l’exposer à son adversaire, de telle sorte qu’elle finirait par forcer sa conviction. (réf. abrégée : Descartes, "Règles pour la direction de l'esprit", 2.2)
De ce "clash" sont notamment sorties moult discussions contemporaines sur l'argumentation et la rhétorique.

Oui, j'ai signalé en préambule le problème de la définition du mot "vérité". Le sujet impliquait le dépassement de la notion courante pour laquelle il y a une "contrainte du vrai".
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par marx Dim 14 Avr 2013 - 21:23
Robin a écrit:
Nom d'utilisateur a écrit:Une remarque naïve : compte tenu de la définition liminaire de "vérité" (et malgré l'usage stratégique des pronoms "on" etc.), le point 3.a n'est-il pas contradictoire :
"Nous avons la liberté de refuser la vérité et de choisir l'erreur, le mensonge ou l'illusion."
? ("erreur, mensonge, illusion" sont des qualifications émanant d'un tiers ; cf. l'aporie analogue avec "vouloir le Mal").

Oui, j'ai signalé en préambule le problème de la définition du mot "vérité". Le sujet impliquait le dépassement de la notion courante pour laquelle il y a une "contrainte du vrai".

Il n'empêche que l'on refuse la vérité uniquement parce qu'on la prend pour une erreur, une affabulation, etc. Et c'est aussi ce qui permet à l'élève de rejeter l'autorité du maître, ou au religieux de crier au scandale en écoutant la théorie scientifique du big bang. Donc je ne comprends pas bien en quoi nous sommes libres de refuser ce que nous estimons vrai, parce que quand nous disons "c'est vrai" nous pouvons dire aussi "je suis d'accord".
Ce qui est vrai en soi n'est donc pas ce qui nous persuade, mais ce qui nous persuade est du même coup jugé vrai.




Dernière édition par marx le Dim 14 Avr 2013 - 21:26, édité 1 fois
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par JPhMM Dim 14 Avr 2013 - 21:24
marx a écrit:Donc je ne comprends pas bien en quoi nous sommes libres de refuser ce que nous estimons vrai
Moi non plus.

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Labyrinthe où l'admiration des ignorants et des idiots qui prennent pour savoir profond tout ce qu'ils n'entendent pas, les a retenus, bon gré malgré qu'ils en eussent. — John Locke

Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
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par marx Dim 14 Avr 2013 - 21:37
Il faudrait peut-être se demander s'il y a un vrai en soi, quels sont les critères qui permettent de reconnaître que ma représentation de la réalité est bien conforme à la réalité (problème de la vérification), si la "vérité libératrice" n'est pas un slogan un peu facile qui consiste à promettre beaucoup pour rien, etc. La vérité est en fait aussi "libératrice" que désespérante (dieu n'existe pas) ou enrageante (Gaza est une prison). Et les "vérités" métaphysiques et mathématiques (puisque Platon ne parle que d'elles) ne libèrent pas de grand chose, à moins de considérer (ce qui est douteux) que l'illusion est une prison. C'est tout de même écrasant de penser que la somme des angles d'un triangle, etc.
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par Robin Dim 14 Avr 2013 - 21:43
marx a écrit:
Robin a écrit:
Nom d'utilisateur a écrit:Une remarque naïve : compte tenu de la définition liminaire de "vérité" (et malgré l'usage stratégique des pronoms "on" etc.), le point 3.a n'est-il pas contradictoire :
"Nous avons la liberté de refuser la vérité et de choisir l'erreur, le mensonge ou l'illusion."
? ("erreur, mensonge, illusion" sont des qualifications émanant d'un tiers ; cf. l'aporie analogue avec "vouloir le Mal").

Oui, j'ai signalé en préambule le problème de la définition du mot "vérité". Le sujet impliquait le dépassement de la notion courante pour laquelle il y a une "contrainte du vrai".

Il n'empêche que l'on refuse la vérité uniquement parce qu'on la prend pour une erreur, une affabulation, etc. Et c'est aussi ce qui permet à l'élève de rejeter l'autorité du maître, ou au religieux de crier au scandale en écoutant la théorie scientifique du big bang. Donc je ne comprends pas bien en quoi nous sommes libres de refuser ce que nous estimons vrai, parce que quand nous disons "c'est vrai" nous pouvons dire aussi "je suis d'accord".
Ce qui est vrai en soi n'est donc pas ce qui nous persuade, mais ce qui nous persuade est du même coup jugé vrai.



Je comprends bien votre objection, mais je ne pense pas que l'expression "c'est vrai" soit équivalente à "je suis d'accord". Vous dites d'ailleurs très bien que le vrai en soi ne nous persuade pas : "La raison a beau crier, elle ne sait pas mettre de prix aux choses." (Pascal)
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par Nom d'utilisateur Dim 14 Avr 2013 - 21:46
marx a écrit:Il faudrait peut-être se demander s'il y a un vrai en soi, quels sont les critères qui permettent de reconnaître que ma représentation de la réalité est bien conforme à la réalité (problème de la vérification), si la "vérité libératrice" n'est pas un slogan un peu facile qui consiste à promettre beaucoup pour rien, etc. La vérité est en fait aussi "libératrice" que désespérante (dieu n'existe pas) ou enrageante (Gaza est une prison). Et les "vérités" métaphysiques et mathématiques (puisque Platon ne parle que d'elles) ne libèrent pas de grand chose, à moins de considérer (ce qui est douteux) que l'illusion est une prison. C'est tout de même écrasant de penser que la somme des angles d'un triangle, etc.

Autant je trouve que l'aporie du Vrai (en tant que jugement) demeure, autant, si je comprends bien, Robin a d'avance répondu à votre question, ouvrant la porte à l'existence de vérités particulières, de vérités partielles voire partiales (cf. "je dirai toute la vérité, rien que la vérité..." - parce qu'on peut la dire aussi pas toute etc.).
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par JPhMM Dim 14 Avr 2013 - 21:49
marx a écrit:Et les "vérités" métaphysiques et mathématiques (puisque Platon ne parle que d'elles) ne libèrent pas de grand chose, à moins de considérer (ce qui est douteux) que l'illusion est une prison. C'est tout de même écrasant de penser que la somme des angles d'un triangle, etc.
Elles libèrent les hommes de l'emprise des dieux.

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Labyrinthe où l'admiration des ignorants et des idiots qui prennent pour savoir profond tout ce qu'ils n'entendent pas, les a retenus, bon gré malgré qu'ils en eussent. — John Locke

Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
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par Robin Dim 14 Avr 2013 - 21:58
JPhMM a écrit:
marx a écrit:Et les "vérités" métaphysiques et mathématiques (puisque Platon ne parle que d'elles) ne libèrent pas de grand chose, à moins de considérer (ce qui est douteux) que l'illusion est une prison. C'est tout de même écrasant de penser que la somme des angles d'un triangle, etc.
Elles libèrent les hommes de l'emprise des dieux.

Dans la dialectique ascendante, les vérités mathématiques sont une préparation, une propédeutique à la contemplation des essences (le Bien, le Beau et le Vrai) qui est le but, le télos de la démarche platonicienne. Il y a effectivement une contrainte dans la République, pas des dieux, mais du Bien.

Hannah Arendt (La crise de la culture, "Qu'est-ce que l'autorité ?") explique en quoi la pensée grecque a influencé le concept romain d'autorité, et en particulier le mythe de la caverne de Platon :

"Ce fut après la mort de Socrate, écrit Hannah Arendt (La crise de la culture, "Qu'est-ce que l'autorité ?", Folio Essais, page 142) que Platon commença à négliger la persuasion parce qu'elle était insuffisante pour diriger les hommes et à chercher quelque chose susceptible de les contraindre sans user de moyens externes de violence. Très tôt dans sa recherche, il a dû découvrir que la vérité, en tout cas les vérités que l'on nomme évidentes, contraignent l'esprit, et que cette contrainte, bien qu'elle n'ait pas besoin de violence pour être effective, est plus forte que la persuasion et l'argumentation. L'ennuyeux dans la coercition par la raison, cependant, c'est que seulement un petit nombre y est soumis, si bien que surgit le problème de savoir comment s'assurer que le grand nombre, les gens qui dans leur multitude même constituent le corps politique peuvent être soumis à la même vérité. Ici, assurément, il faut trouver d'autres moyens de coercition, et ici encore il faut éviter la contrainte par la violence si l'on ne veut pas détruire la vie politique telle que les Grecs la comprenaient. C'est la difficulté centrale de la philosophie politique de Platon, et c'est resté une aporie de toutes les tentatives pour établir une tyrannie de la raison."

Et elle poursuit, plus loin (page 148) : "Nous avons vu que, dans la parabole de la caverne, le philosophe quitte la caverne en quête de la véritable essence de l'Etre sans aucune arrière-pensée quant à l'applicabilité de ce qu'il va chercher. Ce n'est que plus tard, quand il se trouve à nouveau prisonnnier et se heurte à l'hostilité de ses semblables, qu'il commence à penser à sa "vérité" en termes de normes applicables au comportement d'autres personnes. Cette antinomie entre les idées comme essences vraies devant être contemplées et les idées comme mesures devant être appliquées est manifeste dans les deux idées entièrement différentes qui représentent l'idée la plus haute, l'idée unique à laquelle toutes les autres doivent leur existence (Hannah Arendt nous aide à comprendre pourquoi Platon hésite entre le Beau et le Bien et considère que le Bien est la valeur suprême, mais seulement dans le domaine politique)"
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La Vérité est-elle contraignante ou libératrice ? Empty Re: La Vérité est-elle contraignante ou libératrice ?

par marx Lun 15 Avr 2013 - 19:18
JPhMM a écrit:
marx a écrit:Et les "vérités" métaphysiques et mathématiques (puisque Platon ne parle que d'elles) ne libèrent pas de grand chose, à moins de considérer (ce qui est douteux) que l'illusion est une prison. C'est tout de même écrasant de penser que la somme des angles d'un triangle, etc.
Elles libèrent les hommes de l'emprise des dieux.

Elles libèrent des âneries de la religion, à la rigueur, mais des dieux ? L'hypothèse de dieu se tient toujours derrière le big bang ou les découvertes sur l'organisation du vivant.
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yphrog
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La Vérité est-elle contraignante ou libératrice ? Empty Re: La Vérité est-elle contraignante ou libératrice ?

par yphrog Mar 16 Avr 2013 - 14:13
Merci, d'abord et comme toujours, à vous Robin pour vos reflexions qui ne manquent jamais de me rendre peu productif. I love you J'ai déjà cité ce qui est pour moi la question centrale: l'opposition "vérité" (sclérosée dans les abstractions successives) et "errance" (principe actif d'un séjour sur terre que nul n'a pu choisir qu'a posteriori).

D'abord, merci pour le rappel concernant alètheia:

wikipedia a écrit:Alètheia (grec ancien : ἀλήθεια) : 1 - « vérité » (au sens de dévoilement), issu de lèthè « oubli » et a- (négation) ; 2 - « réalité »

Mais je me demande à quel titre on choisit toujours bien souvent la forme nominale pour les sujets de philo en France.

En anglais, au moins, "truth" n'est qu'un développement tardif de l'adjectif "triewe"
online etymology a écrit:[...] having or characterized by good faith [...] perhaps ultimately from PIE *dru- "tree," on the notion of "steadfast as an oak."

http://www.etymonline.com/index.php?search=true
comme cela semble être le cas en allemand: "wahrheit" est nécessairement plus tard que "wahr" (de la même racine que "verus", вѣра).

wiktionnaire a écrit:De l’indo-européen commun *u̯erǝ- [1] (« ami, digne de foi, vrai »)
nom d'un utilisateur a écrit:Une remarque naïve [...]
le point 3.a n'est-il pas contradictoire :
"Nous avons la liberté de refuser la vérité et de choisir l'erreur, le mensonge ou l'illusion."
? ("erreur, mensonge, illusion" sont des qualifications émanant d'un tiers ; cf. l'aporie analogue avec "vouloir le Mal").

Il me semble, tout aussi naïvement, nom, que "ami, digne de foi, vrai" sont aussi des qualifications émanant d'un tiers, non?


marx a écrit:Ce qui est vrai en soi n'est donc pas ce qui nous persuade, mais ce qui nous persuade est du même coup jugé vrai.


Ma confusion concernant le mot "convaincu" l'autre jour dans le fil sur le grand rabbin me laisse toujours songeur... Être convaincu semble pouvoir vouloir dire à la fois "être persuadé" et "être condamné".

De temps à autres, je suis d'accord Robin, il faut rechauffer les noms mis au congel pour voir s'ils ont toujours le pouvoir de nous persuader amicalement... alors il me semble que "la difficulté de ce sujet réside dans la nécessité de" dévoiler le praxeis qui se "cache" derrière l'usage d'un article défini (qui désigne un nom particulier identifiable par cel-ui qui décode le message) et son accouplement avec le suffixe féminin -té (ou -heit).

:frigo:

bref, merci en particulier pour les lignes sur le pardon. Smile





Dernière édition par xphrog le Mar 16 Avr 2013 - 14:52, édité 1 fois
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par Nom d'utilisateur Mar 16 Avr 2013 - 14:47
xphrog a écrit:"ami, digne de foi, vrai" sont aussi des qualifications émanant d'un tiers, non?
(fonction "éditer" pour baliser la citation ci-dessus, et re-belotte pour cette ligne)

pas forcément pour le souligné (cf. "C'est vrai ce que tu racontes?"). Lequel, soit dit en passant et sur la pointe des pieds, doit être substantivé (le vrai) si l'on veut en faire le sujet de jugements, par exemple, de définitions contradictoires (or cette pratique culturelle appelée "philosophie", là où elle existe en l'état, s'est construite autour des jugements, je crois) ; et se distingue en tout état de cause de la vérité. Du rôle de la dérivation nominale dans la pensée philosophique, et de la contrainte grammaticale...


Dernière édition par Nom d'utilisateur le Mar 16 Avr 2013 - 15:08, édité 2 fois
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yphrog
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La Vérité est-elle contraignante ou libératrice ? Empty Re: La Vérité est-elle contraignante ou libératrice ?

par yphrog Mar 16 Avr 2013 - 15:01
oui, tu as raison pour la belle définition ... Razz

De l’indo-européen commun *u̯erǝ- [1] (« ami, digne de foi, vrai {cf. *u̯erǝ-} »)

nom a écrit:cf. "C'est vrai ce que tu racontes?"
mais ça se conjugue à la 3e personne, ton exemple gnomique... :|



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par JPhMM Mar 16 Avr 2013 - 21:00
Robin a écrit:
JPhMM a écrit:
marx a écrit:Et les "vérités" métaphysiques et mathématiques (puisque Platon ne parle que d'elles) ne libèrent pas de grand chose, à moins de considérer (ce qui est douteux) que l'illusion est une prison. C'est tout de même écrasant de penser que la somme des angles d'un triangle, etc.
Elles libèrent les hommes de l'emprise des dieux.

Dans la dialectique ascendante, les vérités mathématiques sont une préparation, une propédeutique à la contemplation des essences (le Bien, le Beau et le Vrai) qui est le but, le télos de la démarche platonicienne. Il y a effectivement une contrainte dans la République, pas des dieux, mais du Bien.

Hannah Arendt (La crise de la culture, "Qu'est-ce que l'autorité ?") explique en quoi la pensée grecque a influencé le concept romain d'autorité, et en particulier le mythe de la caverne de Platon :

"Ce fut après la mort de Socrate, écrit Hannah Arendt (La crise de la culture, "Qu'est-ce que l'autorité ?", Folio Essais, page 142) que Platon commença à négliger la persuasion parce qu'elle était insuffisante pour diriger les hommes et à chercher quelque chose susceptible de les contraindre sans user de moyens externes de violence. Très tôt dans sa recherche, il a dû découvrir que la vérité, en tout cas les vérités que l'on nomme évidentes, contraignent l'esprit, et que cette contrainte, bien qu'elle n'ait pas besoin de violence pour être effective, est plus forte que la persuasion et l'argumentation. L'ennuyeux dans la coercition par la raison, cependant, c'est que seulement un petit nombre y est soumis, si bien que surgit le problème de savoir comment s'assurer que le grand nombre, les gens qui dans leur multitude même constituent le corps politique peuvent être soumis à la même vérité. Ici, assurément, il faut trouver d'autres moyens de coercition, et ici encore il faut éviter la contrainte par la violence si l'on ne veut pas détruire la vie politique telle que les Grecs la comprenaient. C'est la difficulté centrale de la philosophie politique de Platon, et c'est resté une aporie de toutes les tentatives pour établir une tyrannie de la raison."

Et elle poursuit, plus loin (page 148) : "Nous avons vu que, dans la parabole de la caverne, le philosophe quitte la caverne en quête de la véritable essence de l'Etre sans aucune arrière-pensée quant à l'applicabilité de ce qu'il va chercher. Ce n'est que plus tard, quand il se trouve à nouveau prisonnnier et se heurte à l'hostilité de ses semblables, qu'il commence à penser à sa "vérité" en termes de normes applicables au comportement d'autres personnes. Cette antinomie entre les idées comme essences vraies devant être contemplées et les idées comme mesures devant être appliquées est manifeste dans les deux idées entièrement différentes qui représentent l'idée la plus haute, l'idée unique à laquelle toutes les autres doivent leur existence (Hannah Arendt nous aide à comprendre pourquoi Platon hésite entre le Beau et le Bien et considère que le Bien est la valeur suprême, mais seulement dans le domaine politique)"
Merci.
Je songeais aussi à Pythagore, bien sûr.

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Labyrinthe où l'admiration des ignorants et des idiots qui prennent pour savoir profond tout ce qu'ils n'entendent pas, les a retenus, bon gré malgré qu'ils en eussent. — John Locke

Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
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par Robin Mar 16 Avr 2013 - 21:53
à xphrog et à nom d'utilisateur

La distinction entre "le vrai" et "la vérité" me semble effectivement importante et j'approuve bien entendu tout ce que vous dites sur les "contraintes grammaticales", au point qu'on a pu se demander si la philosophie grecque et sa façon d'interroger "l’Être de l'étant" n'était pas entièrement tributaire d'une grammaire.

à JPhMM :

Celui qui nous libère des dieux : j'aurais plutôt pensé à Épicure (?)
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par JPhMM Mar 16 Avr 2013 - 22:48
Robin a écrit:à JPhMM :

Celui qui nous libère des dieux : j'aurais plutôt pensé à Épicure (?)
Pourtant Festugière nous a enseigné les dieux d’Épicure. Wink

Fort simplement (trop simplistement ?) je songeais à Pythagore, car par lui le monde est soudain perçu explicable par les nombres, et non explicable par le caprice des dieux, principe fondateur d'un paradigme que même Einstein ne peut au fond accepter dans ses derniers retranchements (puisqu'Il ne jouerait pas aux dés). Avec le pythagorisme mathématique nait la modélisation mathématique des phénomènes physiques, rupture d'une brutalité inouïe avec le monde des dieux.

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par Robin Mer 17 Avr 2013 - 6:06
JPhMM a écrit:
Robin a écrit:à JPhMM :

Celui qui nous libère des dieux : j'aurais plutôt pensé à Épicure (?)
Pourtant Festugière nous a enseigné les dieux d’Épicure. Wink

Fort simplement (trop simplistement ?) je songeais à Pythagore, car par lui le monde est soudain perçu explicable par les nombres, et non explicable par le caprice des dieux, principe fondateur d'un paradigme que même Einstein ne peut au fond accepter dans ses derniers retranchements (puisqu'Il ne jouerait pas aux dés). Avec le pythagorisme mathématique nait la modélisation mathématique des phénomènes physiques, rupture d'une brutalité inouïe avec le monde des dieux.

D'accord. On peut toutefois se demander si on n'a pas commencé par diviniser les nombres pour diviniser plus tard, la "pensée calculante" Twisted Evil ! Je pensais à Épicure à cause de ses dieux suprêmement ataraxes et indifférents.
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par JPhMM Mer 17 Avr 2013 - 9:45
Robin a écrit:On peut toutefois se demander si on n'a pas commencé par diviniser les nombres pour diviniser plus tard, la "pensée calculante"
En effet. Les sources manquent sans doute.

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marx
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par marx Mer 17 Avr 2013 - 13:36
Nom d'utilisateur a écrit:
marx a écrit:Il faudrait peut-être se demander s'il y a un vrai en soi, quels sont les critères qui permettent de reconnaître que ma représentation de la réalité est bien conforme à la réalité (problème de la vérification), si la "vérité libératrice" n'est pas un slogan un peu facile qui consiste à promettre beaucoup pour rien, etc. La vérité est en fait aussi "libératrice" que désespérante (dieu n'existe pas) ou enrageante (Gaza est une prison). Et les "vérités" métaphysiques et mathématiques (puisque Platon ne parle que d'elles) ne libèrent pas de grand chose, à moins de considérer (ce qui est douteux) que l'illusion est une prison. C'est tout de même écrasant de penser que la somme des angles d'un triangle, etc.

Autant je trouve que l'aporie du Vrai (en tant que jugement) demeure, autant, si je comprends bien, Robin a d'avance répondu à votre question, ouvrant la porte à l'existence de vérités particulières, de vérités partielles voire partiales (cf. "je dirai toute la vérité, rien que la vérité..." - parce qu'on peut la dire aussi pas toute etc.).

Refuser de dire ce qu'on pense être la vérité, ce n'est pas refuser son assentiment à ce qu'on juge vrai. Il faudrait distinguer la pensée et la parole. L'aporie du vrai se maintient là aussi : on ne peut être convaincu que par ce qu'on pense être vrai, même si on est dans l'erreur, on ne peut pas vouloir se tromper.
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yphrog
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par yphrog Mer 17 Avr 2013 - 15:41
Oui, il faut distinguer la pensée, la parole et surtout les actions, me semble-t-il.

on ne peut être convaincu que par ce qu'on pense être vrai, même si on est dans l'erreur, on ne peut pas vouloir se tromper.

Je suis assez peu optimiste quant à la véracité de ce prémise. Sad J'ai pu observer chez moi et chez d'autres habitants du bayou une nette tendance de vouloir se voiler la face, conçernant certaines réalités "vraies".

Souvent, c'est utile d'agir ainsi quand on a à faire des tâches et des micro-tâches pour la science... je plains les profs du sécondaire, les huissiers de justice, les travailleurs chez les fabricants d'armes, et les Gardiens modernes auxquels tu fais allusion, cher Marx, nettoyeur de cerveaux...

Ceci dit, je ne pense pas que ce soit nécessairement une mauvaise chose qu'on se trompe presque volontairement (en feignant l'ignorance de façon plus ou moins convaincant), vu notre pouvoir relatif d'améliorer les quatres vérités de not' monde si digne, si chapitel...
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