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Robin
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Freud/Lacan, le "Traumarbeit" Empty Freud/Lacan, le "Traumarbeit"

par Robin Dim 18 Aoû 2013 - 11:41
Plusieurs procédés sont à l'oeuvre dans "le travail du rêve" : la condensation, le déplacement, les procédés de figuration, le symbolisme et l'élaboration secondaire (cf. l'Interprétation du rêve, chapitre VI, Presses Universitaires de France, nouvelle édition augmentée et entièrement  révisée par Denise Berger, "Le Travail du rêve", p. 241-266).

1) Le travail de condensation (rapport d'une partie au tout)

"Quand on compare le contenu du rêve et les pensées du rêve, on s'aperçoit tout d'abord qu'il y a là un énorme travail de condensation. Le rêve est bref, pauvre, laconique, comparé à l'ampleur et à la richesse des pensées du rêve. Bref, le rêve couvre à peine une demi-page ; l'analyse, où sont indiqués ses pensées, sera six, huit, douze fois plus étendue." (L'interprétation du rêve, "Le travail du rêve", PUF, p. 242)

2) Le travail de déplacement (approximation ou allusion)


"En rassemblant des exemples de condensation dans le rêve, nous avons remarqué que les éléments qui nous paraissent essentiels pour le contenu ne jouaient dans les pensées du rêve qu'un rôle très effacé. Inversement, ce qui est visiblement l'essentiel des pensées du rêve n'est parfois pas du tout représenté dans celui-ci. Le rêve est autrement centré, son contenu est rangé autour d'éléments autres que les pensées du rêve. (L'interprétation du rêve, "Le travail du rêve", PUF, p. 263)

3) Les procédés de figuration du rêve (représentation verbale plastique)

"Le rêve n'a aucun moyen de représenter les relations logiques entre les pensées qui le composent. Il laisse là toutes ces conjonctions et ne travaille que sur le contenu effectif des pensées du rêve. C'est à l'interprétation de rétablir les liens supprimés par ce travail. Ce défaut d'expression est lié à la nature du matériel psychique dont le rêve dispose. Les arts plastiques, peinture et sculpture, comparés à la poésie, qui peut, elle, se servir de la parole, se trouvent dans une situation analogue." (p. 269)

4) Le rapport symbolique

Freud consacre le chapitre 10 de l'Introduction à la Psychanalyse à ce procédé : le symbolisme dans le rêve. (Introduction à la Psychanalyse, p. 134-154)

Il existe un rapport constant entre l'élément d'un rêve et sa traduction. Freud donne à ce rapport le nom de "symbolique", l'élément lui-même étant un symbole de la pensée inconsciente du rêve. (p. 135)

L'essence du rapport symbolique consiste dans une comparaison. Le rêve, loin de symboliser sans choix, ne choisit que certains éléments des idées latentes du rêve.

Les objets qui trouvent dans le rêve une représentation symbolique sont peu nombreux : Le corps humain, les parents, les enfants, les frères et soeurs, la naissance, la mort, la nudité...

La maison est la représentation de l'ensemble de la personne humaine, les parents ont pour symboles l'empereur et l'impératrice, le roi et la reine...

Les frères et soeurs ont pour symbole les petits animaux, la vermine (ce qui est nettement moins sympathique, mais exprime bien les rapports de rivalité qui existent souvent entre frères et soeurs)...

La naissance est presque toujours représentée par une action dont l'eau est le principal facteur...

La mort imminente est remplacée dans le rêve par le départ, par un voyage en chemin de fer ; la mort réalisée par certains présages obscurs, sinistres...

Les objets et les contenus du domaine de la vie sexuelle sont représentés par un symbolisme extraordinairement riche et varié.

Exemples de symboles sexuels : le nombre 3, la fleur de lys, le trèfle, représentent l'appareil génital de l'homme, la verge trouve des substitutions symboliques dans des objets qui lui ressemblent par la forme : cannes, parapluies, tiges, arbres, etc., ou qui ont en commun avec la verge de pouvoir pénétrer à l'intérieur d'un corps et causer des blessures : armes pointues, couteaux, poignards, lames, sabres, révolver ou par des objets d'où s'échappe un liquide : robinets à eau, aiguières, sources jaillissantes ou par d'autres susceptibles de s'allonger. L'érection de la verge ou du clitoris (équivalent féminin du pénis) est symbolisée par les ballons, les avions, les dirigeables ou encore l'impression de voler.

L'appareil génital de la femme est représenté symboliquement par tous les objets  dont la caractéristique consiste en ce qu'ils circonscrivent une cavité dans laquelle quelque chose peut être logé...

Le glissement, la descente brusque, l'arrachage d'une branche sont des représentations symboliques de l'onanisme. La chute d'une dent signifie la castration. La circoncision est un succédané de la castration.

"Le domaine du symbolisme est extraordinairement grand..." "on a l'impression  d'être en présence d'un mode d'expression ancien, mais disparu..." les symboles semblent être les survivances d'une langue fondamentale." (p. 151)

"Il existe des rapports particulièrement étroits entre les symboles véritables et la vie sexuelle."

"Le symbolisme est un facteur de déformation des rêves, indépendant de la censure. Mais nous pouvons supposer qu'il est commode pour la censure de se servir du symbolisme qui concourt au même but : rendre le rêve bizarre et incompréhensible." (p. 154)

Note : Freud admet que tous les symboles ne sont pas d'ordre sexuel, mais affirme que les symboles du rêve le sont presque toujours. La lecture du chapitre 10 permet de comprendre le désaccord avec Jung au sujet de la composante sexuelle des symboles. Le chapitre 10 fait appel à l'anthropologie, à la mythologie, à la linguistique et à l'ethnologie.

5) L'élaboration secondaire


"L'élaboration secondaire est le facteur du travail du rêve qui a été le mieux remarqué et compris par la plupart des auteurs. Havelock Ellis en donne une vivante image :

"Nous pouvons nous représenter les choses de la façon suivante. La conscience sommeillante se dit : voici venir notre maître, la conscience éveillée, qui attache tant d'importance à la raison, à la logique, etc. Vite ! Prenons les choses, mettons-les en ordre, - n'importe quel ordre est bon - , avant qu'il n'entre occuper la scène."

Cette fonction d'interprétation n'est pas particulière au rêve ; c'est le même travail de coordination logique que nous faisons sur nos sensations pendant la veille (H. Delacroix). (p. 426 et suiv.)

Jacques Lacan (Ecrits, "L'instance de la Lettre dans l'Inconscient") établit une relation entre le travail du rêve et les figures de style : métaphore (condensation) et métonymie (déplacement).

II. La lettre dans l'inconscient

L'oeuvre complète de Freud nous présente une page sur trois de références philologiques, une page sur deux d'inférences logiques, partout une appréhension dialectique de l'expérience, l'analytique langagière y renforçant encore ses proportions à mesure que l'insconscient y est plus directement intéressé.

C'est ainsi que dans La Science des rêves, il ne s'agit à toutes les pages que de ce que nous appelons la lettre du discours, dans sa texture, dans ses emplois, dans son immanence à la matière en cause. Car cet ouvrage ouvre avec l'oeuvre sa route royale à l'inconscient. Et nous en sommes avertis par Freud, dont la confidence surprise quand il lance ce livre vers nous aux premiers jours de ce siècle (cf. la correspondance, les n° 107 et 119, des lettres choisies par ses éditeurs), ne fait que confirmer ce qu'il est proclamé jusqu'au bout : dans ce va-tout de son message est le tout de sa découverte.

La première clause articulée dès le chapitre liminaire, parce que l'exposé n'en peut souffrir le retard, c'est que le rêve est un rébus. Et Freud de stipuler qu'il faut l'entendre comme j'ai dit d'abord, à la lettre. Ce qui tient à l'instance dans le rêve de cette même structure littérante (autrement dit phonématique) où s'articule et s'analyse le signifiant dans le discours. Telles les figures hors nature du bateau sur le toit ou de l'homme à tête de virgule expressément évoqués par Freud, les images du rêve ne sont à retenir que pour leur valeur de signifiant, c'est-à-dire pour ce qu'elles permettent d'épeler du "proverbe" proposé par le rébus du rêve. cette structure du langage qui rend possible l'opération de la lecture, est au principe de la signifiance du rêve, de la Traumdeutung (...) p 510

"L'Entstellung, traduite : transposition, où Freud montre la précondition générale de la fonction du rêve, c'est ce que nous avons désigné plus haut avec Saussure comme le glissement du signifié sous le signifiant, toujours en action (inconsciente, remarquons-le) dans le discours.

Mais les deux versants de l'incidence du signifiant sur le signifié s'y retrouvent.

La Verdichtung, condensation, c'est la structure de surimposition des signifiants où prend son champ la métaphore, et dont le nom pour condenser en lui-même la Dichtung, indique la connaturalité du mécanisme à la poésie, jusqu'au point où il enveloppe la fonction proprement traditionnelle de celle-ci.

La Verschiebung ou déplacement, c'est plus près du terme allemand ce virement de la signification que la métonymie démontre et qui, dès son apparition dans Freud, est présenté comme le moyen de l'inconscient le plus propre à déjouer la censure.

Qu'est ce qui distingue ces deux mécanismes, qui jouent dans le travail du rêve, Traumarbeit, un rôle privilégié, de leur homologue fonction dans le discours ? - Rien, sinon une condition imposée au matériel signifiant, dite Rücksicht auf Darstellbarkeit qu'il faut traduire par : égard aux moyens de la mise en scène (la traduction par : rôle de la possibilité de figuration étant ici par trop approximative). Mais cette condition constitue une limitation qui s'exerce à l'intérieur du système de l'écriture, loin qu'elle le dissolve en une sémiologie figurative où il rejoindrait les phénomènes de l'expression naturelle.

On pourrait probablement éclairer par là les problèmes de certains modes de pictographie, qu'on n'est pas autorisé, du seul fait qu'ils aient été abandonnés comme imparfaits dans l'écriture, à considérer comme des stades évolutifs. Disons que le rêve est semblable à ce jeu de salon où l'on doit, sur la selette, donner à deviner aux spectateurs un énoncé connu ou sa variante par le seul moyen d'une mise en scène muette. Que le rêve dispose de la parole n'y change rien, vu que pour l'inconscient elle n'est qu'un élément de mise en scène comme les autres. C'est justement quand le jeu et aussi bien le rêve se heurteront au manque de matériel taxiématique pour représenter les articulations logiques de la causalité, de la contradiction, de l'hypothèse, etc., qu'ils feront la preuve que l'un et l'autre ils sont affaire d'écriture et non de pantomime. Les procédés subtils que le rêve s'avère employer pour représenter néanmoins ces articulations logiques, de façon beaucoup moins artificielle que le jeu n'y pare d'ordinaire, sont dans Freud l'objet d'une étude spéciale où se confirme une fois de plus que le travail du rêve suit les lois du signifiant.

Le reste de l'élaboration est désigné par Freud comme secondaire, ce qui prend sa valeur de ce dont il s'agit : fantasmes ou rêves diurnes, Tagtraum pour employer le terme dont Freud préfère se servir pour les situer dans leur fonction d'accomplissement du désir (Wunscherfüllung). Leur trait distinctif, étant donné que ces fantasmes peuvent rester inconscients, est bien leur signification. Or de ceux-ci Freud nous dit que leur place dans le rêve est ou bien d'y être repris à titre d'éléments signifiants pour l'énoncé de la pensée inconsciente (Traumgedanke), - ou bien de servir à l'élaboration secondaire ici en question, c'est-à-dire à une fonction, dit-il, qu'il n'y a pas lieu de distinguer de la pensée vigile (von unserem wachen Denken nicht zu unterscheiden). On ne peut donner une meilleure idée des effets de cette fonction que de la comparer à des plaques de badigeon, qui, de ci de là reportées au pochoir, tendraient à faire rentrer dans l'apparence d'un tableau à sujets les clichés plutôt rébarbatifs en eux-mêmes du rébus ou des hiéroglyphes." (J. Lacan, Ecrits, "L'instance de la Lettre dans l'Inconscient", p. 511-512)
verdurin
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Freud/Lacan, le "Traumarbeit" Empty Re: Freud/Lacan, le "Traumarbeit"

par verdurin Mar 20 Aoû 2013 - 0:36
veneration affraid veneration affraid veneration 

_________________
Contre la bêtise, les dieux eux mêmes luttent en vain.
Ni centidieux, ni centimètres.
Robin
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Fidèle du forum

Freud/Lacan, le "Traumarbeit" Empty Re: Freud/Lacan, le "Traumarbeit"

par Robin Mar 20 Aoû 2013 - 9:55
verdurin a écrit:veneration affraid veneration affraid veneration 
C'est d'une Kolossale clarté, n'est-ce pas ? Very Happy 
Thierry75
Thierry75
Niveau 10

Freud/Lacan, le "Traumarbeit" Empty Re: Freud/Lacan, le "Traumarbeit"

par Thierry75 Dim 9 Fév 2014 - 19:15
Je remonte. Merci Ronin. Je rappelle que le deuxième thème de cette année (et aussi l'an prochain) en BTS est "cette part de rêve que chacun porte en soi".
Thierry75
Thierry75
Niveau 10

Freud/Lacan, le "Traumarbeit" Empty Re: Freud/Lacan, le "Traumarbeit"

par Thierry75 Dim 9 Fév 2014 - 19:16
Very Happy Heu Robin, pardon.
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