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Sei
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par Sei Dim 18 Sep 2022 - 15:27
Mélusine2 a écrit:
Reine Margot a écrit:+1 avec Sei Ne surtout pas se laisser intimider par des pressions religieuses, et expliquer.
Le choix du mot "cochon", pour évoquer une tirelire, n'est pas anodin et il faut expliquer le côté provocateur du début de roman.
Je pense que les élèves connaissent l'objet tirelire et sa forme, moi aussi, et je ne pense pas non plus que le titre soit forcément choisi par l'éditeur (dire cela serait une façon de reculer devant l'étude du mot cochon et du titre de l'ouvrage).

Je n'en suis pas très convaincue... c'est la forme de la tirelire traditionnelle, qu'il fallait casser en effet pour avoir ses sous. A l'âge qu'a l'auteur, c'est celle de son enfance, pas de quoi s'énerver. Il serait, je crois, plutôt utile de faire comprendre que le mot "chien" ne mord pas...
Si, de l'interdit de manger du porc, on en vient à l'interdiction des mots qui le désignent, ça va devenir compliqué. Je trouve, pour d'autres raisons, très judicieux de ne pas manger d'animaux, mais je ne peux pas concevoir qu'on s'attaque sans mauvaise foi à l'usage d'un mot. Le rapprochement avec le titre ne tient pas des masses, le narrateur étant juif (même interdit alimentaire, certes, mais pas de "provocation" folle dans ce rapprochement, donc. Le propos, même lourdaud, semble plutôt œcuménique.)

Je ne sais pas si ces pré-ados qui parlent comme des charretiers dans la vraie vie et leurs parents (combien, au fait ?) sont sincères : après tout, toutes les contradictions sont possibles.
Je ne crois pas que je répondrais que cet incipit balourd est provocateur à cause du "cochon", un objet présent dans toutes les chambres d'enfant de la génération de l'auteur, mais plutôt en montrant l'image d'une tirelire et en expliquant au besoin les valeurs symboliques de l'animal (pauvre bête) qui ont fait adopter largement l'objet. C'est marrant, d'ailleurs, il semble susciter ici davantage de réactions que le mot "putes" : quelque chose devient vraiment bizarre.
En ce qui concerne les parents (là aussi, combien ?), je pense que c'est à la direction de prendre le relais.

Évidemment, reste que ce narrateur qui casse sa tirelire pour aller aux putes, ce n'est pas un incipit d'une finesse remarquable... je veux bien que ce mot-là soit plus provocateur, mais enfin, dans la cour d'un collège, on en entend d'autres.

Je ne veux pas minimiser l'embûche qui tombe sur la tête de nos collègues : je souhaiterais plutôt qu'on n'en vienne pas à juger "inapproprié" un texte parfaitement anodin parce que 3 neuneus se montent la tête dans une classe. Comme ce n'est pas toujours facile, il me semble que l'appui ferme de l'institution (pour l'instant sous la forme d'une réponse de la direction aux quelques parents malcomprenants) s'impose.

De quoi parlons-nous ?
Ce n'est pas nous qui jugeons le texte inapproprié (même si certains ont mentionné que livrer ce texte pendant les vacances, sans accompagnement, était fort risqué), et encore moins qui interdisons des mots.
Par contre, ne rien voir d'ironique (je reprends le terme de Reine Margot) dans le choix de commencer un roman qui va relater la rencontre entre un juif et un musulman par l'idée de casser son "cochon", c'est bien étonnant (et peu importe le titre).
Les putes, l'argent, le cochon... on est dans le trivial voire l'impur, et la rencontre avec M. Ibrahim va être décisive.
Les ficelles sont plutôt grosses, et c'est ce qu'ont senti, maladroitement, les élèves.

Par ailleurs, non, l'auteur n'est pas un enfant, bien justement !


Dernière édition par Sei le Dim 18 Sep 2022 - 21:00, édité 1 fois
MUTIS
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Expert

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par MUTIS Dim 18 Sep 2022 - 15:51
camomilles a écrit:Bonjour à tous,

Pendant les vacances d'été tous nos élèves passant en 4ème (REP+) devaient lire "Ibrahim et les fleurs du Coran". Or le roman commence ainsi :

"À onze ans, j’ai cassé mon cochon et je suis allé voir les putes. Mon cochon, c’était une tirelire en porcelaine vernie, couleur de vomi, avec une fente qui permettait à la pièce d’entrer mais pas de sortir. Mon père l’avait choisie, cette tirelire à sens unique, parce qu’elle correspondait à sa conception de la vie : l’argent est fait pour être gardé, pas dépensé. Il y avait deux cents francs dans les entrailles du cochon. Quatre mois de travail".

Or vendredi, de nombreux élèves et parents d'élèves de ma classe sont venus se plaindre à la direction car il y avait le mot "***" et aussi le mot "cochon". Bref, les parents sont très choqués, les élèves aussi.

Je dois avouer être assez agacée mais ne sait pas comment réagir face à mes élèves lundi car je pense que cela mérite une discussion sinon tous les textes que je vais leur donner seront susceptibles de les heurter notamment quand je vais faire ma séquence du l'amour.

Comment réagiriez-vous face aux élèves et aux parents ?

Je comprends l'agacement. Et on peut en sourire...Le mot *** est un mot que les parents et les élèves connaissent parfaitement ! Quand on voit ce qu'ils regardent sur Internet aujourd'hui, quand on écoute le langage qu'ils utilisent, les pudeurs effarouchées des petites censeurs en culotte font rire ! Il n'y a pas de quoi s'effaroucher. Il faut juste leur expliquer que la littérature utilise toutes les ressources du langage et qu'elle ne confond pas le langage châtié et la morale...Ça c'est pour les curés de toutes obédiences, pas pour les gens qui pensent.
Quand au mot cochon et à la tirelire, c'est encore plus risible et grotesque. D'abord c'est un fait culturel et ça existe. Le leur montrer s'ils n'ont jamais vu de tirelire en forme de cochon ! Et le mot cochon n'a aucune valeur péjorative et n'est pas employé comme insulte. Au contraire, il est lié à l'argent et peut donc être interprété comme un signe de la trivialité fiduciaire. C'est un roman sur la fraternité entre un juif et un musulman... Moi je leur demanderais si c'est ÇA QUI LES CHOQUE !
Bon, je n'aime pas du tout Schmidt, mais pas de quoi effaroucher un sectaire ici... Au contraire c'est plein de bons sentiments naïfs, plein de bonnes intentions consensuelles, plein de guimauve et de sucreries pour gamins de 12 ans.
Molière est infiniment plus subversif dans l'École des femmes...

                             Votre sexe n'est là que pour la dépendance
                             Du côté de la barbe est la toute puissance

Ça , ça résonne et ça peut déranger : ce texte est interdit dans certains pays...
Et je vais l'étudier en montrant la modernité et le caractère vraiment subversif de cette revendication à la liberté et la dignité féminines...

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"Heureux soient les fêlés car ils laissent passer la lumière" (Audiard)
"Ce n'est pas l'excès d'autorité qui est dangereux, c'est l'excès d'obéissance" (Primo Levi)
"La littérature, quelque passion que nous mettions à le nier, permet de sauver de l'oubli tout ce sur quoi le regard contemporain, de plus en plus immoral, prétend glisser dans l'indifférence absolue" (Enrique Vila-Matas)
" Que les dissemblables soient réunis et de leurs différences jaillira la plus belle harmonie ; rien ne se fait sans lutte." (Héraclite)
"Les hommes sont si nécessairement fous que ce serait être fou par un autre tour de folie, de n'être pas fou" (Pascal).
ernya
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par ernya Dim 18 Sep 2022 - 17:29
Je l'ai donné à lire à des troisièmes pendant deux ans. Mais jamais pour une lecture d'été. Dès réception du livre, les élèves ont regardé le début et ont tout de suite réagi sur le mot "***". J'ai tout de suite expliqué le côté provocateur voulu par ce début et rappelé aux élèves qu'il n'y a pas de mots interdits dans un livre. Je n'ai eu aucun problème ensuite.
Mais personne n'a été choqué par le mot "cochon" et là, ça me semble beaucoup plus compliqué à gérer. Effectivement, il faut engager le dialogue pour déconstruire leurs idées reçues sur ce livre. Et peut-être à l'avenir ne pas le donner en lecture d'été sans lecture de l'incipit en classe ?
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lisa81
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par lisa81 Dim 18 Sep 2022 - 17:33
Je ne connais pas du tout l'auteur, mais je comprends que la phrase" À onze ans, j’ai cassé mon cochon et je suis allé voir les putes." soit dérangeante pour des "enfants" et des parents. Pas pour le cochon, mais pour l'âge: Onze ans
MUTIS
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Expert

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par MUTIS Dim 18 Sep 2022 - 18:04
lisa81 a écrit:Je ne connais pas du tout l'auteur, mais je comprends que la phrase" À onze ans, j’ai cassé mon cochon et je suis allé voir les putes." soit dérangeante pour des "enfants" et des parents. Pas pour le cochon, mais pour l'âge: Onze ans

C'est vrai qu'à 13 ans c'est plus courant ! Laughing

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Honchamp
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par Honchamp Dim 18 Sep 2022 - 18:25
Sur le cochon, effectivement, montrer une tirelire "cochon".
Perso, prof d'histoire , j'expliquais que le cochon, présent sur pas mal de calendriers médiévaux, est pour les paysans de l'époque un animal providentiel.
J'ai en tête un calendrier mensuel où on emmène le cochon glander (ou à la glandée) dans les bois à l'automne. Bref, se nourrir de glands, usage admis par les seigneurs.

Providentiel le cochon, car il mange n'importe quoi (il est omnivore).
Quand on le tue, c'est l'abondance : viande, pâtés, boudin...
Et salée, sa viande et son lard se conservent des mois et des mois !
Malheur à ceux qui n'avaient pas de cochon...

D'où je pense, l'allégorie de la tirelire, qui représente la promesse d'abondance, à l'image du cochon qu'on engraissait dans le passé.

Bref, je pense que des élèves de culture musulmane peuvent comprendre ça...
(Sinon, c'est grave...)

Je pense aussi qu'Eric Emmanuel Schmitt fait volontairement dans la provoc (gentille) en associant le cochon, le prénom Ibrahim et le Coran, les putes.
Il ne devait pas imaginer être lu au collège.


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"Tu verras bien qu'il n'y aura pas que moi, assise par terre comme ça.."
Vieux_Mongol
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par Vieux_Mongol Dim 18 Sep 2022 - 19:01
Je plussoie : professeur

Baldred
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par Baldred Dim 18 Sep 2022 - 19:16
Honchamp a écrit:Sur le cochon, effectivement, montrer une tirelire "cochon".
Perso, prof d'histoire , j'expliquais que le cochon, présent sur pas mal de calendriers médiévaux,  est pour les paysans de l'époque un animal providentiel.
J'ai en tête un calendrier mensuel où on emmène le cochon glander (ou à la glandée) dans les bois à l'automne. Bref, se nourrir de glands, usage admis par les seigneurs.

Providentiel le cochon, car il mange n'importe quoi (il est omnivore).
Quand on le tue, c'est l'abondance : viande, pâtés, boudin...
Et salée, sa viande et son lard se conservent des mois et des mois !
Malheur à ceux qui n'avaient pas de cochon...

D'où je pense, l'allégorie de la tirelire, qui représente la promesse d'abondance, à l'image du cochon qu'on engraissait dans le passé.

Bref, je pense que des élèves de culture musulmane peuvent comprendre ça...
(Sinon, c'est grave...)

Je pense aussi qu'Eric Emmanuel Schmitt fait volontairement dans la provoc (gentille) en associant le cochon, le prénom Ibrahim et le Coran, les putes.
Il ne devait pas imaginer être lu au collège.


Puisque l'initatrice du fil reste muette et nous laisse errer, le problème est que vraisemblablement les précisions utiles, la mise en contexte, les références historiques n'ont, semble-t-il, pas été données avant la lecture. Et ce que tu proposes aurait largement permis de déminer l'affaire.
Le principe de la lecture d'été est d'ailleurs une fausse bonne idée qui suppose que de filer les Fables de La Fontaine ou ce livre à des élèves suffira à leur donner le grand frisson littéraire.
Sinon, je te rassure, les "élèves de culture musulmane" sont tout à fait capable de comprendre ça, comme les élèves d'une autre culture, mais, comme tous les élèves de 4e de n'importe quelle culture, ils peuvent faire leur tête de cochon quand on leur en donne l'occasion.
Nous attendons donc les explications plus détaillées de @camomilles pour savoir si le travail d'accompagnement a été fait.
Euphémia
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par Euphémia Dim 18 Sep 2022 - 21:10
lisa81 a écrit:Je ne connais pas du tout l'auteur, mais je comprends que la phrase" À onze ans, j’ai cassé mon cochon et je suis allé voir les putes." soit dérangeante pour des "enfants" et des parents. Pas pour le cochon, mais pour l'âge: Onze ans
Pareil. Personnellement, je n'apprécierais pas du tout que les enseignants de mes enfants leur donnent ce livre en lecture d'été de fin de 5e. D'autant que je ne parviens pas à voir la pertinence pédagogique de ce choix. Pour ouvrir sur la 3e, à la limite, mais la 4e ?
Bon courage aux collègues qui ont à défendre ce choix.

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L’école est un lieu admirable. J’aime que les bruits extérieurs n’y entrent point. (Alain)

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Tangleding
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par Tangleding Dim 18 Sep 2022 - 21:46
On peut supposer que notre collègue initiatrice du fil relatait des faits authentiques (c'est mon sentiment, j'ai parcouru ses différentes interventions sur néo).

Elle a plus besoin de soutien que de notre jugement sur les choix pédagogiques de l'équipe.

Je pense que si elle est silencieuse c'est parce que la cellule de veille du rectorat l'a contactée et prend les choses en main, avec je l'espère une meilleure efficacité que dans une dramatique affaire précédente.

Pour moi, je redis mes convictions :
- ne pas rester isolé face au problème
- intervenir pour dissiper tout malentendu auprès des élèves
- intervenir avec la direction pour dissiper tout malentendu avec les parents d'élèves
- que toute l'équipe du collège reste attentive à tout signal faible de malaise
- évaluation des risques en lien avec les services de renseignements.

Je suppose que les rectorats ont mis en place un protocole face à la survenue de ce type de situation.

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Plutôt que de se battre pour des miettes et des contraintes:
Mélusine2
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par Mélusine2 Dim 18 Sep 2022 - 23:27
Sei a écrit:
Mélusine2 a écrit:
Reine Margot a écrit:+1 avec Sei Ne surtout pas se laisser intimider par des pressions religieuses, et expliquer.
Le choix du mot "cochon", pour évoquer une tirelire, n'est pas anodin et il faut expliquer le côté provocateur du début de roman.
Je pense que les élèves connaissent l'objet tirelire et sa forme, moi aussi, et je ne pense pas non plus que le titre soit forcément choisi par l'éditeur (dire cela serait une façon de reculer devant l'étude du mot cochon et du titre de l'ouvrage).

Je n'en suis pas très convaincue... c'est la forme de la tirelire traditionnelle, qu'il fallait casser en effet pour avoir ses sous. A l'âge qu'a l'auteur, c'est celle de son enfance, pas de quoi s'énerver. Il serait, je crois, plutôt utile de faire comprendre que le mot "chien" ne mord pas...
Si, de l'interdit de manger du porc, on en vient à l'interdiction des mots qui le désignent, ça va devenir compliqué. Je trouve, pour d'autres raisons, très judicieux de ne pas manger d'animaux, mais je ne peux pas concevoir qu'on s'attaque sans mauvaise foi à l'usage d'un mot. Le rapprochement avec le titre ne tient pas des masses, le narrateur étant juif (même interdit alimentaire, certes, mais pas de "provocation" folle dans ce rapprochement, donc. Le propos, même lourdaud, semble plutôt œcuménique.)

Je ne sais pas si ces pré-ados qui parlent comme des charretiers dans la vraie vie et leurs parents (combien, au fait ?) sont sincères : après tout, toutes les contradictions sont possibles.
Je ne crois pas que je répondrais que cet incipit balourd est provocateur à cause du "cochon", un objet présent dans toutes les chambres d'enfant de la génération de l'auteur, mais plutôt en montrant l'image d'une tirelire et en expliquant au besoin les valeurs symboliques de l'animal (pauvre bête) qui ont fait adopter largement l'objet. C'est marrant, d'ailleurs, il semble susciter ici davantage de réactions que le mot "putes" : quelque chose devient vraiment bizarre.
En ce qui concerne les parents (là aussi, combien ?), je pense que c'est à la direction de prendre le relais.

Évidemment, reste que ce narrateur qui casse sa tirelire pour aller aux putes, ce n'est pas un incipit d'une finesse remarquable... je veux bien que ce mot-là soit plus provocateur, mais enfin, dans la cour d'un collège, on en entend d'autres.

Je ne veux pas minimiser l'embûche qui tombe sur la tête de nos collègues : je souhaiterais plutôt qu'on n'en vienne pas à juger "inapproprié" un texte parfaitement anodin parce que 3 neuneus se montent la tête dans une classe. Comme ce n'est pas toujours facile, il me semble que l'appui ferme de l'institution (pour l'instant sous la forme d'une réponse de la direction aux quelques parents malcomprenants) s'impose.

De quoi parlons-nous ?
Ce n'est pas nous qui jugeons le texte inapproprié (même si certains ont mentionné que livrer ce texte pendant les vacances, sans accompagnement, était fort risqué), et encore moins qui interdisons des mots.
Par contre, ne rien voir d'ironique (je reprends le terme de Reine Margot) dans le choix de commencer un roman qui va relater la rencontre entre un juif et un musulman par l'idée de casser son "cochon", c'est bien étonnant (et peu importe le titre).
Les putes, l'argent, le cochon... on est dans le trivial voire l'impur, et la rencontre avec M. Ibrahim va être décisive.
Les ficelles sont plutôt grosses, et c'est ce qu'ont senti, maladroitement, les élèves.

Par ailleurs, non, l'auteur n'est pas un enfant, bien justement !

Je ne sais qui est "nous", mais il est manifeste que certains jugent le texte inapproprié, puisque " livrer ce texte pendant les vacances, sans accompagnement, était fort risqué". Pourrais-tu préciser pour qui, pour quoi existe ce "risque"? C'est une bluette, gentillette, un peu neuneu : comment en est-on arrivé à ce que ce genre de propos gentiment niais fasse scandale ?

Pour ce qui est de l'auteur enfant, je ne sais comment te dire.... me serais-je si mal exprimée ? Comment lis-tu ? C'est stupéfiant de lire à ce point de travers.

Pour le reste : non, ce n'est pas finaud. Mais oui, c'est un texte plutôt gentillet, donné à lire sans doute par les collègues justement pour son aspect œcuménique, antiraciste, cette sorte de choses. ("Peu importe le titre"... soit. Peu importe la suite, aussi ?)

Qu'on en soit à ce qu'ici-même, on critique "l'impur", et non les réactions obscurantistes, me désespère profondément. Il est difficile de ne pas penser à "l'accompagnement" dont a "bénéficié" Samuel Paty, aux collègues qui l'ont lâché aussi sec et aussi vite que l'institution. C'est compliqué de comparer Schmitt, un peu niaiseux, un peu consensuel (enfin ça devrait) à Cabu, Tignouss ou Charb, mais les commentaires sur le manque d'accompagnement, de précautions pour présenter ce qui n'est jamais qu'un discours humaniste (même mal foutu, ce n'est pas la question), m'y font songer.

Toute ma solidarité à la collègue qui a lancé ce fil et à ses proches collègues qui ont également prescrit cette lecture jugée scandaleuse : une partie du boulot consiste justement à conduire autant d'élèves qu'on peut à lever la tête au dessus de ce marasme, d'où qu'ils viennent, à leur apprendre la tolérance. Vous êtes nombreux à leur répondre qu'ils ont été incorrects, ou imprudents : mesurez-vous ce que vous dites ?

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par Sei Dim 18 Sep 2022 - 23:56
Mélusine, "de quoi parlons-nous ?" (nous = toi, moi, par ex) parce que j'ai l'impression qu'on ne se comprend pas.
Par exemple, je ne critique pas le "côté impur" du texte, je ne dis pas que le texte est impur, et je ne le trouve absolument pas scandaleux. Je vois comme toi la fable un peu niaise et les grosses ficelles.
Tout cela ne résout pas le problème de la collègue, et je suis embêtée pour elle. Vous avez très probablement raison de vouloir déminer en ramenant le cochon au cochon de la tirelire et point barre. (Et d'ailleurs, n'est-ce pas embêtant que ce fil soit en accès public ?)

(Quant à la confusion auteur/narrateur, bon, je voulais dire que cette tirelire était probablement de la fiction, c'est tout.)

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par henriette Lun 19 Sep 2022 - 0:19
C'est un livre publié en édition scolaire, estampillé "Collège et lycée professionnel" dans la collection "Classiques et Contemporains" chez Magnard.

Il figure nommément sur Eduscol pour le traitement de la thématique "Égaux et fraternels" en lycée pro avec cette présentation :

Le récit délicat d'un vieil homme arabe et d'un enfant juif, et la construction d'une filiation tendre.

Perso, j'y vois surtout un livre qui veut s'inscrire dans l'héritage de La Vie devant soi (le nom du personnage Momo, le duo enfant arabe/vieille femme juive qui devient enfant juif/vieil homme arabe, etc.). Et je préfère de beaucoup l'original.

Là, avant tout, il me semble, le problème est la suspicion généralisée envers l'école et les professeurs : comment est-il possible des parents d'élèves puissent remettre en cause d'entrée un livre en édition scolaire sans l'avoir seulement lu. Qu'imaginent-ils donc ?

Il me semble important que l'administration de l'établissement rappelle cela aux parents.

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par pseudo-intello Lun 19 Sep 2022 - 0:42
Je partage en tous points l'avis d'Henriette.
Si en plus, le titre du livre est cité dans Eduscol, c'est une bonne occasion de brandir la liste devant les éventuels grincheux.

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par Tangleding Lun 19 Sep 2022 - 1:05
Une remarque : la bêtise n'est pas moins dangereuse que la malveillance. Donc je pense qu'il peut probablement être utile de dissiper les malentendus dûs à la bêtise, pour commencer. Une fois encore même si je n'ai pas beaucoup d'estime pour l'oeuvre de Schmitt, je ne vois aucun problème à l'aborder en classe du point de vue moral (mon jugement est purement esthétique).

Ce qui est certain c'est qu'au cours de l'année scolaire on peut identifier rapidement et dissiper les malentendus pédagogiques. Au coeur de l'été c'est impossible, c'est ainsi.

Chez nous aussi il y a les lectures d'été. Bon ça ne me semble pas un dispositif spécialement toxique. Mais sa pertinence pourrait être questionnée et le cas de figure évoqué par notre collègue me semble, ainsi que l'a fait observer @baldred , assez significatif des limites pédagogiques du dispositif. Quand bien même ces limites poseraient des problèmes moins préoccupants en règle générale.

J'étudie chaque année avec mes classes des oeuvres susceptibles de faire l'objet de malentendus pédagogiques potentiellement exploitables par des ennemis déclarés de l'école publique. Jusqu'à présent, je n'ai pas rencontré de difficulté insurmontable.

Il est sain et utile que la direction rappelle les aspects réglementaires, mais ça ne nous dispense pas, nous enseignants, de prendre en charge la dimension pédagogique de ces malentendus. Ca me semble utile, et ça me semble faire pleinement partie de notre mission.

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par MUTIS Lun 19 Sep 2022 - 7:10
henriette a écrit:C'est un livre publié en édition scolaire, estampillé "Collège et lycée professionnel" dans la collection "Classiques et Contemporains" chez Magnard.

Il figure nommément sur Eduscol pour le traitement de la thématique "Égaux et fraternels" en lycée pro avec cette présentation :

Le récit délicat d'un vieil homme arabe et d'un enfant juif, et la construction d'une filiation tendre.

Perso, j'y vois surtout un livre qui veut s'inscrire dans l'héritage de La Vie devant soi (le nom du personnage Momo, le duo enfant arabe/vieille femme juive qui devient enfant juif/vieil homme arabe, etc.). Et je préfère de beaucoup l'original.

Là, avant tout, il me semble, le problème est la suspicion généralisée envers l'école et les professeurs : comment est-il possible des parents d'élèves puissent remettre en cause d'entrée un livre en édition scolaire sans l'avoir seulement lu. Qu'imaginent-ils donc ?

Il me semble important que l'administration de l'établissement rappelle cela aux parents.

Tout à fait d'accord.
Et qu'on puisse considérer qu'un cochon en forme de tirelire est une provocation à l'égard des musulmans ou que le mot *** soit si abominable que les enfants de 12 ans ne puissent pas lire un livre laisse pantois.
Tout mon soutien à la collègue. Je n'aime pas Schmitt mais je préfère qu'on le fasse lire plutôt que rien. Et je me demande si derrière les cris d'orfraie il n'y a pas autre chose qui gêne. L'amitié avec un juif par exemple.

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"Ce n'est pas l'excès d'autorité qui est dangereux, c'est l'excès d'obéissance" (Primo Levi)
"La littérature, quelque passion que nous mettions à le nier, permet de sauver de l'oubli tout ce sur quoi le regard contemporain, de plus en plus immoral, prétend glisser dans l'indifférence absolue" (Enrique Vila-Matas)
" Que les dissemblables soient réunis et de leurs différences jaillira la plus belle harmonie ; rien ne se fait sans lutte." (Héraclite)
"Les hommes sont si nécessairement fous que ce serait être fou par un autre tour de folie, de n'être pas fou" (Pascal).
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par Caspar Lun 19 Sep 2022 - 8:54
Je suis d'accord avec henriette et MUTIS: une collègue donne à lire un auteur que je n'ai jamais lu mais dont les livres sont des best-sellers adaptés au cinéma et qui d'après ce que je sais sont plutôt gentillets et consensuels. Quelques parents râlent pour des raisons débiles et on tombe sur la collègue parce qu'elle n'a pas assez "contextualisé" ?

D'ailleurs ladite collègue ne réagit pas sur ce fil, c'est dommage, j'aimerais bien savoir où elle en est.
DesolationRow
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par DesolationRow Lun 19 Sep 2022 - 9:33
La tirelire en cochon provocateur, je dois avouer que je ne l'avais pas vue venir Razz on vit vraiment chez les fous.
Jenny
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par Jenny Lun 19 Sep 2022 - 9:41
Caspar a écrit:Je suis d'accord avec henriette et MUTIS: une collègue donne à lire un auteur que je n'ai jamais lu mais dont les livres sont des best-sellers adaptés au cinéma et qui d'après ce que je sais sont plutôt gentillets et consensuels. Quelques parents râlent pour des raisons débiles et on tombe sur la collègue parce qu'elle n'a pas assez "contextualisé" ?

D'ailleurs ladite collègue ne réagit pas sur ce fil, c'est dommage, j'aimerais bien savoir où elle en est.

+1.
Aucune erreur à reprocher à la collègue, qui demande des conseils pour gérer une situation délicate.
Iphigénie
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Prophète

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par Iphigénie Lun 19 Sep 2022 - 9:56
MUTIS a écrit:
henriette a écrit:C'est un livre publié en édition scolaire, estampillé "Collège et lycée professionnel" dans la collection "Classiques et Contemporains" chez Magnard.

Il figure nommément sur Eduscol pour le traitement de la thématique "Égaux et fraternels" en lycée pro avec cette présentation :

Le récit délicat d'un vieil homme arabe et d'un enfant juif, et la construction d'une filiation tendre.

Perso, j'y vois surtout un livre qui veut s'inscrire dans l'héritage de La Vie devant soi (le nom du personnage Momo, le duo enfant arabe/vieille femme juive qui devient enfant juif/vieil homme arabe, etc.). Et je préfère de beaucoup l'original.

Là, avant tout, il me semble, le problème est la suspicion généralisée envers l'école et les professeurs : comment est-il possible des parents d'élèves puissent remettre en cause d'entrée un livre en édition scolaire sans l'avoir seulement lu. Qu'imaginent-ils donc ?

Il me semble important que l'administration de l'établissement rappelle cela aux parents.

Tout à fait d'accord.
Et qu'on puisse considérer qu'un cochon en forme de tirelire est une provocation à l'égard des musulmans ou que le mot *** soit si abominable que les enfants de 12 ans ne puissent pas lire un livre laisse pantois.
Tout mon soutien à la collègue. Je n'aime pas Schmitt mais je préfère qu'on le fasse lire plutôt que rien. Et je me demande si derrière les cris d'orfraie il n'y a pas autre chose qui gêne. L'amitié avec un juif par exemple.
Là je pense qu’on extrapole beaucoup.
Le problème même vient peut-être d’abord en effet, d’une suspicion à l’égard de l’école et à sa volonté en effet  de moraliser( prêcher la bonne parole)  en permanence. Le livre est peut être intéressant, je ne l’ai pas lu, mais d’après vos résumés : mais dans un contexte de classe il demande un travail - et qui soit un travail littéraire d’étude de texte.
Il est évident que le titre est racoleur et que la première page se veut déroutante: on s’étonne que les parents soient déroutés. Leur intervention est déplacée comme le projet de lecture est mal conçu, selon moi et ma vision de l’enseignement. Maintenant il reste à déminer le terrain intelligemment sans jeter d’anathème ni de mépris sur personne. Et en expliquant le texte en classe puisqu’on a demandé de le lire.


Dernière édition par Iphigénie le Lun 19 Sep 2022 - 9:57, édité 1 fois
Tangleding
Tangleding
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par Tangleding Lun 19 Sep 2022 - 9:56
Je trouve cette réaction hors sujet. La question n'est pas si la situation est normale selon notre intelligence et compréhension de l'ouvrage mais plutôt comment favoriser une issue positive en partant de l'incompréhension des élèves et familles. Il n'y a pas des erreurs illégitimes s'agissant du fait pédagogique. Ça fera en outre une belle jambe à nos collègues s'iels se retrouvent menacé•es en raison d'un enchaînement que nous jugeons légitimement idiot. Notre boulot est d'éviter les raisonnements idiots. Et ici le raisonnement idiot peut être dangereusement exploité par des personnes / entités malveillantes.

Ça ne rend pas l'équipe responsable des menaces, elle n'a fait que son travail et d'ailleurs le principe des lectures d'été obligatoires a été poussé par des directions d'établissement il y a une dizaine d'années, ça n'est pas une initiative des équipes de lettres, en tout cas dans mon bahut 

C'est un dispositif contraire à l'accompagnement pédagogique et il n'est pas question que les collègues soient jugé•es responsables de ses scories, d'un point de vue pédagogique. Cela n'empêche pas de travailler à diminuer / anéantir le malentendu.

Et même dans un autre schéma d'enchaînement, la question de la "responsabilité" des enseignants ne se poserait pas : l'institution doit assurer la protection des enseignants.

Cela étant rappelé, à titre personnel quand j'estime avoir une capacité d'action pédagogique pour lever des malentendus potentiellement pédagogiques, même sans en être responsable et qu'il y ait un risque ou non, je le fais. Et vu le peu de confiance que j'ai en l'institution pour assurer ma protection, si ce malentendu induit en plus un risque je préfère agir vite, en obtenant le soutien de la direction. Plutôt que de me demander si l'institution va bien se débrouiller avec ses procédures généralement déficientes.

Je préfère essayer de rester acteur de ma propre sécurité que compter aveuglément sur l'efficacité douteuse de l'institution.

Si la direction me disait : "on gère avec le rectorat, on va recevoir les familles, ne vous occupez de rien" je serai tout sauf rassuré. Une procédure de protection qui tient à l'écart les principaux intéressés c'est à dire les personnes à protéger, cela me semble une procédure de protection qui met en danger la personne qu'elle est censée protéger.

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par Baldred Lun 19 Sep 2022 - 10:00
Caspar a écrit:Je suis d'accord avec henriette et MUTIS: une collègue donne à lire un auteur que je n'ai jamais lu mais dont les livres sont des best-sellers adaptés au cinéma et qui d'après ce que je sais sont plutôt gentillets et consensuels. Quelques parents râlent pour des raisons débiles et on tombe sur la collègue parce qu'elle n'a pas assez "contextualisé" ?

D'ailleurs ladite collègue ne réagit pas sur ce fil, c'est dommage, j'aimerais bien savoir où elle en est.

Personne n'est je crois " tombé sur la collègue" mais sur le dispositif qui, semble-t-il puisqu'en effet la collègue n'en dit pas plus, n'a pas permis de déminer. Le message initial ne dit pas " quelques parents" mais précise qu'ils étaient nombreux. Et les raisons ne sont pas débiles, elles sont, apparemment, religieuses. Il me semble assez clair que nous vivons une époque très sensible pour ce qui touche l'islam. Et de nombreux élèves sont, au mieux, confronté à un conflit de loyauté, au pire éduqués dans des courants très rigoristes où le fait même qu'un roman utilise le mot Coran dans le titre relève sans doute du blasphème, sans parler même de son contenu. Cela ne doit pas nous empêcher de le faire lire puisque notre travail consiste à faire comprendre, mais ignorer qu'il puisse entraîner des réactions me paraît très angélique. L'année dernière à la question : Qu'apporteriez-vous sur une île déserte ? Un groupe de filles de 5e a répondu en premier : un tapis de prière.
Je lirai avec intérêt le témoignage de @cammomilles si elle le donne, parce que ce sont nos élèves et que l'enjeu n'est pas mince
Tangleding
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par Tangleding Lun 19 Sep 2022 - 10:16
La question initialement posée par @camomilles est :

Comment réagiriez-vous face aux élèves et aux parents ?

Ce n'est pas si on trouve cette situation normale/acceptable.

Je pense que personne ne la juge normale/acceptable. Et je pense qu'elle remue en nous toutes et tous de douloureux souvenirs.


Dernière édition par Tangleding le Lun 19 Sep 2022 - 11:48, édité 1 fois

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Scandale "Ibrahim et les fleurs du Coran" - Page 2 Empty Re: Scandale "Ibrahim et les fleurs du Coran"

par Iphigénie Lun 19 Sep 2022 - 11:16
camomilles a écrit:Bonjour à tous,

Pendant les vacances d'été tous nos élèves passant en 4ème (REP+) devaient lire "Ibrahim et les fleurs du Coran". Or le roman commence ainsi :

"À onze ans, j’ai cassé mon cochon et je suis allé voir les putes. Mon cochon, c’était une tirelire en porcelaine vernie, couleur de vomi, avec une fente qui permettait à la pièce d’entrer mais pas de sortir. Mon père l’avait choisie, cette tirelire à sens unique, parce qu’elle correspondait à sa conception de la vie : l’argent est fait pour être gardé, pas dépensé. Il y avait deux cents francs dans les entrailles du cochon. Quatre mois de travail".

Or vendredi, de nombreux élèves et parents d'élèves de ma classe sont venus se plaindre à la direction car il y avait le mot "***" et aussi le mot "cochon". Bref, les parents sont très choqués, les élèves aussi.

Je dois avouer être assez agacée mais ne sait pas comment réagir face à mes élèves lundi car je pense que cela mérite une discussion sinon tous les textes que je vais leur donner seront susceptibles de les heurter notamment quand je vais faire ma séquence du l'amour.

Comment réagiriez-vous face aux élèves et aux parents ?
Le plus simple c’est de relire:
« A onze ans j’ai cassé mon cochon et je suis allé voir les putes ».
Beaucoup de parents ont dû s’arrêter à cette première phrase.
Et elle pose en effet problème .
A partir de là deux réflexions: d’abord dans la généralité : les lectures d’été sont à réfléchir.
Ensuite il faut expliquer calmement  aux parents et aux élèves  ce qu’est un incipit : accrocheur, surprenant, provocateur, -commercial aussi. Mais qu’un livre ne se réduit pas à la première page. En clair expliquer que l’intérêt du livre n’est pas dans sa première phrase et que donc « oui vous avez raison mais non nous avons bien jugé en demandant cette lecture et donc passons au travail au lieu de discuter » .
Je ne vois pas d’autres réactions possibles.
Taillevent
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par Taillevent Lun 19 Sep 2022 - 12:23
Je suis d'accord avec la plupart des conseils qui ont été donnés. J'ajouterai que j'aimerais bien connaître le contenu des plaintes.
J'ai eu quelques fois des réactions d'élèves à certaines activités qui étaient bruyantes mais très creuses. En leur demandant de développer leurs plaintes, elles se démontent souvent d'elles-mêmes, car soit il n'y a rien (par exemple ici, j'imagine qu'elles montreraient aisément que le livre n'a pas été lu au delà des premières lignes), soit cela se base sur des choses qui n'ont pas à entrer en ligne de compte (par exemple une morale personnelle (bien souvent appliquée de manière sélective)). Ça tendait à se démonter tout seul au profit d'une discussion intéressante sur la place des convictions personnelles dans la vie commune.

PS : le mot "***", c'est supposé être quoi ? Je ne suis pas sûr de voir et j'ai un peu de mal avec l'idée de discuter de ce qui me semble être une pudeur mal placée en n'osant pas nous-mêmes utiliser les mots concernés...
Tangleding
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Grand Maître

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par Tangleding Lun 19 Sep 2022 - 12:32
Dans Le chevalier à la charrette de Chrétien de Troyes, que l'on peut étudier en 5e, il me semble qu'on peut entendre un personnage traiter un autre de "fils a p***".

Dans ce même roman de chevalerie, l'acte sexuel est d'ailleurs évoqué de façon quasi explicite.

C'est aussi le cas dans l'Odyssée que les élèves étudient en 6e.

Bref, ce n'est pas une question de contenu mais de récéption. Et effectivement il y a des chances que la lecture n'ait pas excédé quelques lignes s'agissant des "plaignants".

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