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papillonbleu
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La Seine-Saint-Denis accuse un sérieux retard éducatif Empty La Seine-Saint-Denis accuse un sérieux retard éducatif

par papillonbleu Mar 1 Mar 2011 - 16:54
La Seine-Saint-Denis accuse un sérieux retard éducatif

Le handicap du département est ancien et profond. La rentrée des vacances d'hiver se fait dans un climat tendu



Un département hors normes

Un territoire jeune
La Seine-Saint-Denis se caractérise par la jeunesse de sa population : 43 % des 1,5 million d'habitants ont moins de 30 ans, contre 35 % pour la France métropolitaine. Le taux de natalité y est très élevé avec 18 naissances pour 1 000 habitants (12,8 en France). Le département tend à accueillir les familles modestes et les jeunes ménages tandis que partent les familles dont les revenus s'améliorent. La population étrangère y est élevée et concerne 21 % des chefs de ménage.

Une pauvreté importante
La part de ménages pauvres (dont le revenu fiscal de référence est inférieur à 9 400 euros en 2008) est de 28 % en Seine-Saint Denis, contre 18 % dans les Hauts-de-Seine ou 16 % dans les Yvelines. Près de la moitié des ménages de la Seine-Saint-Denis ne sont pas imposables.

Une mixité sociale limitée
La proportion de cadres est beaucoup plus faible que dans le reste de l'Ile-de-France. L'Observatoire de la Seine-Saint Denis note que, entre 1999 et 2006, la situation n'a pas évolué, sauf dans quelques communes limitrophes de Paris qui ont profité de la hausse de l'immobilier dans la capitale.

Des emplois en hausse
Alors que les décennies 1980 et 1990 ont été marquées par une chute de l'emploi industriel, le département a vu le nombre d'emplois tertiaires progresser dans les années 2000. Mais le chômage continue de toucher 17 % de la population active.



La Seine-Saint-Denis continue d'accuser un retard considérable en matière d'éducation et de formation. A peine 10 % des actifs disposent d'un niveau bac + 2, contre 40 % à Paris ou 30 % dans les Hauts-de-Seine. Près de 30 % des actifs du département n'ont aucun diplôme, soit le double de Paris et des Hauts-de-Seine.

Les données cartographiques de l'Observatoire départemental de la Seine-Saint-Denis, révélées par Le Monde, témoignent de la profondeur du gouffre éducatif qui sépare le " 9.3 " du reste de l'Ile-de-France et contribuent à expliquer la crise permanente dans ce territoire.

Presque tous les voyants sont au rouge. Des fins de scolarité bien plus précoces qu'ailleurs. Des sorties sans diplôme nettement plus fréquentes. Des diplômés de l'enseignement supérieur plus rares. Un chiffre résume la gravité de la situation : alors que dans les arrondissements privilégiés de la capitale, la proportion de jeunes sans baccalauréat ni diplôme professionnel reste inférieure à 7 %, celle-ci est supérieure à 28 % dans la moitié de la Seine-Saint-Denis. Et dépasse même 35 % dans six communes (Clichy-sous-Bois, La Courneuve, Aubervilliers, Bobigny, Stains et Villetaneuse).

Au milieu de ce faisceau de résultats négatifs, l'augmentation significative du nombre d'habitants diplômés à bac + 2 (+40 % entre 1999 et 2006) détonne. Mais les experts relativisent cette évolution positive : " Une partie de cette amélioration est à porter au crédit des performances du système scolaire, une autre aux migrations résidentielles de populations plus qualifiées et plus diplômées ", souligne l'Observatoire départemental, organisme placé sous la responsabilité du conseil général.

La Seine-Saint-Denis avait pourtant bénéficié d'un plan de rattrapage, en 1998, après un long mouvement de protestation des enseignants et des parents d'élèves. Quelque 3 000 postes avaient été accordés au département par Claude Allègre, ministre de l'éducation au sein du gouvernement Jospin. " Le plan de rattrapage n'a pas pu avoir d'effet. Il a uniquement permis de faire face à l'explosion du nombre de primo-arrivants dans le département. Il n'a en rien permis de briser les inégalités sociales qui sont au coeur des retards scolaires ", souligne Claude Bartolone, le président PS du conseil général.

Car le handicap est ancien et profond, directement lié à la sociologie d'un département jeune et pauvre, où arrive en flux continu une partie importante de l'immigration légale et illégale. " Beaucoup de parents sont particulièrement démunis en termes de connaissance du système scolaire. On voit beaucoup de jeunes filles qui sont les premiers enfants de la famille à aller au lycée et n'en maîtrisent pas les codes - c'est une des raisons du taux de redoublement élevé au lycée général ", remarque l'inspecteur d'académie, Daniel Auverlot.

L'analyse est partagée par Jean-Loup Salzmann, président de l'université Paris-XIII : " La grande majorité de nos étudiants sont issus de familles dont ils sont les premiers à faire des études supérieures. Cela limite leur ambition, les soutiens scolaires et leurs réseaux pour trouver du travail. "

Le département doit aussi faire face à un phénomène de " fuite des cerveaux ". " Sur 100 élèves de CM2, on n'en retrouve plus que 82 dans les collèges publics du département, note Daniel Auverlot. Ce ne sont évidemment pas les familles les plus défavorisées qui ont ce type de stratégie en déménageant, en choisissant le privé ou en inscrivant leurs enfants dans un autre département. " L'arrivée de familles plus favorisées - chassées de Paris à cause du prix de l'immobilier - n'a pas eu l'effet espéré sur la mixité sociale : les parents qui le peuvent évitent l'inscription dans les établissements publics de Seine-Saint-Denis.

La faiblesse globale du niveau de formation explique le paradoxe d'un territoire dynamique sur le plan économique, en particulier dans les communes autour du Stade de France, mais qui continue de faire face à un chômage considérable. Si un grand nombre d'entreprises se sont installées, débouchant sur une hausse spectaculaire de 18 % des emplois entre les 1999 et 2006, les habitants du département n'en ont que peu bénéficié, puisque 70 % des emplois autour du Stade de France sont occupés par des salariés ne résidant pas sur le territoire local.

Une grande partie des entreprises ont délocalisé leurs services en Seine-Saint-Denis pour profiter d'un foncier peu cher et sont arrivées avec leurs salariés. Et celles qui souhaitent y réaliser des recrutements ont parfois du mal à trouver les profils adéquats. " Les niveaux de formation ne sont pas toujours suffisants, c'est un enjeu majeur sur lequel nous devons travailler parce que, par ailleurs, la Seine-Saint-Denis dispose de pôles économiques particulièrement dynamiques autour de Saint-Denis, du Bourget et de Roissy ", insiste Gérard Lissorgues, président de la chambre de commerce et d'industrie de Seine-Saint-Denis.

Le département continue ainsi de se caractériser par un chassé-croisé quotidien. " Tous les matins, en Seine-Saint-Denis, les habitants peu qualifiés partent travailler ailleurs et reviennent le soir. A l'inverse, la matière grise arrive tous les matins en RER ou en bus. Et elle repart, tous les soirs. Ces deux populations ne font que se croiser ", résume l'inspecteur d'académie. Une situation atypique qui explique la coexistence, parfois à quelques centaines de mètres de distance, de territoires en pointe dans la compétition économique et de cités ghettos, complètement reléguées.

Face à de tels enjeux, les syndicats et la gauche insistent sur la question des moyens. " L'Etat refuse de prendre en compte la difficulté scolaire, souligne Guy Tresallet, secrétaire général de la FSU 93. Il n'y a pas de volonté politique pour proposer une formation adaptée pour les gamins en difficulté. Il n'y a pas non plus de réelle volonté d'offrir des formations post-bac attractives à la hauteur des besoins. "

Les politiques de réduction des dépenses publiques accentuent les inquiétudes. Signe du climat de tension, les parents d'élèves ont occupé une centaine d'écoles, avant le début des vacances de février, pour protester contre les carences du système de remplacement des professeurs absents. De leur côté, les syndicats d'enseignants ont symboliquement muré l'inspection d'académie pour fustiger les suppressions de postes dans les collèges et les écoles.

Un mouvement massif de protestation comme celui de 1998 est-il possible ? " La situation est grave ", analyse Claude Bartolone. " On ressent un vrai sentiment d'abandon de la part de l'Etat ", ajoute Guy Tresallet. Mais le syndicaliste reste prudent : " On est comme un boxeur sonné à force de prendre des coups dans la tronche. Mais je sens une vraie envie d'en découdre. "

Luc Bronner

© Le Monde
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papillonbleu
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par papillonbleu Mar 1 Mar 2011 - 16:59
Quand les parents d'élèves s'estiment discriminés

LES PARENTS d'élèves de Seine-saint-Denis se sentent discriminés. Le 31 mars, la Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE) du département organisera une journée " école morte " et, le 15 mars, un groupe d'entre eux déposera un recours pour discrimination territoriale devant la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde).

Las de la multiplication d'absences non remplacées d'enseignants, ces parents souhaitent obtenir de l'autorité administrative " qu'elle compare le taux de remplaçants dont bénéficie la Seine-Saint-Denis à celui d'autres départements ", explique Mathieu Glayman, militant FCPE et père d'un élève de l'école Jean-Jaurès à Epinay-sur-Seine.

C'est dans cette école que tout a débuté. Depuis la rentrée de septembre 2010-2011, les parents ont comptabilisé 65 journées d'absences dont seulement cinq remplacées. Le 7 février, ils refusent de repartir avec leurs enfants et occupent deux tiers des écoles de la commune pour manifester leur mécontentement. Aujourd'hui, ils sont présents dans deux d'entre elles. Une mobilisation préventive " pour s'assurer que l'inspection académique tiendra ses promesses et augmentera le nombre de remplaçants ", précise M. Glayman.

L'inspecteur d'académie rappelle qu'en France " le taux de remplacement est de 7,5 %. A Epinay, on en compte 27 pour 276 classes. 10 %, c'est déjà un quart de plus que la moyenne nationale ". Pourtant, les classes restent souvent sans maître. Pourquoi ? " La zone est très excentrée, mal desservie en transports en commun. Les enseignants qui espèrent une mutation rapide n'y emménagent pas. Au fil des mois, ils fatiguent, tombent malades ", rappelle un parent.

Rien n'a changé

Luc Chatel avait décrété " la mobilisation générale " en mars 2010 sur les remplacements. Il avait annoncé la " possibilité de faire appel à des remplacements interacadémiques ". Dans un entretien au Parisien du 9 mars 2010, il promettait d'" assouplir le dispositif ". Un an après, rien n'a changé. Les rigidités du système sont au beau fixe et il n'est toujours pas question de faire travailler sur cette partie de la Seine-Saint-Denis un remplaçant du secteur du Val-d'Oise, tout proche. Epicentre de la contestation, Epinay reflète un malaise étendu à l'ensemble du département. " A Saint-Denis, on a les mêmes problèmes ", observe Daniel Mollier-Sabet, le président départemental de la FCPE.

Du temps où Xavier Darcos était ministre de l'éducation nationale, un rapport secret établi par le cabinet d'audit Roland Berger, intitulé " Etude sur le dispositif de remplacement et de suppléance ", expliquait comment " en période de pic, on a une gestion politique du dossier. On gère en priorité les écoles où les élus et les parents d'élèves sont remuants. La crise passée, on replante le chapiteau ailleurs ".

Anne-Laure Jean

© Le Monde


Chocolat
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Guide spirituel

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par Chocolat Mar 1 Mar 2011 - 17:08
Il faudrait peut-être qu'ils commencent à se demander pour quelles raisons les enseignants craquent et ne souhaitent pas rester...

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Edgar
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Neoprof expérimenté

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par Edgar Mar 1 Mar 2011 - 17:56
Chocolat a écrit:Il faudrait peut-être qu'ils commencent à se demander pour quelles raisons les enseignants craquent et ne souhaitent pas rester...

Bonne question, dont nous avons déjà pas mal débattu dans le fil sur l'absentéisme des professeurs dans un article du Figaro. Le métier de professeur et l'usure qui gagne ne sont pas les mêmes selon que vous êtes dans des établissements au niveau global acceptable, ou dans des collèges dont certains des élèves ont le niveau école primaire et encore, où il faut tout reprendre des bases de la vie non violente en commun, où des parents ont totalement abandonné à la société la responsabilité de leur progéniture, qui est en outre parfois beaucoup trop nombreuse pour leur moyens affectifs, éducatifs et surtout financiers. Après tout, même si cela peut paraître presque tabou de le dire aujourd'hui, le métier de professeur n'a pas vocation à nécessairement devenir un chemin de croix quotidien dans lequel le plus fort reste, et celui où qui craque n'a qu'à se remettre en question et quitter le système pour lequel il n'est plus adapté. Je suis encore à peu près en état de tenir le choc mais pour combien d'années ? Et après, le rebut ? Le centre de réadaptation intellectuelle et culturelle pour redevenir conforme à l'esprit de notre belle société qui progresse ?

Il est vrai par ailleurs que l'absence de poste pourvu en français ou mathématiques pendant plusieurs semaines dans un établissement type ZEP de l'académie de Créteil est un problème, mais devient un scandale national dans un établissement classique, dans lequel, en général, on trouve bien vite un enseignant.

Il m'a semblé comprendre récemment que la Seine St Denis, fort coûteuse en moyens pour des résultats très discutables n'était plus forcément une priorité pour le futur, en tout cas en terme de moyens. A moins d'isoler totalement le département et de proposer un enseignement distinct de celui qui est donné ailleurs. Mais c'est je crois un peu l'esprit des dispositifs CLAIR ?

Comme je l'ai déjà exprimé ailleurs, et compte-tenu du changement professionnel radical que je pense lié à CLAIR pour les professeurs sélectionnés, je souhaite de mon côté pouvoir échapper à cela d'une façon ou d'une autre, afin de continuer ma carrière dans l'enseignement comme je comptais le faire, et ne pas devoir envisager une seconde réorientation professionnelle dans l'urgence afin de quitter un exercice professionnel devenu trop éloigné de mes centres intérêts.

Chocolat
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Guide spirituel

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par Chocolat Mar 1 Mar 2011 - 18:21
Je ne connais pas un seul enseignant qui redoute le fait d'avoir à se retrousser les manches pour essayer de faire progresser des gamins qui ont des difficultés scolaires faramineuses mais qui se donnent du mal pour essayer de progresser.

J'en connais plein, en revanche qui ne supportent plus de faire semblant d'enseigner dans des classes, voire des établissements "garderie" où sur 55min de cours il y a 35min de chahut, conflits entre élèves, etc. Des tas de gamins ne viennent pas à l'école pour bosser, mais pour se donner en spectacle et se moquer de ceux qui veulent travailler (élèves et profs). Et le système est organisé de telle manière qu'ils peuvent le faire en toute impunité, et jusqu'à l'épuisement des gamins qui veulent bosser, de leurs parents et des profs qui... craquent et partent; et ils ont raison de partir dans ces conditions!

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Mélane
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par Mélane Mar 1 Mar 2011 - 19:45
En Seine Saint-Denis, les problèmes sont à prendre A LA BASE ! Rien ne se résoudra si on ne commence pas par là, c'est-à-dire à la maternelle. Il faut des programmes hyper structurés, avec de tout petits effectifs, pour donner aux enfants de parents immigrés tout frais (mais pas seulement bien sûr - car les mêmes problèmes se retrouvent à l'échelle nationale du fait d'horaires disciplinaires insuffisants en français et en maths - et de mauvaises méthodes d'enseignement) les bases de la langue française.
doublecasquette
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par doublecasquette Mar 1 Mar 2011 - 20:44
Mélane a écrit:En Seine Saint-Denis, les problèmes sont à prendre A LA BASE ! Rien ne se résoudra si on ne commence pas par là, c'est-à-dire à la maternelle. Il faut des programmes hyper structurés, avec de tout petits effectifs, pour donner aux enfants de parents immigrés tout frais (mais pas seulement bien sûr - car les mêmes problèmes se retrouvent à l'échelle nationale du fait d'horaires disciplinaires insuffisants en français et en maths - et de mauvaises méthodes d'enseignement) les bases de la langue française.

En Seine Saint-Denis, comme partout ailleurs et ce, quelle que soit l'origine des parents... On mettrait ces programmes hyper-structurés partout (à condition que les PE acceptent de les appliquer, ce qui est une autre paire de manches*) accompagnés d'effectifs raisonnables, il n'y aurait plus forcément de problèmes spécifiques à telle ou telle zone peuplée de tel ou tel type de population.


*: Allez faire un petit tout chez Cedelle, vous comprendrez de quoi je parle. Comment dire à ces gens-là que leur condescendance s'apparente à du racisme tout autant que l'attitude inverse ?
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