Elève qui va VRAIMENT nous manquer

marjolie.june a écrit:Cet élève est venu me voir jeudi en me faisant croire qu'il venait me dire au revoir parce qu'après il ne reviendrait plus au collège. C'était faux, et moi comme une idiote j'ai marché : mon visage s'est littéralement décomposé et il a maintenant compris, alors que j'ai réussi à le lui cacher toute l'année, que je l'appréciais énormément. Il m'a dit que j'allais lui manquer l'année prochaine, et depuis cet épisode-là, je n'arrête pas de me projeter dans quelques semaines, lorsque je ne le verrai plus, et ça me fait vraiment beaucoup de peine.
J'hésite à lui donner, ainsi qu'à un autre de ses camarades que j'apprécie également beaucoup, mon adresse mail professionnelle pour qu'ils puissent me donner des nouvelles de temps à autre. J'hésite car je ne sais pas comment les autres risquent de le prendre s'ils le savent, et surtout comment eux, en tant que "privilégiés" risquent de l'interpréter aussi.

J'ai eu une élève adorable pendant 3 ans, elle est maintenant en seconde, et m'envoie régulièrement des mails (j'ai une boîte mail exprès pour tous mes élèves) et des sms, vient me voir et me raconte pleins de petits potins. Sa mère est d'accord bien entendu. Après tout, on est des êtres humains, c'est normal de s'attacher à certaines personnalités. Si ça te fais plaisir, tu peux toujours lui laisser de quoi te contacter par mail, et tu verras bien.

Chaque année, ou presque, je trouve difficile de voir partir certains élèves de 3e. Mais dès la rentrée d'autres prennent leur place. Et puis ils reviennent régulièrement nous faire coucou au collège durant leur année de seconde, et nous avons aussi de leurs nouvelles par leurs petits frères ou soeurs.
Bref, c'est difficile fin juin, mais cette nostalgie passe vite en fait.

Merci pour vos réponses, cela me "rassure" un peu de lire certaines d'entre elles. Cela ne fait que trois ans que j'enseigne, j'ai ressenti à chaque fois la nostalgie de la fin de l'année, mais en ce qui concerne l'élève dont je vous ai parlé au début, cela n'a rien à voir. Quand il est venu me trouver pour me faire croire qu'il s'en allait dans le seul but de voir ma réaction, cela m'a vraiment fait beaucoup de peine et depuis je n'arrête pas de me projeter au moment où je lui dirai au revoir pour de bon et ça me blesse vraiment. Je me suis attachée malgré moi et sans rien voir venir.

Quand j'enseignais en classe d'accueil, je n'avais qu'eux, ils n'avaient que moi, j'étais comme une instite de lycée et j'étais celle qui leur donnais les clés de la langue et de l'intégration, au lycée et dans notre pays.

Chaque année a été si intense, entre eux, entre eux et moi, tous ces gamins venus des quatre coins du monde, avec leur je-ne-sais combien de langues, je-ne-sais combien d'alphabets, je-ne-sais combien de richesses.

Chaque fin d'année a été brutale, a coupé le cordon, et les débuts d'année suivante commençaient avec leur bouquet de têtes dans l'encadrure de ma porte : "Bonjour Madame, vous avez un Chinois / Géorgien / Brésilien / Nigérian / Russe / Portugais / Polonais, etc... cette année dans votre classe ?"

J'ai toujours réussi à attendre qu'ils passent tous ma porte une dernière fois avant de m'effondrer en larmes sur mon bureau couvert de fleurs , entourée de "Merci" et de "je vous aime" dans toutes les langues du monde.

Toutes ces langues se retrouvent aujourd'hui sur mon facebook. Ils sont tous là, en France ou ailleurs, et souvent, j'ai un message, et toujours je suis si touchée.

Mais puisque le sujet du topic est au singulier, alors voici.

Il était brésilien, et c'était un soleil dans ma classe, avec ses bouclettes et sa bonne humeur. Un soleil. Un jour, il a manqué à l'appel. Son amie me dit "Madame, à cause de ses papiers, il est dans l'avion, il retourne dans son pays !" Elle ne savait pas encore dire "obligation de quitter le territoire" ou "expulsion". Oh, ça n'a pas été le premier, ça n'a pas été le dernier, à disparaître brutalement de ma classe. Mais toute l'année, quand je voyais son nom apparaître sur les factures de cantine à distribuer, ou sur les convocations aux examens, je sentais un grand trou dans mon coeur.

Depuis son pays, il m'écrit de temps en temps, sur Facebook.

Mais celui-là, je ne l'oublierai jamais.

Ca ne fait que deux ans que j'ai des premières, deux ans que je stresse au moment du dernier cours...
La relation est différente d'avec les collégiens à mon avis, ils sont plus mûrs...
Et cette année pareil, quand je leur ai dit au revoir, snif. Mais bon je les reverrai l'année prochaine, ils seront en Terminale!
Et je me souviens ma première année d'enseignement: premier cours, banlieue parisienne, classe sport, je les vois débarquer ces immenses troisièmes baraqués, ils rigolaient sous cape devant la jeune prof que j'étais avec les cheveux jusqu'aux fesses, et ils m'en ont fait baver, mais gentiment. Trois ans après dans la (même) cité, un grand black se dirige vers moi d'un pas décidé, ce qui n'est pas forcément bon signe, et là il me dit "Madame, comment allez-vous? cela fait des jours que je vous cherche, je voulais vous dire que je suis en TL, et que j'ai eu de bonnes notes au bac de français, je voulais absolument vous voir pour vous le dire! Pouvez-vous me donner votre mail que je vous donne mes résultats au bac?" Surprise,étonnement devant ce gamin qui enchaînait insulte sur insulte! Mais quel bonheur! Et il a eu son bac, avec mention.

Pour ma part, je suis une sentimentale de nature. Je m'attache facilement aux gens, que ce soit collègues, élèves (pas tous hein, évidemment)... En revanche, je suis assez peu dans la démonstration. Comme je change encore d'établissement à chaque rentrée, chaque fin d'année représente un petit déchirement.
En général, je laisse mon mail académique aux élèves qui souhaitent garder le contact.

Le problème avec la messagerie académique, c'est qu'on risque de changer d'académie !

Sev2p1, c'est

Et ton post, Libellune, est magnifique !

Je m'attache très souvent à mes élèves, et c'est chaque année un crève-coeur de les quitter (je suis TZR en plus...). Là, quand je pense à mes 1res que je verrai mardi pour la dernière fois... ... bah non, je ne préfère pas y penser.

J'ai de l'affection pour la très grande majorité de mes élèves, mis à part deux ou trois que je n'ai jamais vraiment réussi à supporter. Je leur trouve à tous un côté très attachant. Je ne suis pas certaine qu'ils me manqueront l'année prochaine, mais j'aurai au moins réussi à avoir des relations correctes, voire chaleureuses avec eux.

Je relance la discussion, même si elle va un peu dévier de son cours initial, pour vous parler à nouveau de cet élève que l'idée de ne plus voir me rend vraiment morose, car il a un comportement que j'ai du mal à comprendre. Je ne l'ai pas vu de toute la semaine dernière, sauf hier, où il est revenu avec une blessure à la jambe. Il m'a vue dans le couloir le matin, a hurlé très fort "bonjour madame, à cet après-midi" pour que je sois sûre de l'avoir entendu. Par contre, l'après-midi, il s'est montré très pénible en classe, comme souvent (et je l'adore malgré cela, allez comprendre), alors que j'avais prévenu les 3e, surexcités, qu'au moindre bruit pendant la 2e heure, je faisais sortir l'auteur. Evidemment, c'est cet élève-là qui a ouvert la bouche et j'ai donc été contrainte de le sortir (surtout que c'était la 2e fois et que la première je n'avais rien dit). J'ai été très contrariée de l'exclure parce que je ne voulais pas le faire et que je voulais qu'il se tienne bien. Mais vis-à-vis des autres, j'étais bien obligée de m'exécuter. A la fin de la récré, il est venu en salle des profs "parce qu'il avait quelque chose à me dire" ; j'étais tellement agacée par son attitude que je ne me suis pas déplacée et qu'il s'est fait jeter par un autre prof qui passait dans le couloir.
Les faits paraissent sans doute anodins mais je me pose deux questions dans cette histoire : 1/ Pourquoi est-ce que cet élève peut passer d'un extrême (venir me dire, la semaine dernière, que je vais lui manquer ; me faire croire que je ne le verrai plus pour guetter ma déception ; hurler dans les couloirs jusqu'à temps qu'il soit sûr que je l'ai bien remarqué) à l'autre (attitude détestable et pas sérieuse en classe) ? 2/ Pourquoi est-ce que je prends les choses tant à coeur avec cet élève ? J'ai presque regretté de ne pas être allée l'écouter quand il est venu me chercher en salle des profs : il m'aurait peut-être dit quelque chose de constructif ? Bref, je suis prise au piège de l'affectif avec cet élève et je crois qu'il est trop tard pour essayer de m'en sortir. Mais si vous avez des avis là-dessus (même des avis négatifs !) ça m'intéresse.

Est-ce qu'en classe, cet élève ne fait pas tout pour accaparer ton attention, quitte à être insupportable ? Tout plutôt que d'être invisible au milieu des autres...
Pourquoi fait-il cela ? Certainement parce qu'il sent que tu l'aimes bien, il a une "prise" sur toi ; il semble rechercher ce type de contact. Cela provient certainement de son histoire perso.
Pourquoi toi tu t'attaches autant ? Par empathie je suppose. Nous ne sommes pas de glace. Tu dois sentir confusément son besoin d'affection et y répondre de façon instinctive.
C'est mieux d'éviter cela et de se protéger, mais ta réaction me semble simplement humaine.

En effet, cet élève a tout fait, toute l'année, pour se faire remarquer coûte que coûte et il en a parfois payé le prix fort. Ce qui est très dommage c'est qu'il avait tous les moyens pour se faire remarquer autrement (ce gamin est juste brillant) : il a sans doute du mal à accepter son statut de "bon élève", préférant ne l'être que potentiellement.

Il ne te manipulerait pas, par hasard ?

Je me suis parfois posé la question, mais j'ai du mal à croire qu'il soit capable de manipuler un adulte. Je crois qu'il est juste comme ça.

Parfois la manipulation n'est pas consciente. C'est même ce que font tous les enfants à des degrés divers !

Je vois ce que vous voulez dire. C'est peut-être le cas, effectivement. J'ai fait du mieux que j'ai pu toute l'année pour ne rien laisser paraitre, mais je n'y suis pas toujours arrivée et il s'en est peut-être (sans doute) aperçu. Je me blinderai mieux l'année prochaine.

Bonsoir à tous,

Voici le mél que je viens de recevoir de la part d'un élève de troisième à qui j'avais conseillé de lire Si c'est un homme . Dites-moi ce que vous pensez de son message car moi-même j'ai été surprise !!

Si c’est un homme de Primo Lévi est un roman à la fois autobiographique car il retrace la période la plus sombre de la vie de l’auteur et historique car le témoignage se passe justement dans un contexte de guerre et plus précisément la Seconde Guerre mondiale. En effet, si nous nous intéressons de plus près à ce récit, nous pouvons constater que l’auteur utilise différents procédés littéraires afin de rendre certains épisodes cycliques, répétitifs montrant l’ennui, la solitude, la répétition et la difficulté de la vie dans les camps. Ainsi, à travers ce récit, Primo Lévi raconte toutes les choses qu’il a dû subir, affronter, voir. Cependant, le lecteur peut se poser la question suivante : comment rester neutre face à cette période de l’Histoire ? Je pense d’ailleurs que sur ce point-là, l’auteur est tout à fait objectif ce qui est assez rare dans un tel roman. Ensuite, au fil des chapitres, plusieurs prénoms sont cités, souvent à consonances étrangères afin de renforcer ce mélange de cultures dans les camps. D’ailleurs, l’auteur, lui-même, italien, mettra du temps à apprendre la langue allemande et à se faire comprendre. Par ailleurs, grâce à ce témoignage poignant, nous pouvons constater les conditions déplorables dans lesquelles les gens vivaient ou du moins essayer de survivre. Ils étaient considérés tels des animaux et comme le dit Primo Lévi d’une autre façon « les animaux étaient même mieux traités que nous ! » En somme, j’ai vraiment apprécié ce livre car il témoigne d’une époque dont je suis passionné. Pour finir, je pense que l’auteur a voulu transmettre ce qu’il s’est passé pour que les générations à venir ne reproduisent pas les mêmes choses et surtout qu’elles n’oublient pas cette période sombre de notre Histoire. Merci de m’avoir conseillé ce récit !! .

Voilà un élève qui va me manquer.

Ou c'est une excellente analyse, ou ton élève a fait des recherches sur le livre.
Je voudrais moi aussi vous faire partager une joie récente. J'ai finalement donné mon adresse pro à mes 3e à la fin de l'année, tout en demandant à ceux qui le souhaitaient de me laisser la leur. Vendredi, comme j'étais de correction et que je ne pouvais pas être au collège, j'ai envoyé le soir un message à tous ceux qui m'avaient laissé leur adresse en leur souhaitant bonnes vacances. Jusqu'à présent, je n'ai eu qu'une seule réponse et c'est justement celle de mon élève chouchou, qui m'a répondu dans le quart d'heure. Je lui ai fait une réponse plus personnelle car le premier mail était collectif, et il m'a à nouveau répondu très vite pour me dire que j'allais lui manquer en tant que prof, qu'il avait énormément appris avec moi, qu'il était certain que ça lui servirait par la suite, qu'il me raconterait son parcours au lycée et qu'il s'attacherait à ne pas me décevoir. Quoi de plus beau que la gratitude et la reconnaissance d'un élève (surtout un qu'on appréciait autant) ? Je me dis que j'ai finalement bien fait de l'engueuler toute l'année quand il dépassait les limites ou végétait trop : il ne m'en a pas tenu rigueur, au contraire. J'ai appris par la suite par des collègues présentes vendredi qu'il était venu me voir en salle des profs à la fin de ses épreuves du brevet (je n'étais donc pas là) et qu'il avait été très "émouvant". Je pense à lui tous les jours depuis les vacances.

C'est dans ces moments là que l'on apprécie notre profession

Et pourtant, comme je l'ai dit dans mon message précédent, on a passé une année agitée tous les deux : lui a passé son temps à gâcher le potentiel énorme qu'il avait non seulement en français mais dans toutes les matières et à faire le zouave au cas où on ne l'aurait pas déjà remarqué et moi j'ai passé mon temps à le recadrer sans cesse et à lui répéter en boucle qu'il n'avait pas les notes qu'il méritait. Comme quoi... Vendredi, il a dit à mes collègues "Mme R., elle m'a engueulé toute l'année, mais je l'aimais bien quand même !" Je suis touchée qu'il soit venu me voir et j'espère qu'il tiendra sa "promesse" : c'est un gamin hyper prometteur mais qui, comme beaucoup d'élèves de mon collège, ne vit pas un environnement favorable à la réussite et dont je ne suis pas certaine que les parents soient hyper présents. Ca me fendrait le coeur que ce gamin-là échoue par manque d'investissement parental ou à cause du poids de ses origines socio-culturelles, même s'il ne serait ni le premier ni le seul. Mais ça, je ne peux pas lui dire, c'est trop délicat. Pourtant, c'est une idée qui me terrifie.

Exactement marjolie.june ! Certains élèves s'attachent à leur professeur car ils n'ont pas forcément la chance d'avoir des parents cultivés ou des parents qui s'occupent d'eux. Ainsi, ils nous considèrent comme leur deuxième famille. Enfin, j'ai bien dit pour "certains" !! Malheureusement, comme tu le dis dans ton message, cela est trop délicat.

marjolie.june a écrit:La fin de l'année approche, j'ai hâte de voir enfin partir les 3e qui n'en fichent pas une et sont franchement désagréables ! Tous, sauf un, que l'idée de ne plus revoir l'année prochaine me peine réellement. Je sais qu'on ne doit pas s'attacher à ses élèves, mais ce n'est pas toujours facile de mettre la distance affective nécessaire avec certains élèves, qui sont très doués pour se rendre attachants, aussi pénibles soient-ils par ailleurs. Cela vous est-il déjà arrivé ?

oui, d'aillleurs je suis avec :lol!:


bon, je sors :elephant2:

Je me permets de faire remonter ce topic, cent ans après la guerre, mais je voulais également partager mon avis sur la question ! Je suis moi même une grande sentimentale, et en classe, je suis toujours l'être humain avant d'être la prof. Cette année, je suis particulièrement attachée à trois ou quatre élèves (même si je les aime tous beaucoup), et j'ai vraiment du mal à accepter le fait que certains ne seront plus jamais mes élèves. Pire, je me rends compte que je suis un peu "jalouse" de mes collègues qui hériteront de ces élèves. Je m'attache vite aux gens, que ce soit mes amis, mes collègues ou mes élèves, et les séparations sont toujours difficiles pour moi. On s'en remet car effectivement, d'autres élèves viennent combler le vide, mais ce n'est jamais complètement pareil. Un élève peut nous marquer toute une vie, tout comme nous pouvons marquer toute une vie un élève Rien que ce matin, mes 6e m'ont dit qu'ils espérais sincèrement m'avoir l'an prochain. J'étais tellement émue !
D'ailleurs j'aimerais donner mon adresse académique à mes classes de 4e pour avoir des nouvelles, mais ce sont des 4e quoi, donc même si je ne les ai pas l'an prochain, ils seront quand même dans l'établissement, ça me parait bizarre

Personnellement, il y a certaines classes de cette année que je regrette vraiment de quitter, dont une vraiment excellente. Je me dis qu'avec la baisse de niveau constante, peut-être n'aurais-je plus jamais une classe aussi agréable et sérieuse.

Je regretterai aussi certains élèves, mais cela est moins prononcé.