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Robin
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Hannah Arendt, La crise de l'Education Empty Hannah Arendt, La crise de l'Education

par Robin Ven 10 Aoû 2012 - 20:01
"La disparition générale de l'autorité ne pouvait guère se manifester de façon plus radicale qu'en s'introduisant dans la sphère prépolitique, où l'autorité semblait prescrit par la nature elle-même, indépendamment de tous les changements historiques et de toutes les conditions politiques. D'autre part, l'homme moderne ne pouvait exprimer plus clairement son mécontentement envers le monde et son dégoût pour les choses telles qu'elles sont qu'en refusant d'en assumer la responsabilité pour ses enfants. C'est comme si, chaque jour, les parents disaient : "En ce monde, même nous ne sommes pas en sécurité chez nous ; comment s'y mouvoir, que savoir, quel bagage acquérir sont pour nous aussi des mystères. Vous devez essayer de faire de votre mieux pour vous en tirer ; de toute façon vous n'avez pas de comptes à nous demander. Nous sommes innocents, nous nous lavons les mains de votre sort." (page 245)

"C'est bien le propre de la condition humaine que chaque génération nouvelle grandisse à l'intérieur d'un monde déjà ancien, et par suite former une génération nouvelle pour un monde nouveau traduit en fait le désir de refuser aux nouveaux arrivants leurs chances d'innover."(page 228)

(Hannah Arendt, "La Crise de l’Éducation", in La Crise de la Culture, Huit exercices de pensée politique, traduit de l'anglais sous la direction de Patrick Lévy, Gallimard, 1972, pg. 242-243)


S'il est un domaine où se manifeste de façon spectaculaire la crise générale qui s'est abattue sur le monde moderne, c'est bien celui de l’Éducation.

Cette crise s'est tout d'abord manifestée aux États-Unis, mais Hannah Arendt, au moment où elle écrit cet Essai, en 1951, estimait qu'elle s'étendrait bientôt à l'Europe : "On peut en effet poser comme règle générale de notre époque que tout ce qui peut arriver dans un pays, peut aussi, dans un avenir prévisible, arriver dans presque tous les autres pays (page 224)

Elle a pris un caractère particulièrement aigu aux États-Unis et elle est devenu un enjeu politique du fait que les États-Unis sont une terre d'immigration et que l’Éducation y joue un rôle plus fondamental qu'ailleurs dans l'intégration et la "fusion" des groupes ethniques les plus divers en un seul Peuple. (le "melting pot") :

"Nulle part, les problèmes d'éducation d'une société de masse ne se sont posés avec tant d'acuité et nulle part ailleurs les théories pédagogiques les plus modernes n'ont été acceptées de façon si serviles et si peu critiques. Ainsi, la crise de l’Éducation en Amérique annonce d'une part la faillite des méthodes modernes d’Éducation et d'autre part pose un problème extrêmement difficile car cette crise a surgi au sein d'une société de masse et en réponse à ses exigences."

L'erreur fondamentale est de vouloir faire jouer un rôle politique à l'éducation en croyant "fonder un nouveau monde avec ceux qui sont nouveaux par naissance et par nature" (page 227).

Cette illusion très ancienne devient pathos de la nouveauté dans ce pays d'immigration que sont les États-Unis, où l'on s'est emparé des "théories modernes de l'éducation" venues d'Europe. Est en jeu la volonté égalitaire qui aboutit au nivellement.

Selon Hannah Arendt, trois idées sont à la base des réformes catastrophiques qui ont été faites :

1) L'idée d'une autonomie du monde de l'enfant par rapport au monde des adultes.

"Affranchi de l'autorité des adultes, l'enfant n'a donc pas été libéré, mais soumis à une autorité bien plus effrayante et vraiment tyrannique : la tyrannie de la majorité. En tout cas, il en résulte que les enfants ont été pour ainsi dire bannis du monde des adultes. Ils sont soit livrés à eux-mêmes, soit livrés à la tyrannie de leur groupe, contre lequel, du fait de sa supériorité numérique, ils ne peuvent se révolter, avec lequel, étant enfants, ils ne peuvent discuter, et duquel ils ne peuvent s'échapper pour aucun autre monde, car le monde des adultes leur est fermé. Les enfants ont tendance à réagir à cette contrainte soit par le conformisme, soit par la délinquance juvénile, et souvent par un mélange des deux."

2) L'idée que la pédagogie est une science de l'enseignement en général, au point de pouvoir s'affranchir complètement de la matière à enseigner.

3) L'idée que l'enfant ne peut savoir et comprendre que ce qu'il a fait lui-même et sa mise en pratique dans l’Éducation : substituer, autant que possible, le "faire" à "l'apprendre" (le "pragmatisme"), ainsi que le jeu.

Ce constat fait surgir deux questions :

a) Quels aspects du monde moderne et de sa crise se sont réellement révélés dans la crise de l’Éducation, ou, pour quelles raisons a-t-on pu, pendant des années, parler et agir en contradiction si flagrante avec le bon sens ?

b) Quelles leçons pouvons-nous tirer de cette crise quant à l'essence de l’Éducation, en réfléchissant au rôle que l’Éducation joue dans toute civilisation, c'est-à-dire à l'obligation que l'existence des enfants entraîne pour toute société humaine ?

Hannah Arendt va s'efforcer, tout d'abord, de répondre à cette seconde question :

L’Éducation de l'enfant se présente sous un double aspect :

a) L'enfant est nouveau dans un monde qui lui est étranger (responsabilité du rapport à la culture)

b) L'enfant est en devenir (responsabilité du rapport à la vie)

Ce double aspect distingue le petit homme du petit animal. Les parents ont donc une double responsabilité vis-à-vis de l'enfant : la responsabilité de la vie et du devenir de l'enfant et celle de la continuité du monde.

Pour Hannah Arendt, le problème de l’École, institution intermédiaire entre la famille et la société, vient du fait que les adultes ont tendance à refuser d'assumer leur responsabilité du monde.

Hannah Arendt fait ensuite une distinction essentielle entre autorité et compétence :

a) la compétence du professeur consiste à connaître le monde et à être capable de transmettre cette connaissance.

b) son autorité se fonde sur son rôle de responsable du monde : "Vis-à-vis de l'enfant, c'est un peu comme s'il était un représentant de tous les adultes, qui lui signaleraient les choses en lui disant : "Voici notre monde."

La crise de l'autorité dans l’Éducation est étroitement liée à la crise de la tradition, c'est-à-dire à la crise de notre attitude envers le passé.

Pour l'éducateur, cet aspect de la crise est particulièrement difficile à porter, car il lui appartient de faire le lien entre l'ancien et le nouveau.

Dans le monde moderne, le problème de l’Éducation tient au fait que par sa nature même, l’Éducation ne peut faire fi de l'autorité, ni de la tradition, et qu'elle doit cependant s'exercer dans un monde qui n'est pas structuré par l'autorité, ni retenu par la tradition.

C'est au seul domaine de l’Éducation que nous devons apporter une notion d'autorité et une attitude envers le passé qui lui conviennent, mais qui n'ont pas de valeur générale et ne doivent pas prétendre détenir une valeur générale dans le monde des adultes.

Il en résulte que le rôle de l’École est d'apprendre aux enfants ce qu'est le monde (instruire), et non pas de leur inculquer l'art de vivre (aux États-Unis, dans les années 60 : apprendre à se conduire en société, à être populaires ou, plus récemment, en France : éduquer à l'éco-citoyenneté, socialiser...)

"L’Éducation est le point où se décide si nous aimons assez le monde pour en assumer la responsabilité, et de plus, le sauver de cette ruine qui serait inévitable sans ce renouvellement et sans cette arrivée de jeunes et de nouveaux venus. C'est également avec l’Éducation que nous décidons si nous aimons assez nos enfants pour ne pas les rejeter de notre monde, ni les abandonner à eux-mêmes, ni leur enlever leur chance d'entreprendre quelque chose de neuf, quelque chose que nous n'avions pas prévu, mais les préparer d'avance à la tâche de renouveler un monde commun." (page 252)



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InvitéPas
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par InvitéPas Ven 10 Aoû 2012 - 22:42
Merci pour la tentation, Robin. J'ai très envie de lire Hannah Arendt désormais, cet essai en particulier.
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par Robin Sam 11 Aoû 2012 - 5:49
Passacaille a écrit:Merci pour la tentation, Robin. J'ai très envie de lire Hannah Arendt désormais, cet essai en particulier.

"La crise de l'Education" est un Essai, paru en 1961, parmi cinq autres Essais, dans un livre intitulé "Between Past and Future". L'ouvrage a été traduit en français et préfacé en 1968, augmenté de deux autres Essais sous le titre "La crise de la culture". Il est disponible en livre de Poche chez Folio.
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Lilipomme
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par Lilipomme Ven 25 Oct 2013 - 20:32
A quoi renvoie cette idée de crise générale qui s'est abattue sur le monde moderne ? Que faut-il entendre par crise générale ?
Asha Kraken
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par Asha Kraken Ven 25 Oct 2013 - 20:39
Merci pour la référence Robin, mon père, grand lecteur d'Arendt doit avoir cet essai dans sa bibliothèque, ça me donne envie de le lui emprunter.Smile
atrium
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par atrium Lun 4 Nov 2013 - 19:17
Merci Robin. Je n'ai pas lu Arendt mais ça:

"C’est justement pour préserver ce qui est neuf et révolutionnaire dans chaque enfant que l’éducation doit être conservatrice."

ça me parle.

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It's okay to be a responsible member of society if only you know what you're going to be held responsible for.

John Brunner, The Jagged Orbit
Paratge
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par Paratge Lun 4 Nov 2013 - 19:38
Merci Robin de rappeler ce texte fondateur !
C'est un classique mais si vous lisez l'anglais, lisez-le en VO, la traduction n'est pas si bonne si je me souviens bien.

Lire aussi Richard Hofstadter, L'Anti-intellectualisme dans la vie américaine.
gauvain31
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Empereur

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par gauvain31 Lun 4 Nov 2013 - 19:43
Merci Robin de faire sa publicité: je suis aussi un fan d'Hannah Arendt; j'avais vu le film qui lui était consacré. Son livre sur l'éducation m'avais beaucoup aidé à prendre du recul... je l'avais offert à un collègue syndiqué au SGEN... il ne m'en a jamais reparlé depuis...

J'espère que ton message va inciter les collègues à lire ce monument
Robin
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par Robin Mar 5 Nov 2013 - 6:46
gauvain31 a écrit:Merci Robin de faire sa publicité: je suis aussi un fan d'Hannah Arendt; j'avais vu le film qui lui était consacré. Son livre sur l'éducation m'avais beaucoup aidé à prendre du recul... je l'avais offert à un collègue syndiqué au SGEN... il ne m'en a jamais reparlé depuis...

J'espère que ton message va inciter les collègues à lire ce monument
La fine pointe de l'argumentation "anticonstructiviste" d'Hannah Arendt réside dans les conditions de possibilité de la liberté : on ne peut faire du neuf dans le monde et éventuellement contester le passé que dans la mesure où il vous a été transmis. Un individu qui ne sait rien du passé est voué à répéter éternellement le présent. La transmission de connaissances ne vise donc pas à "meubler l'esprit" et encore moins à l'asservir au passé, mais à l'ouvrir au futur. Le pédagogisme se veut "progressiste", alors qu'il est foncièrement réactionnaire.
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InvitéP2
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par InvitéP2 Mar 5 Nov 2013 - 16:20
Robin a écrit:La fine pointe de l'argumentation "anticonstructiviste" d'Hannah Arendt réside dans les conditions de possibilité de la liberté : on ne peut faire du neuf dans le monde et éventuellement contester le passé que dans la mesure où il vous a été transmis. Un individu qui ne sait rien du passé est voué à répéter éternellement le présent. La transmission de connaissances ne vise donc pas à "meubler l'esprit" et encore moins à l'asservir au passé, mais à l'ouvrir au futur. Le pédagogisme se veut "progressiste", alors qu'il est foncièrement réactionnaire.
Pour Hannah Arendt, il n'y a pas de sens à "contester" le passé. Le passé collectif, ce n'est rien d'autre que le monde commun, fruit du travail, de l'oeuvre, de l'action et de la parole des hommes, et au sein duquel moi, individu particulier, suis invité à apporter du nouveau par mon initiative personnelle qui, elle-même, s'inscrit dans ma propre biographie, donc dans mon propre passé. En ce sens, le passé est toujours la condition transcendantale de possibilité de l'existence authentiquement humaine, c'est-à-dire politique. Privé de passé, je ne suis pas condamné au présent, mais à la désolation [loneliness] : "la désolation, fonds commun de la terreur, est étroitement liée au déracinement et à l’inutilité : être déraciné, c’est ne pas avoir de place dans le monde, reconnue et garantie par les autres ; être inutile c’est n’avoir aucune appartenance au monde"(Arendt, le Système Totalitaire, iv). D'où l'importance de la tradition (de trado, "je transmets"). Cf. Natalité et Mortalité sont-ils des Phénomènes Biologiques ?.
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par Robin Mar 5 Nov 2013 - 17:05
Philippe Jovi a écrit:
Robin a écrit:La fine pointe de l'argumentation "anticonstructiviste" d'Hannah Arendt réside dans les conditions de possibilité de la liberté : on ne peut faire du neuf dans le monde et éventuellement contester le passé que dans la mesure où il vous a été transmis. Un individu qui ne sait rien du passé est voué à répéter éternellement le présent. La transmission de connaissances ne vise donc pas à "meubler l'esprit" et encore moins à l'asservir au passé, mais à l'ouvrir au futur. Le pédagogisme se veut "progressiste", alors qu'il est foncièrement réactionnaire.
Pour Hannah Arendt, il n'y a pas de sens à "contester" le passé. Le passé collectif, ce n'est rien d'autre que le monde commun, fruit du travail, de l'oeuvre, de l'action et de la parole des hommes, et au sein duquel moi, individu particulier, suis invité à apporter du nouveau par mon initiative personnelle qui, elle-même, s'inscrit dans ma propre biographie, donc dans mon propre passé. En ce sens, le passé est toujours la condition transcendantale de possibilité de l'existence authentiquement humaine, c'est-à-dire politique. Privé de passé, je ne suis pas condamné au présent, mais à la désolation [loneliness] : "la désolation, fonds commun de la terreur, est étroitement liée au déracinement et à l’inutilité : être déraciné, c’est ne pas avoir de place dans le monde, reconnue et garantie par les autres ; être inutile c’est n’avoir aucune appartenance au monde"(Arendt, le Système Totalitaire, iv). D'où l'importance de la tradition (de trado, "je transmets"). Cf. Natalité et Mortalité sont-ils des Phénomènes Biologiques ?.
Tout à fait d'accord, bien entendu. Je me suis laissé entraîner à penser à Mai 68 et aux paroles de l'Internationale "Du passé faisons table rase !" qui suppose de connaître ce que l'on se propose de détruire. En d'autres termes l'action (la praxis) ne peut pas faire l'économie de la pensée et se couper du passé. (cf. le commentaire de J.F. Lyotard sur la fameuse phrase de Marx : "Jusqu'à présent les philosophes se sont contentés de penser le monde, il s'agit à présent de le changer."
Spinoza1670
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par Spinoza1670 Mar 5 Nov 2013 - 17:24
En 1955, paraît le livre de Rudolf Flesch, Why Johnny Can't Read and What You Can Do About It.
Je ne l'ai pas lu, mais je vais me le procurer prochainement.
Article de blog assez bien fait : http://www.thenewamerican.com/reviews/opinion/item/10752-why-johnny-still-cant-read

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« Let not any one pacify his conscience by the delusion that he can do no harm if he takes no part, and forms no opinion. Bad men need nothing more to compass their ends, than that good men should look on and do nothing. » (John Stuart Mill)

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par Paratge Mar 5 Nov 2013 - 17:48
Flesch y parle de "Chinese word learning" pour les méthodes "globales", apprentissage de mots à la chinoise, les mots sont des idéogrammes et donc l'enfant devrait apprendre tous nos mots comme des caractères chinois...
falblabla
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par falblabla Mar 5 Nov 2013 - 18:26
J'ai lu la crise de la culture à une époque où je ne me préoccupais pas d'éducation, et je vais me pencher sur la crise de l'éducation. Il me semble que la problèmatique est toujours d'actualité.
Merci pour ce cours.
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InvitéP2
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par InvitéP2 Mer 6 Nov 2013 - 8:31
Spinoza1670 a écrit:En 1955, paraît le livre de Rudolf Flesch, Why Johnny Can't Read and What You Can Do About It.
Je ne l'ai pas lu, mais je vais me le procurer prochainement.
Article de blog assez bien fait : http://www.thenewamerican.com/reviews/opinion/item/10752-why-johnny-still-cant-read
Quel rapport avec le sujet ?
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par Chocolat Mer 6 Nov 2013 - 8:54
Tous mes élèves de 3e découvrent Arendt, à un moment donnée de l'année scolaire; et c'est pareil pour Montaigne et Voltaire.

Je suis très subjective sur la question, j'en ai bien conscience, mais je me vois très mal faire autrement, car j'estime qu'il est indispensable de connaître ces personnalités et leurs idées pour se construire.

Alors parfois je fais "thème et version", avec l'impression d'être prof de latin ou d'anglais, mais ce n'est pas bien grave - cela m'arrive pour des trucs bien plus basique, donc...

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par falblabla Mer 6 Nov 2013 - 9:06
Robin a écrit:La fine pointe de l'argumentation "anticonstructiviste" d'Hannah Arendt réside dans les conditions de possibilité de la liberté : on ne peut faire du neuf dans le monde et éventuellement contester le passé que dans la mesure où il vous a été transmis. Un individu qui ne sait rien du passé est voué à répéter éternellement le présent. La transmission de connaissances ne vise donc pas à "meubler l'esprit" et encore moins à l'asservir au passé, mais à l'ouvrir au futur. Le pédagogisme se veut "progressiste", alors qu'il est foncièrement réactionnaire.
C'est une idée défendue aussi en psychothérapie familiale : l'individuation n'étant possible qu'en s'inscrivant dans une généalogie, et en acceptant ce qu'elle transmet.
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par Robin Mer 6 Nov 2013 - 10:29
Philippe Jovi a écrit:
Robin a écrit:La fine pointe de l'argumentation "anticonstructiviste" d'Hannah Arendt réside dans les conditions de possibilité de la liberté : on ne peut faire du neuf dans le monde et éventuellement contester le passé que dans la mesure où il vous a été transmis. Un individu qui ne sait rien du passé est voué à répéter éternellement le présent. La transmission de connaissances ne vise donc pas à "meubler l'esprit" et encore moins à l'asservir au passé, mais à l'ouvrir au futur. Le pédagogisme se veut "progressiste", alors qu'il est foncièrement réactionnaire.
Pour Hannah Arendt, il n'y a pas de sens à "contester" le passé. Le passé collectif, ce n'est rien d'autre que le monde commun, fruit du travail, de l'oeuvre, de l'action et de la parole des hommes, et au sein duquel moi, individu particulier, suis invité à apporter du nouveau par mon initiative personnelle qui, elle-même, s'inscrit dans ma propre biographie, donc dans mon propre passé. En ce sens, le passé est toujours la condition transcendantale de possibilité de l'existence authentiquement humaine, c'est-à-dire politique. Privé de passé, je ne suis pas condamné au présent, mais à la désolation [loneliness] : "la désolation, fonds commun de la terreur, est étroitement liée au déracinement et à l’inutilité : être déraciné, c’est ne pas avoir de place dans le monde, reconnue et garantie par les autres ; être inutile c’est n’avoir aucune appartenance au monde"(Arendt, le Système Totalitaire, iv). D'où l'importance de la tradition (de trado, "je transmets"). Cf. Natalité et Mortalité sont-ils des Phénomènes Biologiques ?.
J'aurais dû plutôt parler de "tradition" (transmission) que de "passé". L'Ecole, pour Hannah Arendt est le lieu de transmission, non pas du passé, mais de la mémoire collective et donc l'une des conditions (avec la famille) de la liberté individuelle. Hannah Arendt se montre ici très proche de la philosophie des Lumières et de Condorcet (le caractère émancipateur du savoir), mais aussi de Heidegger (la notion d'enracinement).
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par Spinoza1670 Mer 6 Nov 2013 - 10:30
Philippe Jovi a écrit:
Spinoza1670 a écrit:En 1955, paraît le livre de Rudolf Flesch, Why Johnny Can't Read and What You Can Do About It.
Je ne l'ai pas lu, mais je vais me le procurer prochainement.
Article de blog assez bien fait : http://www.thenewamerican.com/reviews/opinion/item/10752-why-johnny-still-cant-read
Quel rapport avec le sujet ?
Dans la traduction de Chantal Vezin (Hannah Arendt, La Crise de l'éducation, "Johnny" est traduit par "John".

Hannah Arendt, La Crise de l'éducation, début a écrit:La crise générale qui s'est abattue sur tout le monde moderne et qui atteint presque toutes les branches de l'activité humaine se manifeste différemment suivant les pays, touchant des domaines différents et revêtant des formes différentes. En Amérique, un de ses aspects les plus caractéristiques et les plus révélateurs est la crise périodique de l'éducation qui, au moins pendant ces dix dernières années, est devenue un problème politique de première grandeur dont les journaux parlent presque chaque jour. Certes, il ne faut pas beaucoup d'imagination pour déceler les dangers d'une baisse constante des niveaux perceptible à travers tout le système scolaire. Les innombrables et vains efforts des autorités responsables pour endiguer le mouvement soulignent bien la gravité du problème. Cependant, si l'on compare cette crise de l'éducation aux événements politiques des autres pays au xxe siècle, à la tourmente révolutionnaire qui a suivi la Première Guerre mondiale, aux camps de concentration et d'extermination, ou même au profond malaise qui, sous des apparences de prospérité, s'est répandu dans toute l'Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, il est quelque peu difficile d'accorder à une crise de l'éducation toute l'attention qu'elle mérite. En effet, on est tenté de la considérer comme un phénomène local, sans rapport avec les problèmes plus considérables du siècle et dont il faut attribuer la responsabilité à certaines particularités de la vie aux États-Unis, dont on ne saurait trouver d'équivalent dans d'autres parties du monde.

Mais s'il en était bien ainsi, la crise de notre système scolaire ne serait pas devenue une question politique et n'aurait pas pris de court les autorités responsables de l'éducation. C'est que le problème, ici, ne se limite sûrement pas à l'épineuse question de savoir pourquoi le petit John ne sait pas lire. De plus, on est toujours tenté de croire qu'il s'agit de problèmes spécifiques, bien délimités par l'histoire et les frontières nationales et qui n'importent qu'à ceux qui sont directement touchés. C'est précisément cette attitude qui s'est constamment révélée fausse de nos jours. On peut, en effet, poser comme règle générale de notre époque que tout ce qui peut arriver dans un pays, peut aussi, dans un avenir prévisible, arriver dans presque tous les autres pays.
Hannah Arendt, La Crise de l'éducation, Folio essais, pp.229-230 a écrit:Or, en ce qui concerne l'éducation, il a fallu attendre notre siècle pour que l'illusion provenant du pathos de la nouveauté produise ses conséquences les plus graves. Tout d'abord, elle a permis à cet assemblage de théories modernes de l'éducation, qui viennent du centre de l'Europe et consistent en un étonnant salmigondis de choses sensées et d'absurdités, de révolutionner de fond en comble tout le système d'éducation, sous la bannière du progrès de l'éducation. Ce qui en Europe était resté une expérience tentée çà et là dans de rares écoles et dans les institutions isolées, puis étendant peu à peu son influence à certains secteurs, a, en Amérique, complètement bouleversé et pour ainsi dire du jour au lendemain, il y a de cela vingt-cinq ans, toutes les méthodes traditionnelles d'enseignement. Je n'entre¬rai pas ici dans les détails et je laisse de côté les écoles privées et en particulier les écoles paroissiales catholiques romaines. Le fait significatif est que pour ne pas aller à l'encontre de certaines théories, bonnes ou mauvaises, on a résolument mis à l'écart toutes les règles du bon sens. Un tel procédé a toujours une signification lourde de conséquences, surtout dans un pays dont la vie politique se fonde tellement sur le sens commun. Quand dans les questions politiques, la saine vison humaine achoppe et ne permet plus de fournir de réponses, on se trouve confronté à une crise. Car cette sorte de raison n'est que ce sens commun qui nous permet, nous et nos cinq sens individuels, d'être adaptés à un unique monde commun à tous et d'y vivre. La disparition de ce sens commun aujourd'hui est le signe le plus sûr de la crise actuelle. A chaque crise, c'est un pan du monde, quelque chose de commun à tous, qui s'écroule. Comme une baguette magique la faillite du sens commun indique où s'est produit un tel effondrement.

     En tout cas, la réponse à la question de savoir pourquoi le petit John ne sait pas lire, ou à la question plus large de savoir pourquoi le niveau scolaire de l'école américaine moyenne reste tellement en dessous du niveau moyen actuel de tous les pays d'Europe, cette réponse n'est malheureusement pas que ce pays est jeune et n'a pas encore rattrapé le Vieux Monde, mais tout au contraire que dans ce domaine, ce pays est le plus « avancé » et le plus moderne du monde. Et cela est vrai en un double sens : nulle part les problèmes d'éducation d'une société de masse ne se sont posés avec tant d'acuité et nulle part ailleurs les théories pédagogiques les plus modernes n'ont été acceptées de façon si servile et si peu critique. Ainsi, la crise de l'éducation en Amérique annonce d'une part la faillite des méthodes modernes d'éducation et d'autre part pose un problème extrêmement difficile car cette crise a surgi au sein d'une société de masse et en réponse à ses exigences.

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Asha Kraken
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Hannah Arendt, La crise de l'Education Empty Re: Hannah Arendt, La crise de l'Education

par Asha Kraken Mer 6 Nov 2013 - 11:04
Merci Spinoza, il faut décidément que j'aille glaner ce texte dans la bibliothèque paternelle.
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InvitéP2
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Hannah Arendt, La crise de l'Education Empty Re: Hannah Arendt, La crise de l'Education

par InvitéP2 Mer 6 Nov 2013 - 17:30
Spinoza1670 a écrit:
Philippe Jovi a écrit:
Spinoza1670 a écrit:En 1955, paraît le livre de Rudolf Flesch, Why Johnny Can't Read and What You Can Do About It.
Je ne l'ai pas lu, mais je vais me le procurer prochainement.
Article de blog assez bien fait : http://www.thenewamerican.com/reviews/opinion/item/10752-why-johnny-still-cant-read
Quel rapport avec le sujet ?
Dans la traduction de Chantal Vezin (Hannah Arendt, La Crise de l'éducation, "Johnny" est traduit par "John".

Hannah Arendt, La Crise de l'éducation, début a écrit:La crise générale qui s'est abattue sur tout le monde moderne et qui atteint presque toutes les branches de l'activité humaine se manifeste différemment suivant les pays, touchant des domaines différents et revêtant des formes différentes. En Amérique, un de ses aspects les plus caractéristiques et les plus révélateurs est la crise périodique de l'éducation qui, au moins pendant ces dix dernières années, est devenue un problème politique de première grandeur dont les journaux parlent presque chaque jour. Certes, il ne faut pas beaucoup d'imagination pour déceler les dangers d'une baisse constante des niveaux perceptible à travers tout le système scolaire. Les innombrables et vains efforts des autorités responsables pour endiguer le mouvement soulignent bien la gravité du problème. Cependant, si l'on compare cette crise de l'éducation aux événements politiques des autres pays au xxe siècle, à la tourmente révolutionnaire qui a suivi la Première Guerre mondiale, aux camps de concentration et d'extermination, ou même au profond malaise qui, sous des apparences de prospérité, s'est répandu dans toute l'Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, il est quelque peu difficile d'accorder à une crise de l'éducation toute l'attention qu'elle mérite. En effet, on est tenté de la considérer comme un phénomène local, sans rapport avec les problèmes plus considérables du siècle et dont il faut attribuer la responsabilité à certaines particularités de la vie aux États-Unis, dont on ne saurait trouver d'équivalent dans d'autres parties du monde.

Mais s'il en était bien ainsi, la crise de notre système scolaire ne serait pas devenue une question politique et n'aurait pas pris de court les autorités responsables de l'éducation. C'est que le problème, ici, ne se limite sûrement pas à l'épineuse question de savoir pourquoi le petit John ne sait pas lire. De plus, on est toujours tenté de croire qu'il s'agit de problèmes spécifiques, bien délimités par l'histoire et les frontières nationales et qui n'importent qu'à ceux qui sont directement touchés. C'est précisément cette attitude qui s'est constamment révélée fausse de nos jours. On peut, en effet, poser comme règle générale de notre époque que tout ce qui peut arriver dans un pays, peut aussi, dans un avenir prévisible, arriver dans presque tous les autres pays.
Hannah Arendt, La Crise de l'éducation, Folio essais, pp.229-230 a écrit:Or, en ce qui concerne l'éducation, il a fallu attendre notre siècle pour que l'illusion provenant du pathos de la nouveauté produise ses conséquences les plus graves. Tout d'abord, elle a permis à cet assemblage de théories modernes de l'éducation, qui viennent du centre de l'Europe et consistent en un étonnant salmigondis de choses sensées et d'absurdités, de révolutionner de fond en comble tout le système d'éducation, sous la bannière du progrès de l'éducation. Ce qui en Europe était resté une expérience tentée çà et là dans de rares écoles et dans les institutions isolées, puis étendant peu à peu son influence à certains secteurs, a, en Amérique, complètement bouleversé et pour ainsi dire du jour au lendemain, il y a de cela vingt-cinq ans, toutes les méthodes traditionnelles d'enseignement. Je n'entre¬rai pas ici dans les détails et je laisse de côté les écoles privées et en particulier les écoles paroissiales catholiques romaines. Le fait significatif est que pour ne pas aller à l'encontre de certaines théories, bonnes ou mauvaises, on a résolument mis à l'écart toutes les règles du bon sens. Un tel procédé a toujours une signification lourde de conséquences, surtout dans un pays dont la vie politique se fonde tellement sur le sens commun. Quand dans les questions politiques, la saine vison humaine achoppe et ne permet plus de fournir de réponses, on se trouve confronté à une crise. Car cette sorte de raison n'est que ce sens commun qui nous permet, nous et nos cinq sens individuels, d'être adaptés à un unique monde commun à tous et d'y vivre. La disparition de ce sens commun aujourd'hui est le signe le plus sûr de la crise actuelle. A chaque crise, c'est un pan du monde, quelque chose de commun à tous, qui s'écroule. Comme une baguette magique la faillite du sens commun indique où s'est produit un tel effondrement.

     En tout cas, la réponse à la question de savoir pourquoi le petit John ne sait pas lire, ou à la question plus large de savoir pourquoi le niveau scolaire de l'école américaine moyenne reste tellement en dessous du niveau moyen actuel de tous les pays d'Europe, cette réponse n'est malheureusement pas que ce pays est jeune et n'a pas encore rattrapé le Vieux Monde, mais tout au contraire que dans ce domaine, ce pays est le plus « avancé » et le plus moderne du monde. Et cela est vrai en un double sens : nulle part les problèmes d'éducation d'une société de masse ne se sont posés avec tant d'acuité et nulle part ailleurs les théories pédagogiques les plus modernes n'ont été acceptées de façon si servile et si peu critique. Ainsi, la crise de l'éducation en Amérique annonce d'une part la faillite des méthodes modernes d'éducation et d'autre part pose un problème extrêmement difficile car cette crise a surgi au sein d'une société de masse et en réponse à ses exigences.
Ah, je vous demande pardon ! Mais ça, c'est un grossier copier-coller-manipuler.

D'abord, il faut aller jusqu'au bout de l'argumentation et ne pas couper là où cela vous arrange : "En tout cas, ces facteurs généraux ne peuvent, ni expliquer la crise dans laquelle nous nous trouvons actuellement, ni justifier les mesures par lesquelles on a précipité la crise.
Trois idées de base, qui ne sont que trop connues permettent d'expliquer schématiquement ces mesures catastrophiques. La première est qu'il existe un monde de l'enfant et une société formée par les enfants qui sont autonomes et qu'on doit, dans la mesure du possible, laisser se gouverner eux-mêmes [...]. La deuxième idée de base à prendre en considération dans la crise présente a trait à l'enseignement. Sous l'influence de la psychologie moderne et des doctrines pragmatiques, la pédagogie est devenue une science de l'enseignement en général, au point de s'affranchir complètement de la matière à enseigner [...]. [La troisième] idée de base est que l'on ne peut savoir et comprendre que ce que l'on a fait soi-même, et sa mise en pratique dans l'éducation est aussi élémentaire qu'évidente : substituer, autant que possible, le faire à l'apprendre.
"(Hannah Arendt, la Crise de l'Education, Folio-Essais, p.232-235).

Ensuite, il faut commenter (ne fût-ce que pour montrer que vous avez compris le propos de l'auteur). Comme dit supra, pour Hannah Arendt, la double tâche de l'éducation ne peut être que de conserver et transmettre. Et ce qu'il s'agit de "conserver" et "transmettre", en l'occurrence, c'est ce monde commun (le "passé") comme condition de possibilité de l'existence politique de tout individu, c'est-à-dire possibilité pour chacun d'agrémenter ledit monde commun d'une oeuvre, action ou parole originales. Or, nous dit Arendt, trois conceptions pédagogiques modernes (et non pas les grosses généralités que vous mettez en exergue) font clairement obstacle à cette double tâche de conservation-transmission, qui constitue l'essence-même de l'éducation :
         - la conception rousseauïste d'après laquelle le "peuple des enfants" est travaillé par des besoins spécifiquement enfantins et donc, animé d'une dynamique spécifiquement enfantine, auquel cas, l'idée-même de "monde commun" à conserver et à transmettre n'a plus de sens puisque le monde des adultes (enseignants compris) n'est pas celui des enfants
         - la conception minimaliste (qui est, cela va de soi, une conséquence du caractère soi-disant spécifique des besoins enfantins) selon laquelle l'enseignant doit se contenter d'enseigner des "pré-requis" plutôt que des connaissances (celles des adultes !), d'"apprendre à apprendre" plutôt que d'apprendre, bref d'assurer une sorte de service minimum sous peine de brimer irrémédiablement la nature enfantine
         - la conception activiste (autre conséquence du rousseauïsme pédagogique) d'après lequel l'enfant ne comprend que ce qu'il fait lui-même et non pas ce que lui montre ou dit l'adulte, de sorte que, d'une part, l'enseignement "traditionnel" (de conservation-transmission) s'y voit désormais déconsidéré comme abstrait et/ou théorique et/ou passif, et d'autre part (et, pour Arendt, c'est bien cela le plus grave), on ancre et entretient chez les enfants la confusion entre l'activité de l'animal laborans et l'action de l'animal politique, bref, on prépare l'individu à une existence servile et non libre.

Voilà. Quand vous postez sous la rubrique "philosophie", prière de faire un peu de philosophie, SVP.
Spinoza1670
Spinoza1670
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Hannah Arendt, La crise de l'Education Empty Re: Hannah Arendt, La crise de l'Education

par Spinoza1670 Mer 6 Nov 2013 - 23:59
citations:

La question "quel rapport avec le sujet ?" a deux sens :
1° De quoi tu parles ? d'où ça sort ? Y a-t-il un rapport, sous-entendu un quelconque rapport ?
2° Quel est le rapport, sous-entendu le rapport précis avec le sujet ?

J'ai montré qu'il y avait un rapport entre le livre Why Johnny can't read de Flesch paru en 1955 et le texte d'Arendt paru en 1961 en mettant en gras les morceaux de citation où le titre du livre apparaît sous la forme "pourquoi le petit John ne sait pas lire". Vous pourriez me remercier d'avoir appris quelque chose, mais non : du mépris, encore du mépris et un peu de méprise volontaire en jouant sur les deux sens de la question.
J'ai pris la question au sens "y a-t-il un rapport ?" Qui l'a pris dans un autre sens ?
De plus, si vous saviez qu'il y en avait un (de rapport), vous n'auriez pas manqué de rétorquer quelque chose de sympa du genre : "Ce n'est pas du tout la question centrale de l'article. Pauvre petit, vous vous êtes égaré dans la rubrique philo ; venez, je vais vous raccompagner à la sortie."

Vous m'accusez de "grossier copier-coller-manipuler" alors que les citations laissent explicitement entendre que la crise de la lecture n'est pas la question centrale du texte.

Vous imposez une règle "il faut commenter (ne fût-ce que pour montrer que vous avez compris le propos de l'auteur)". Même chose : tout votre commentaire consiste à renforcer ce qui est en gras : "Or, nous dit Arendt, trois conceptions pédagogiques modernes (et non pas les grosses généralités que vous mettez en exergue) font clairement obstacle à cette double tâche de conservation-transmission, qui constitue l'essence-même de l'éducation" alors que les citations laissent explicitement entendre que la crise de la lecture n'est pas la question centrale du texte.

Quant à : "Voilà. Quand vous postez sous la rubrique "philosophie", prière de faire un peu de philosophie, SVP." Merci du conseil. Rolling Eyes

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Robin
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Hannah Arendt, La crise de l'Education Empty Re: Hannah Arendt, La crise de l'Education

par Robin Ven 8 Nov 2013 - 6:24
@Spinoza 1670

Même si Hannah Arendt ne parle pas du contenu de l'enseignement, elle a certainement à l'esprit la question de la transmission du langage qui est la condition de tous les apprentissages.

Transmettre, veut dire, pour elle, d'abord transmettre ce que l'on appelle improprement des "outils de langage" et qu'il vaudrait mieux nommer les conditions de la pensée : la grammaire, le vocabulaire, l'orthographe, l'écriture et  la lecture.

Elle s'inscrit elle-même par là dans une tradition philosophique (celle de Kant et de Condorcet, de la philosophie des Lumières et celle de Hegel, qui, lui, évoque explicitement les exercices scolaires et en particulier la grammaire comme formation indispensable de l'esprit et condition de la pensée : "Es ist in Namen, daß wir denken" (Hegel, Encyclopédie des sciences philosophiques. "Philosophie de l'esprit", § 462), en français : Hannah Arendt, La crise de l'Education Empty"c'est dans les noms que nous pensons").

Arendt nous donne ici une démonstration magistrale de ce que peut la phénoménologie comme "saisie des essences" en saisissant l'essence de l'éducation comme "transmission" et comme formation de la pensée... Et elle nous laisse le soin d'examiner ce qui en découle et d'en déduire que la "progressive education" (le pédagogisme) ne repose sur aucun fondement, si ce n'est celui d'un scepticisme radical.


Dernière édition par Robin le Ven 8 Nov 2013 - 13:43, édité 1 fois
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User17706
Bon génie

Hannah Arendt, La crise de l'Education Empty Re: Hannah Arendt, La crise de l'Education

par User17706 Ven 8 Nov 2013 - 11:34
Le «rapport» qui a été demandé a été donné: Arendt fait précisément référence, dans La Crise de l'éducation, au livre Why Johnny can't read. Il n'y a pas à se contorsionner au-delà.

Pour revenir à l'article, je n'en connais pas la version anglaise, mais je crois me souvenir qu'on m'avait mis en garde contre la traduction. Quelqu'un en sait davantage à ce sujet?
Spinoza1670
Spinoza1670
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Hannah Arendt, La crise de l'Education Empty Re: Hannah Arendt, La crise de l'Education

par Spinoza1670 Ven 8 Nov 2013 - 12:51
PauvreYorick a écrit:Le «rapport» qui a été demandé a été donné : Arendt fait précisément référence, dans La Crise de l'éducation, au livre Why Johnny can't read. Il n'y a pas à se contorsionner au-delà.
Voilà. Peu importe que cette référence soit importante ou non dans l'argumentation. Mais si la référence à cet ouvrage par Arendt est importante ou non, on ne pourra le trouver que si on le cherche.
Il n'est pas impossible qu'elle ait abstrait les caractéristiques générales de la crise de l'éducation de la crise particulière de la lecture analysée par Flesch, si cela veut dire quelque chose.



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