Que faire contre les petites remarques blessantes et autres signes d'ennui total ?

Sylvain de Saint-Sylvain a écrit:Pendant un an, je n'ai jamais entendu parler des 4e autrement qu'en tant que niveau de l'Enfer. Je n'ai vraiment pas hâte d'en avoir.

J'ai eu 6 classes de 4e depuis que j'enseigne, 5 à l'année, et 1 actuellement pour 8 semaines. Sur tout ça, deux très bien, deux trèèèèèèès pourries (dont l'actuelle) et deux moyen très bof. A mon sens, c'est le niveau le plus aléatoire, ça peut être très chouette si tu as des élèves un peu matures, ou tout du moins un bon noyau qui entraîne la classe dans le bon sens. Mais si tu as une partie d'éléments très perturbateurs et surtout que le ventre mou suit, ou qui rit à leurs provocations, c'est l'enfer.

Sei a écrit:L'élève dont je parle m'avait reproché de faire une progression séparée en langue et littérature. J'avais répondu qu'il y avait plusieurs manières de faire. Elle m'avait dit alors : oui, mais ici (dans cet établissement), tous nos profs sont comme ceci, alors vous êtes nouvelle, vous devez faire pareil. sic.

Tiens, j'ai déjà eu, ça, l'élève qui essaie de te dire ce que tu dois faire... "Machine, quand tu seras inspectrice générale de l'éducation nationale, tu m'expliqueras comment faire mon travail. En attendant, tu te tais et tu fais comme je dis". Je n'ai plus eu de contestations

Salomé87 a écrit:"donc vous mettez des mots pour vous venger de ceux que vous avez pris quand vous étiez à notre place."   Vaut mieux rien répondre là.

Ah, sympa l'explication psy! J'ai eu quelque chose de similaire à mes débuts.
"Vous faites prof pour avoir de l'autorité sur nous"      
Ma réponse (totalement kamikase, mais qui a bizarrement amélioré mes relations avec eux): "Ah non, si j'étais prof pour cette raison-là, ce serait raté"   

Sylvain, je ne te conseille pas d'attendre la rentrée 2014 pour sévir. Au contraire, tu ne les as plus que quelques semaines, c'est le moment de tester des choses!   
(enfin, après ta visite de titularisation, car je crois me souvenir que tu es stagiaire).

Oui, mais l'inspectrice a dit qu'elle ne viendrait pas, car les rapports de ma tutrice et de ma CDE sont bons. Cependant, je n'ai pas confiance, et si l'inspectrice décidait finalement de venir, ce serait vraiment pas bon : ça commence à être sérieusement le bazar dans les classeurs, la progression de mes cours est un peu plus capricieuse, les élèves sont en effet plus difficiles...   

Tu es un vrai stagiaire, Sylvain (je veux dire... tu n'es pas CAD2) ?

Oui.

"Monsieur, j'ai une question !"
"Oui Bacchus ?"
"Votre cours, il dure plus longtemps que les autres, non ? C'est bizarre, j'ai l'impression qu'il fait plus d'heures !" C'est normal, c'est celui où tu ne comprends rien, chéri, parce qu'il te dépasse. Tu comprendras quand tu auras grandi, dans cinq ou six ans.


"Mais monsieur, vos consignes elles sont trop pas claires ! Comment on pouvait savoir qu'on pouvait modifier la phrase ?" (Il s'agissait de remplacer des noms par des verbes de la même famille) - et la classe de s'indigner en chœur."Quand on dit "trop pas claires", c'est qu'on ne comprend rien, et je te l'ai déjà dit :)Laisse mes consignes tranquilles et entraîne-toi à lire"

"Mais ça sert à rien, personne emploie ces mots-là !" "On t'a dit qu'un jour, il faudra que tu quittes ta famille ?"

"Non mais monsieur, oui on bavardait pardon, excusez-nous ! Mais c'est qu'on n'arrive pas à savoir si votre trousse elle est bleu foncé ou noire !" "Eh bien tu me copieras le texte dix fois en bleu foncé et dix fois en noir et tu me rédigeras dix lignes pour m'expliqer ce que tu préfères, chouchou"


"Monsieur, c'est bientôt fini ?" "Zut ! c'était presque fini, mais tu viens de rajouter deux heures de colle dis donc "

Ah ah ah !   

*Fifi* a écrit: Tout dépend de ce qu'on appelle "cassage". Pour ma part ça les fait plutôt sourire et ils voient vite que c'est mon mode de fonctionnement mais ce n'est jamais méchant. Ex :
- un élève pose une question sur un truc qui vient juste d'être déjà demande, je peux dire "oh il y a un écho dans la salle", et je répète la réponse.
- je peux dire "pardon, je parle pas yaourt" si je comprends rien à la phrase.

Je dis ça parce que je suis naturellement très cassante (mais je me soigne) : dans les classes bien agitées, c'est contre-productif, et il me semble que Sylvain a une 5e du genre. J'adore la phrase en gras : je l'adopte !

Sylvain de Saint-Sylvain a écrit:Ah ah ah !   

Ah mais ce n'est pas une blague, c'est ce que je leur sortirais, pour ma part

Je n'en doute pas ! Et je trouve ça très bon. Enfin, par contre, donner telle ou telle punition comme ça, sur une réplique... J'essaie justement de m'en préserver, c'est pénible de devoir l'assumer quand après coup on réalise que c'est un peu disproportionné. Mais je prends le reste. Va falloir que je m'entraîne.

Bon, allez, j'en remets une couche...dans un monde imaginaire bien sûr:

Sinon, Sylvain, tu sens bien que ceci n'est pas normal, pas tolérable. Tu as donc toutes les raisons d'assumer de punir...

Disons qu'à côté de tout ce que font ces 5e là, ça me semblait matière non-prioritaire. Mais vous avez raison.

(J'aime bien ta version trash, MarieAnne ; je la pratiquerai durant ma dernière année avant la retraite.)

Il y a la version faussement bienveillante aussi  :diable: 

Sylvain de Saint-Sylvain a écrit:"Monsieur, j'ai une question !"
"Oui Bacchus ?"
"Votre cours, il dure plus longtemps que les autres, non ? C'est bizarre, j'ai l'impression qu'il fait plus d'heures !"

Mon pauvre enfant ! Pour abréger ton ennui, je te propose d'aller terminer l'heure en permanence. Malheureusement, je serai bien sûr obligé de faire un rapport pour l'expliquer...

"Mais monsieur, vos consignes elles sont trop pas claires ! Comment on pouvait savoir qu'on pouvait modifier la phrase ?" (Il s'agissait de remplacer des noms par des verbes de la même famille) - et la classe de s'indigner en chœur.

Vous avez raison, mes pauvres petits. Nous allons travailler à partir de consignes plus simples et compréhensibles. Prenez une feuille, et écrivez : "Conjuguer le verbe réfléchir à tous les temps de l'indicatif et du subjonctif".

"Mais ça sert à rien, personne emploie ces mots-là !"

C'est parce que tu manques de vocabulaire, mon enfant. Heureusement, cela va bientôt s'améliorer, car tu vas rechercher la définition des trente mots suivants dans le dictionnaire et la recopier sans faire de fautes : ...

"Non mais monsieur, oui on bavardait pardon, excusez-nous ! Mais c'est qu'on n'arrive pas à savoir si votre trousse elle est bleu foncé ou noire !"

"Oh, vous n'y voyez pas bien ? Venez donc, je vais vous ménager une place juste devant mon bureau."

"Monsieur, c'est bientôt fini ?"

Eh bien, disons que j'ai terminé, si vous insistez. Ce qui signifie que nous pouvons faire le contrôle tout de suite.

Sylvain, il n'y a que toi qui peux prendre la mesure exacte de la situation, mais l'accumulation des remarques déplacées ressemble fort à de la provocation. Et la provocation, ça se sanctionne. Une sortie déplacée, on peut y répondre par une boutade, histoire de remettre le gamin à sa place par l'humour. C'est souvent plus efficace que la punition s'il s'agit d'un acte isolé. Mais si le même gamin remet le couvert ou s'il y a surenchère dans la classe, c'est d'autre chose qu'il s'agit.
Pour ma part, je le dirais une fois fermement, et ensuite, action, sans tergiverser. Plus tu vas laisser passer le bazar, plus ça sera le bazar.

Cela dit, ne désespère pas. C'est un métier où on trouve ses marques peu à peu. Tu fais le plus dur : ça va aller mieux ensuite.

Sphinx, c'est maître Cripure que tu cites. Et rendons à Cripureuh ceuh qui euh est euh à euh Cripureuh    

Personnellement, ce genre de remarques, l'âge aidant je m'en tape.

T''es pas d'accord, mon coco ? Ben tu me feras une petite recherche pour me prouver que j'ai raison.
Pas plus tard qu'hier, à propos de je ne sais plus quoi, irritée, je pose la question : "C'est qui le chef ?" Réponse "C'est vous, M'dame"
Bon, je préférerais que ce que je dis soit, d'emblée, l'évidente et incontestable Vérité.

Ces petits 6e, ils sont à la fois ch... et attendrissants.

V.Marchais a écrit:Sylvain, il n'y a que toi qui peux prendre la mesure exacte de la situation, mais l'accumulation des remarques déplacées ressemble fort à de la provocation. Et la provocation, ça se sanctionne. Une sortie déplacée, on peut y répondre par une boutade, histoire de remettre le gamin à sa place par l'humour. C'est souvent plus efficace que la punition s'il s'agit d'un acte isolé. Mais si le même gamin remet le couvert ou s'il y a surenchère dans la classe, c'est d'autre chose qu'il s'agit.
Pour ma part, je le dirais une fois fermement, et ensuite, action, sans tergiverser. Plus tu vas laisser passer le bazar, plus ça sera le bazar.

Cela dit, ne désespère pas. C'est un métier où on trouve ses marques peu à peu. Tu fais le plus dur : ça va aller mieux ensuite.

Je suis d'accord. J'ai rencontré des difficultés avec une de mes premières classes, parce que je n'osais pas sanctionner des écarts qui ne me paraissaient pas bien graves ni méchants. Tu peux dire les choses clairement, leur passer un savon, parce qu'ils savent qu'ils n'ont pas à se permettre les commentaires qu'ils font.

Eh bien, j'ai continué ma séance cet après-midi, et ça s'est mieux passé. Je n'ai pas eu de remarques désagréables, j'ai eu plus de participation, de questions de curiosité. Dans la 5e méchante, certains relous de la dernière fois étaient avides de passer au tableau. Un autre relou a dormi. Dans la 5e gentille, la même en mieux. Pourtant, nous étions toujours sur la fiche d'exercices de vocabulaire.

Hypothèse n°1 : il leur fallait digérer la nouveauté de cette séance, passer le caractère déconcertant de celle-ci et en comprendre le sens - je n'avais jamais travaillé le vocabulaire sur autant de temps et avec un projet d'expression écrite au bout, annoncé dès le début - pour comprendre que ça pouvait être sympathique, quand même, trouver des mots et en saisir les nuances.

Hypothèse n°2 : les exercices étaient tous recopiés au tableau, donc moins de temps en correction à recopier l'intégralité de la phrase, etc., et possibilité de ne jamais tourner le dos aux élèves.

Hypothèse n°3 : pas d'hypothèse, les élèves sont un mystère aussi impénétrable qu'il est interdit de décomposer le verbe "se réjouir" devant eux ; il faut juste prier pour que demain fasse partie des bons jours, tout en sachant qu'on ne peut pas gagner à tous les coups.

Bon, je vous avoue qu'elles sont un peu bruyantes, chez moi, ces séances où on fait pas mal d'activités ensemble, et certains en profitent pour bavarder ou ne rien faire. Je ne sais pas si tutrice ou inspectrice auraient kiffé. Mais mon moral se porte déjà mieux quand je sens que, malgré tout, le cours s'est déroulé de manière positive, qu'il n'a pas été perçu par la classe comme un conflit avec le prof, ou une torture.

Thalia de G a écrit:Sphinx, c'est maître Cripure que tu cites. Et rendons à Cripureuh ceuh qui euh est euh à euh Cripureuh    

   Ben non, c'est le tout premier message de Sylvain que je cite   

"Monsieur, j'ai une question !"
"Oui Bacchus ?"
"Votre cours, il dure plus longtemps que les autres, non ? C'est bizarre, j'ai l'impression qu'il fait plus d'heures !" : Non, ça c'est parce que tu as du flair ... Tu as senti que tu allais rester durant toute la récréation en ma compagnie au lieu d'aller jouer avec tes camarades ....


"Mais monsieur, vos consignes elles sont trop pas claires ! Comment on pouvait savoir qu'on pouvait modifier la phrase ?" (Il s'agissait de remplacer des noms par des verbes de la même famille) - et la classe de s'indigner en chœur."Quand on dit "trop pas claires", c'est qu'on ne comprend rien, et je te l'ai déjà dit : Et toi, tu t'exprimes trop pas correctement ... Donc maintenant, tu reconnectes les neurones, et tu bosses ... sauf si tu veux du boulot en plus ....

"Mais ça sert à rien, personne emploie ces mots-là !" : Ne prends pas ton cas pour une généralité ...

"Non mais monsieur, oui on bavardait pardon, excusez-nous ! Mais c'est qu'on n'arrive pas à savoir si votre trousse elle est bleu foncé ou noire !" Question existentielle en effet ... tout comme celle-ci: combien de temps mettras-tu à faire cette punition ?

"Monsieur, c'est bientôt fini ?" Pour tes camarades, oui, mais pour toi, cela ne vient que de commencer

=> Méthode que j'utilise en début d'année: le coin ... et ça fonctionne ....

Eily a écrit:Tu as senti que tu allais rester durant toute la récréation en ma compagnie au lieu d'aller jouer avec tes camarades

Jamais. J'ai besoin de ma cigarette.

Et même quand je ne fumais pas, la récré c'est aussi MA récré ! J'en ai besoin

Si un élève me dit qu'il a l'impression que mon cours dure plus longtemps que les autres je lui réponds que pour moi aussi, les cours sont chiants avec eux comparé aux autres classes que j'ai, qui sont plus dynamiques et plus marrantes et que plutôt que faire cours à des cabillauds morts qui me dévisagent d'un regard vide, j'aimerais mieux être à la plage.

Mais c'est un peu méchant pour le reste de la classe, si c'est un seul élève qui a dit ça, non ? De plus j'ai pas l'impression qu'une remarque de ce genre puisse toucher une classe vraiment pénible...

Si on interrompt constamment son cours j'ai bien peur que cela devienne pénible pour ceux qui suivent... j'essaie de répondre aux bavards visuellement en écarquillant les yeux par exemple, ou je me place à côté d'eux. J'essaie en tout cas.
Il n'y a pas que les réparties, mais aussi le ton utilisé, le langage corporel,...Je commence à avoir quelques phrases qui fonctionnent comme par magie car j'ai le ton qui va avec; C'est vraiment du théâtre. Chaque jour, j'ai l'impression d'ajuster ma manière de procéder.

Un 4ème d'origine gitane, m'a dit l'autre jour: "vous voulez me dresser? "Je ne sais plus ce que j'ai répondu... je n'ai pas de prise sur lui, il se fiche bien d'être puni et risque même de décider de ne plus venir au collège. Du coup, je cherche plutôt à lui parler mais c'est difficile à comprendre pour les autres élèves à qui je ne laisse rien passer.