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Robin
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Aristote, Politique, III, 9 (explication d'un extrait) Empty Aristote, Politique, III, 9 (explication d'un extrait)

par Robin Dim 8 Juin 2014 - 11:18
La Politique est l’un des plus anciens traités de philosophie politique de la Grèce antique. Le mot politique tire son étymologie du mot grec polis, qui correspond à la Cité (dans l’étymologie latine civitas).

La Cité est définie comme la communauté politique, et celle-ci nettement distinguée des communautés familiales et villageoises dont la fin est la reproduction (biologique et économique) de la vie, condition nécessaire mais non suffisante de son humanité. Ce qui distingue précisément l'homme, qui est défini dans sa spécificité comme un « animal politique » : ἄνθρωπος φύσει πολιτικὸν ζῷον (anthropos phusei politikon zoon).

Dans La Politique, Aristote tend à analyser l’origine, la finalité et le fonctionnement de la Cité (le concept d’État n'existait pas chez les Grecs), mais aussi à étudier le fonctionnement des régimes politiques de son époque. Son but est de dégager le meilleur régime politique possible, la Cité idéale. En même temps, il veut que cela soit réalisable. La grande thèse aristotélicienne, sur laquelle il va bâtir toute sa philosophie politique, est que l'homme est par nature un être sociable. Selon l'expression qu'il emploie dans La Politique, l'homme est un « animal politique »

Aristote (en grec ancien, Ἀριστοτέλης / Aristotélēs), surnommé le Stagirite (Σταγειρίτης / Stageirítēs), est un philosophe grec né en 384 av. J.-C. à Stagire, en Macédoine, et mort en 322 av. J.-C. à Chalcis, en Eubée. Disciple de Platon à l'Académie pendant plus de vingt ans, il prit ensuite une distance critique vis-à-vis des thèses de son maître et fonda sa propre école, le Lycée. Il fut également le précepteur d’Alexandre le Grand.

Le texte à expliquer :

"La Cité n'est pas une simple communauté de lieu, établie en vue d'empêcher les injustices et de favoriser les échanges. Sans doute, ce sont là les conditions qui doivent être nécessairement réalisées si l'on veut qu'une communauté politique existe ; néanmoins, en supposant même présentement réunies toutes ces conditions, on n'a pas pour autant une communauté politique. Mais la communauté politique, c'est la communauté du bien-vivre et pour les familles et pour les groupements de famille, en vue d'une vie parfaite et qui se suffise à elle-même. Pourtant pareille communauté ne se réalisera que parmi ceux qui habitent un seul et même territoire et contractent mariage entre eux. De là sont nés dans les Cités, à la fois relation de parenté et fratries, sacrifices en commun et délassement de société. Or ces diverses formes de sociabilité sont l’œuvre de l'amitié. Aussi, tandis que la fin de la communauté politique est la vie de bonheur, ces diverses associations existent en vue de la fin. Et une communauté politique est la communauté des familles et des villages dans une vie parfaite, selon nous, dans le fait de vivre conformément au bonheur et à la vertu. Nous devons donc poser en principe que la communauté politique existe en vue de l'accomplissement du bien, et non pas seulement en vue de la vie en société." (Aristote, Politique, III, 9)

Posez-vous les questions suivantes :

1) Quel est le thème du texte ?

2) Quel est le problème posé (la problématique)  ?

3) Quel est la thèse de l'auteur  ?

4) Quel est le plan du texte ?

5) Expliquez le mot "Cité" (Polis)

6) Quelles sont les conditions nécessaires à l'existence d'une communauté politique ? (Attention !!!! Le mot "État" est une traduction abusive de l'expression grecque "koinônia politiké" = association ou communauté politique)

7) Ces conditions sont-elles suffisantes ?

8) Comment Aristote définit-il la communauté politique ?

9) Cette définition correspond-elle à la conception moderne de l’État ?

10) A quoi renvoient, dans la culture grecque les expressions "sacrifices en commun", "délassement de société" ?

11) Expliquez et commentez le mot "amitié".

12) Quelle est la finalité de la communauté politique ? (distinguer essence ou définition, condition nécessaire, condition suffisante, finalité).

13) Expliquez et commentez le mot "vertu" (Arété).

14) Définissez la relation entre la vertu (Arété), la justice (Diké) et le bien (Agathon).

Eléments de réponse :

Les points 1, 2,3,4 : la mise en évidence du thème, l'explicitation du problème posé, l' explicitation de la thèse et le plan du texte constituent l'introduction du devoir.

a) Thème du texte

b) Problématique du texte

c) Thèse du texte

d) Plan du texte

1) Le thème du texte est celui de la Cité (Polis) en tant qu'association ou communauté politique (koinônia politiké).

2) Aristote pose la question de savoir si la Cité est une "simple communauté de lieu établie en vue d'empêcher les injustices (la violence) et de favoriser les échanges (le commerce) ou bien si elle est plus que cela.

3) la thèse de l'auteur est que la Cité en tant que communauté politique existe en vue de l'accomplissement du bien, et non pas seulement en vue de la vie en société.

4) Plan du texte :

Aristote expose tout d'abord les conditions nécessaires (mais non suffisantes) à l'existence d'une Cité en tant que communauté politique. : "une communauté de lieu établie en vue d'empêcher les injustices et de favoriser les échanges."

Il définit ensuite la communauté politique comme la "communauté du bien vivre pour les familles et pour les groupements de familles en vue d'une vie parfaite et qui se suffise à elle-même."

Il précise les conditions de réalisation d'une communauté politique : le partage d'un territoire commun, des liens familiaux, une religion et des loisirs communs.

C'est l'amitié (Philia), selon lui,  qui est à l'origine de ces différentes formes de sociabilité.

La communauté politique existe en vue d'une fin : une vie parfaite. La vie parfaite consiste à vivre conformément au bonheur (Eudémonia) et à la vertu (Arété)

Aristote explicite, pour terminer, sa thèse : "Nous devons donc poser en principe que la communauté politique existe en vue de l'accomplissement du bien et pas seulement en vue de la vie en société."

5) La Cité (Polis) :

La "Polis" désigne une forme de communauté politique caractéristique du monde grec antique apparue au VIIIème siècle et qui dure, dans sa forme politiquement autonome, jusqu'au IVème siècle av. J.C.

C'est Philippe II de Macédoine, protecteur d'Aristote, qui soumettra les cités grecques en inaugurant l'ère des grandes monarchies dites "hellénistiques".

La Polis "par nature antérieure à la famille et aux individus" est pour Aristote la communauté humaine parfaite, qui permet non seulement la satisfaction des besoins des individus ("vivre"), mais aussi leur épanouissement intellectuel et affectif ("bien vivre"). Pour Aristote, la Polis achevée c'est-à-dire parfaite, doit avoir une certaine importance pour être autarcique (se suffire à elle-même), mais ne doit pas excéder une certaine taille.

6) Les conditions nécessaires à l'établissement d'une communauté politique sont "une communauté de lieu en vue d'empêcher les injustices et de favoriser les échanges".

7) Pour Aristote, ces conditions sont nécessaires, mais ne sont pas suffisantes.

8) Une communauté politique n'est pas seulement un lieu où l'on empêche les injustices et où l'on favorise les échanges, c'est aussi et surtout une "communauté du bien vivre pour les familles et pour les groupements de familles, en vue d'une vie parfaite et qui se suffise à elle-même".

Il y a donc, pour Aristote deux "états" possibles pour l'homme : l'état de "sauvagerie" ne convenant pas à l'homme, animal parlant, animal politique : l'appartenance à une ethnie (ethnos), à un peuple, à une "race" qui concerne les peuples qui ne vivent pas dans les Cités qu'ils soient barbares ou Grecs et l'état de ceux qui vivent dans les Cités et qui ont atteint l'état d'épanouissement que représente la Polis.

9) La définition aristotélicienne de la communauté politique est très différente de ce que nous entendons aujourd'hui par "Etat" : une société organisée, ayant un gouvernement autonome, et jouant le rôle d'une personne morale distincte à l'égard des autres sociétés analogues avec lesquelles elle est en relation.

10) Les expressions "sacrifices en commun" et "délassements de société" correspondent dans la culture grecque au culte des dieux, aux fêtes, aux jeux et aux spectacles (tragédie, comédie).

11) C'est "amitié" (Philia) qui est à l'origine des différentes formes de sociabilité : la famille, la religion, les fêtes, les jeux et les spectacles. Aristote reconnaît trois sortes d'amitié : celle qui a pour objet le plaisir ; celle qui a pour objet l'intérêt ; celle qui a pour objet le bien moral. La troisième seule est parfaite (Éthique à Nicomaque). C'est ce troisième sens du mot "Philia qu'Aristote a ici en vue.

12) La finalité de la communauté politique n'est donc pas seulement la vie en société : les échanges et la régulation des conflits, mais l'accomplissement du bien (Agathon).

13) Vertu (Arété) : "vertu" est la traduction du terme grec "Arété" qui signifie plutôt "excellence", le mot "vertu" ayant pris en français un sens presque exclusivement moral. Ainsi, écrit Aristote, "il faut dire que toute arété par rapport à la chose dont elle est l'arété, mène cette chose à bonne fin et lui permet d'accomplir heureusement sa fonction (car c'est pas l'arété de l’œil que nous voyons bien). de même l'arété du cheval le rend excellent pour le galop, pour porter son cavalier et pour faire face à l'ennemi." (Éthique à Nicomaque, II, 5, 110 à 15).

14) Cette notion est étroitement liée à la notion de Justice (Diké) et de Bien, synonyme de bonheur (eudaimonia). Pour Aristote, le souverain bien est le bonheur.

Aristote fait une distinction essentielle entre deux aspects de la notion de justice : une justice relative, individuelle, qui dépend d'autrui et une justice globale et communautaire.

La première est une vertu ; la seconde concerne les lois et la constitution politique et relève de la raison. D'idéale, la justice devient ainsi politique. Aristote dit de la diké (« justice » en grec) qu'elle est l'ordre objectif de la communauté politique.

Dans le livre V de l’Éthique à Nicomaque, il distingue l'injuste du juste par le fait que ce dernier est "ce qui produit et conserve le bonheur et ses parties pour la communauté politique".

Aristote reprend l'idée de Platon selon laquelle la justice est la vertu principale. Mais Pour lui : "La vertu de justice est la vertu par laquelle l'être humain accomplit sa finalité éthique".

Mais au contraire de Platon, il fait dépendre cette vertu d'une situation et, en conséquence, d'éléments extérieurs à l'action de l'homme vertueux. Si pour Platon la justice consiste à donner à chaque partie (et à chaque homme) la place qui lui revient dans le tout, pour Aristote elle consiste à conformer nos actions aux lois afin de conserver le bonheur pour la communauté politique : "le juste est le bien politique, à savoir l'avantage commun".

Pour Aristote "Le bonheur, (eudaimonia) est un principe ; c’est pour l’atteindre que nous accomplissons tous les autres actes ; il est le génie de nos motivations."

Aristote place le bonheur dans la satisfaction liée à la contemplation de la vérité par l'esprit. Deux modèles du bonheur sont présentés dans l'Éthique à Nicomaque : un bonheur contemplatif, propre aux dieux, et un bonheur découlant de la vie politique, accessible aux hommes.

Conclusion :

Le statut de La Politique d'Aristote est paradoxal puisque Aristote décrit comme un idéal la Cité grecque, qui est en train de disparaître avec la montée en puissance de la monarchie macédonienne. Après la disparition de la Polis, l'idéal autarcique (se suffire à soi-même, ne pas dépendre d'un autre), devenu politiquement impossible redescendra, avec les Épicuriens et les Stoïciens, de la Cité au sage lui-même.

L'un des intérêts philosophiques de ce texte est la différence entre la notion moderne "d’État" qui désigne une société organisée ayant un gouvernement autonome et jouant le rôle d'une personne morale distincte à l'égard des autres sociétés analogues avec lesquelles il est en relation et la conception aristotélicienne de "communauté politique" qui assigne un but commun, une finalité éthique (un "en vue de quoi") à l'organisation sociale.
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