[Slate] : "Vos élèves lisent beaucoup trop", L. Tourret

Je ne suis pas du tout étonné. Non seulement cela correspond à ce que je vois monter en puissance depuis plus de 20 ans, mais aussi à ce que je ne cesse de prédire comme objectif inavoué de notre institution, en faisant une simple projection, sur la base de la logique qui gouverne cette volonté de nivellement haineuse - donc de rabaissement des uns sous prétexte d'élever les autres - qui finit aujourd'hui par s'avouer clairement par la bouche des plus arrogants. Il s'agit juste de l'aboutissement d'un processus engagé il y a longtemps. L'enseignement n'est plus depuis longtemps un métier de savoirs, mais le lieu d'un pouvoir exercé par des censeurs au petit pied, sans culture et sans états d'âme.

Pas certain que nous soyons déjà dans l'aboutissement. On n'a pas tout vu.

neomath a écrit:

ycombe a écrit:L'enseignante aurait pu tout à fait calmement lui demander un ordre écrit. Qu'elle aurait pu contester au T.A. pour abus de pouvoir, si la CdE avait osé aller jusque là. Comme la justice est publique, on aurait pu rire un peu en lisant l'ordre en question.

Dans ces cas là, toujours demander un ordre écrit. Et essayer de rester imperturbable en voyant la mine déconfite du chefaillon.

Risqué tout de même... L'emploi du temps et la répartition de l'année suivante risquent dans ce type de cas de réserver des surprises

Celadon a écrit:Pas certain que nous soyons déjà dans l'aboutissement. On n'a pas tout vu.

C'est vrai que si je tire une ligne droite entre l'enseignement que j'ai reçu dans un petit collège d'un quartier populaire de Paris dans les années 70 et qui m'a permis, gamin pauvre, d'accéder à la connaissance et à la culture, et l'horizon qui se profile, en passant par les 25 dernières années où je n'ai vu que directives "vertueuses" pour rabaisser, neutraliser, débiliser (stratégie du plan incliné) les élèves, l'homme de demain ce sera "cro-magnon au pays des ordinateurs". D'ailleurs les choses sont en train de se précipiter, c'est-à-dire de dégringoler en s'accélérant... Aucun d'entre nous ne peut ignore vers quoi l'on tend à présent. C'est mon avis et je le partage.

balthamos a écrit:Sur le fond ce chef outrepasse sa mission.
Il n'a rien à dire sur la pédagogie, la méthode et la pratique  d'un enseignant. C'est le boulot d'un IPR.
Le chef n'a pas à intervenir dans ma pratique, chaque enseignant à sa liberté pédagogique.

Déjà, et nos IO préconisent 6 lectures d'œuvres complètes sur l'année. La prof doit appeler son IRP, histoire qu'il remette la CDE à sa place.

Finrod a écrit:

neomath a écrit:

ycombe a écrit:L'enseignante aurait pu tout à fait calmement lui demander un ordre écrit. Qu'elle aurait pu contester au T.A. pour abus de pouvoir, si la CdE avait osé aller jusque là. Comme la justice est publique, on aurait pu rire un peu en lisant l'ordre en question.

Dans ces cas là, toujours demander un ordre écrit. Et essayer de rester imperturbable en voyant la mine déconfite du chefaillon.

Risqué tout de même...   L'emploi du temps et la répartition de l'année suivante risquent dans ce type de cas de réserver des surprises

Des fois, je me dis que c'est tellement compliqué de faire un edt avec les barrettes, la piscine etc. que la CDE serait bien embêtée pour réussir à faire un edt embêtant. (Je sais, hein, ce doit être possible mais ce serait une sacrée perte de temps !)

ycombe a écrit:Essayons trois petites minutes de comprendre. Cette CdE n'a pas pris cette initiative sans raison. Elle n'y aurait aucun intérêt. À mon avis, elle n'a fait que transmettre, peut-être sans le dire, des plaintes de parents.

Mon enfant a trop de devoirs. C'est inadmissible. La professeur de français fait lire des livres pleins de  mots en permanence, il n'a plus le temps de glander devant son ordinateur et de parfaire son éducation sexuelle sur youporn. Croyez-vous que c'est dans Mme Bovary qu'il va comprendre les choses de la vraie vie? C'est  un scandale !

Au lieu de renvoyer calmement ces parents à leurs chères études gratuites, laïques et obligatoires en leur disant qu'elle comprenait bien mais qu'il fallait en discuter avec l'enseignante elle-même, elle a voulu jouer des épaulettes. Le syndrôme du petit chef a encore frappé.

L'enseignante aurait pu tout à fait calmement lui demander un ordre écrit. Qu'elle aurait pu contester au T.A. pour abus de pouvoir, si la CdE avait osé aller jusque là. Comme la justice est publique, on aurait pu rire un peu en lisant l'ordre en question.

En l'occurrence, oui... Je sais bien que c'est ironique de ta part, mais clairement, ça me rend fou. Autant je suis d'accord sur le principe, il ne faut pas les faire "trop" lire, parce que le "trop" est toujours nocif, mais les encourager à lire le plus possible n'a rien de scandaleux et devrait justement être promulgué.

Enfin bon...

Ajupouet a écrit:

Quelle horreur !



Et sinon, on peut toujours dire que Madame Bovary, c'est génial pour le vivre-ensemble : y a un aveugle, un pied-bot, un bureaucrate, un pas aidé et une cruche

Une fois, un CDE a osé, en conseil de classe, me dire que mes cours étaient peut être "un peu compliqués, voire élitistes". Je lui ai vertement rappelé que ses prérogatives se limitaient en la matière à signer la paperasse, et qu'en matière de cours de sciences, comme pour les autres, sa compétence était nulle.
Cela ne lui a pas fait plaisir, mais c'est ainsi "déplaire est mon vice, j'aime qu'on me haïsse".

Il y a deux ans, je devais diriger un manuel de SVT pour un nouvel éditeur. Première rédaction, un comité de "relecteurs" s'empare de l'ouvrage pour le corriger et le critiquer (jusque là rien que de très normal). Rapidement, cette publication a été annulée, l'éditeur ayant abandonné car, aux dires de certains correcteurs bien formatés IUFM, "il était impensable d'infliger à des élèves de quatrième la lecture de textes d'une quarantaine de lignes".
Le manuel abandonné vit alors le jour sous forme gratuite & libre, mais cela, c'est une autre histoire. :livre:

Attends un peu le retour espéré de Sarko, et tu vas voir si tu continues à renvoyer ton CDE qui sera alors médiévalement tout-puissant dans les cordes, Dr !

c'est désespérant, je vais devoir freiner mes élèves, j'ai des CE1 CE2 qui lisent 2 albums par semaine, je suis obligé de limiter à 3 le nombre de livres empruntés, je vais limiter à 1 et arracher des pages...
la médiocrité et le manque d'ambition seraient au pouvoir pour niveler par le bas?

Cripure a écrit:


Et sinon, on peut toujours dire que Madame Bovary, c'est génial pour le vivre-ensemble : y a un aveugle, un pied-bot, un bureaucrate, un pas aidé et une cruche

:lol:

leyade a écrit:

Cripure a écrit:


Et sinon, on peut toujours dire que Madame Bovary, c'est génial pour le vivre-ensemble : y a un aveugle, un pied-bot, un bureaucrate, un pas aidé et une cruche

:lol:

Et une cougar!

Un proviseur m'avait convoquée car il avait vu passer une bibliographie pour des terminales. Il me reprochait de proposer des ouvrages trop difficiles et donc de mettre en échec mes élèves. Je lui demandais alors ce qu'était pour lui un ouvrage trop difficile.
"Et bien, je vois des titres que j'ai moi-même lus quand j'étais au lycée ! Ce n'est pas possible, c'est trop difficile, il faut leur proposer des titres modernes, simples quoi ! " Avec lui, la reproduction des élites ne sera pas !

Tu as remplacé par Oui-Oui et Jeannot Lapin ?

Non, Sartre par les mémoires de Nabila.

coindeparadis a écrit:Non, Sartre par les mémoires de Nabila.

Tu es sûre qu'elle sait écrire*, Nabila ?


*aligner 3 syllabes pour faire u mot ...

http://www.lepoint.fr/invites-du-point/jean-paul-brighelli/education-deux-eleves-sont-venus-se-plaindre-02-12-2014-1886126_1886.php

Divers témoignages me sont parvenus, qui témoignent de pressions exercées par les chefs d'établissement pour faire rentrer les profs trop "exigeants" dans les clous du "collège pour tous" - quitte à baisser dramatiquement le niveau.

Imaginons - c'est facile, puisqu'elle existe - une enseignante de français avec quatorze ans d'expérience derrière elle en milieu difficile, dans le Midi d'abord puis dans la région parisienne. En fait, d'élèves "favorisés", elle n'en a pas vus beaucoup. Elle a l'expérience, et elle n'a jamais baissé les bras ni son seuil d'exigence. Apparemment, c'est un défaut. C'est ce qu'on lui a répété sur tous les tons, lors d'une convocation spéciale fin novembre.

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"Deux élèves sont venus se plaindre", commence le principal - que ce soit une femme ne m'incite pas pour autant à mettre le mot au féminin. "Il y a eu des parents aussi" - sans préciser lesquels : le secret est la clé des pressions ultérieures, on reste dans le flou de façon à créer un sentiment de danger diffus. "Avez-vous analysé la composition sociale des élèves de cet établissement ? Leur situation socio-familiale ne leur permet pas de fournir les efforts que pourraient faire des élèves plus favorisés. Votre rôle doit donc être de vous adapter à cette nouvelle population."