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Padre P. Lucas
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Nos grands-parents ne savaient-ils pas lire ? Réponse critique à l'historien Antoine Prost. - Page 5 Empty Re: Nos grands-parents ne savaient-ils pas lire ? Réponse critique à l'historien Antoine Prost.

par Padre P. Lucas 19.10.13 20:00
doctor who a écrit:
Ce soupçon de complicité a posteriori avec Vichy ne serait-il pas dû au présupposé selon lequel le GRIp serait de droite, voire pire ?
Non Docteur, vous minimisez l'accusation, le GRIP ne serait-il pas insidieusement anti-sémite ?
Je vous laisse, j'ai encore quelques tombes à profaner et quelques cadavres à torturer...

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adelaideaugusta
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par adelaideaugusta 21.10.13 14:15
Autre exemple :
Certificat d'études


LES EPREUVES DU CERTIF DE LA MARNE EN 1960.

LA DICTEE.

En janvier 1960, l’écrivain Albert Camus décède dans un accident de la route. Issu d’une famille modeste et illettrée, Albert Camus était toujours resté en contact avec son instituteur Louis Germain qui avait joué un rôle déterminant dans la poursuite de ses études.
L’enseignement primaire est celui qui vient en premier et pose les fondations de la construction des hommes et des femmes. Ces fondations doivent être solides.
La dictée du certificat d’études de 1960 est un extrait de « La chute » d’Albert Camus.

Texte de la dictée.

« Le soir dont je vous parle, je peux même dire que je m’ennuyais moins que jamais. Non, vraiment, je ne désirais pas que quelque chose arrivât. Et pourtant … Voyez- vous, cher monsieur, c’était un beau soir d’automne, encore tiède sur la ville, déjà humide sur la Seine. La nuit venait, le ciel était encore clair à l’ouest, mais s’assombrissait, les lampadaires brillaient faiblement. Je remontais les quais de la rive gauche vers le pont des Arts. On voyait luire le fleuve, entre les boîtes fermées des bouquinistes. Il y avait peu de monde sur les quais : Paris mangeait déjà. Je foulais les feuilles jaunes et poussiéreuses qui rappelaient encore l’été. Le ciel se remplissait peu à peu d’étoiles qu’on apercevait fugitivement en s’éloignant d’un lampadaire vers un autre. Je goûtais le silence revenu, la douceur du soir. Paris vide. J’étais content. »

Questions.

1. Donnez un titre à la dictée.
2. Sens des mots et expressions : lampadaire ; bouquinistes ; Paris vide ; qui rappelaient encore l’été.
3. Analyse des mots : clair ; fleuve (luire le fleuve) ; qu’ (qu’on apercevait) ; étoiles.
REDACTION. Choisir l’un des deux sujets.
1. On vous a donné une petite somme d’argent pour votre anniversaire en vous disant : « Tu en feras ce que tu voudras. » Comment l’avez-vous employée ?
2. Votre maman vous demande d’écrire à votre grand-frère au service militaire pour lui donner des nouvelles de la famille, du village, des travaux, de votre vie scolaire…Rédigez la lettre.
CALCUL.
I. Premier problème noté sur 8 points.
Une personne assure contre l’incendie sa maison qu’elle estime 38 000 NF (nouveaux francs), son mobilier et son linge estimés ensemble 12 500 NF. Elle s’est adressée à une compagnie d’assurance qui lui fait payer les tarifs suivants :
-assurance bâtiments : 0,60°/°°, mobilier et linge : 1°/°° (pour mille)
Quel sera le montant de la prime nette ? A cette prime s’ajoutent les impôts qui s’élèvent à 45% de la prime nette. Quel sera le montant de la prime totale à payer, impôts compris.
II. Second problème noté sur 12 points.
Trois vignerons achètent en commun un tracteur enjambeur qui leur revient, net, à 14 400 NF. Chacun paiera une partie de la valeur du tracteur proportionnellement à la superficie qu’il exploite. Le premier exploite 2,55 ha, le second 19 500 m2, le troisième 270 ares.
1. Quelle est la somme due par chacun ?
2. Pour se procurer l’argent nécessaire au versement de sa part, le premier envisage de vendre du vin. Quelle quantité de vin devra-t-il vendre à raison de 300 NF l’hl ?
3. Le second dispose d’un terrain triangulaire de 130 m de base et de 100 m de hauteur. Il a pour ce terrain, un acheteur. Combien devra-t-il vendre l’ha de ce terrain pour réunir les fonds nécessaires ?
4. Le troisième décide de recourir à l’emprunt. Il trouve un prêteur qui lui consent un taux de 6%. La moitié du capital emprunté sera remboursée au bout d’un an, avec les intérêts dus à la fin de cette première année. Le reste sera remboursé à la fin de la seconde année, au même taux.
Quel sera le montant de chaque versement ?
SCIENCES.
- Question commune. Croquis de l’œil. Quels sont les principaux défauts de la vue ? Comment y remédie-t-on ?
- Garçons en école urbaine. Comment procédez-vous pour évaluer la sensibilité d’une balance ? Contrôler sa justesse ? Sa fidélité ? Décrivez les opérations de la double pesée en joignant les croquis.
- Garçons en école rurale. Qu’est-ce qu’amender une terre ? Comment effectue-t-on un marnage ? Un chaulage ?
- Filles en école rurale ou urbaine. Quelles sont les précautions à prendre pour se servir d’un biberon et d’une tétine ? Comment feriez-vous pour préparer un biberon au lait en poudre pour un bébé de huit Jours ?

HISTOIRE.
Quels souvenirs précis d’inventions ou de découvertes utiles à l’humanité vous permettent d’évoquer chacun des noms suivants : Claude Bernard, Louis Pasteur, Pierre et Marie Curie.
GEOGRAPHIE.
Croquis du département de la Marne. Tracez : la Marne, la Seine, l’Aisne, la Vesle, la Suippe. Indiquez les trois « Côtes » (leur nom) et les grandes régions naturelles.


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phi
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par phi 21.10.13 17:28
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cliquez: de la part d'une maîtresse gripée mais pas vichyste
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cliohist
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par cliohist 22.10.13 17:52

Cliohist, vous glissez de la lecture à l'écriture
Luigi, en CP, ne mènerait-on plus de front l'apprentissage de la lecture et celui de l'écriture cursive ?
Aux USA, c'est encore un autre controverse, maintien de l'écriture en script et ou généralisation du clavier d'ordi ou de tablette :-)

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cliohist
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par cliohist 22.10.13 18:04
Répondant à une question sur sa volonté notoire de ne pas être embrigadé dans les camps qui composent le débat éducatif, M. Antoine Prost s’est appuyé sur l'exemple du fameux débat autour de la méthode globale
La question est donc bien celle de la méthode globale, une des cibles récurrentes à droite. Pouvons-nous laisser la controverse sur les méthodes aux spécialistes (de la lecture ou bien plutôt aux professionnels de la politique ...).

Antoine Prost est une cible fréquente de ce forum, notamment pour son appartenance au SGEN et pour son rôle au MEN dans les années 1980.
Lors la promotion de son dernier livre, il fait la distinction entre le temps scolaire et le temps des politiques. La gauche a laissé en 2002 les programmes Joutard, la droite a jugé urgent d'installer les siens en 2008. Et qu'en sera-t-il en 2015, 2016, 2017, 2023, 2038 ... Antoine Prost estime à raison que l'école gagnerait à échapper aux clivages partisans et aux chiffons rouges que brandissent chacun des camps.

Un désaccord néanmoins sur un détail : il juge nécessaire de laisser durer un programme, même mauvais, pour permettre aux profs d'installer des routines. En HG, les profs qui ont subi la chatelisation en première n'ont aucune envie de laisser durer le programme d'histoire, celui qui traite d'Auschwitz avant d'étudier Hitler et le nazisme.

Plusieurs citations évoquent le bon temps du Certif. La nostalgie est fréquente, mais de laquelle parle-t-on ? de Duruy et de Napoléon III ? de Ferry et de Buisson ? d'Anatole de Monzie ? de Carcopino ? de Berthoin et de Fouchet ?
http://www.inrp.fr/she/ministres.htm
A gauche, la célébration de Jules Ferry n'est pas sans poser de problèmes, tout comme l'éloge d'une autorité calquée sur le modèle militaire à droite (naguère, dans un internat de garçons, le clairon pouvait sonner le réveil à 6h30 ).

Sur l'école de la IVeme République, il faut prendre le temps de revoir les 400 coups. Truffaut est loin d'idéaliser l'école primaire de la fin des années 1950 ... http://tinyurl.com/nllvgkx

Ne pas oublier de remettre un peu d'histoire sociale : il n'y avait pas, avant 1959, une école mais au moins quatre :
- des études longues, pour les enfants de la "bourgeoisie" au Lycée (payant) de la maternelle au baccalauréat (avec latin pour les meilleurs).
"En 1928-1929, les collèges et lycées comptent 170 000 élèves, un chiffre à comparer avec les 4,6 M élèves dans les écoles primaires publiques en 1913. Le taux d'une classe d'âge obtenant le bac est de 1% en 1881, de 1.1% en 1911, de 1.6% en 1926, de 2.7% en 1936. Il est à la portée d'une très faible minorité, mais il est signe de distinctions capitales."
http://www.parisschoolofeconomics.com/grenet-julien/Memos/Institutions%2520scolaires.pdf


- des études courtes (Ecole Primaire Supérieure, Cours Complémentaire, puis CEG et CES) pour ceux qui partaient travailler à la fin de la 3eme, avec des études plus courtes encore pour ceux qui partaient bosser à 12 ans en 1935 ou 14 ans après 1936 (avec ou sans Certif).
- L'enseignement catholique (payant)
- Les écoles de filles, au moins jusqu'à la gémination (1957 dans les textes, parfois 1970 voire 1975 dans les faits)

Et ne pas fuir devant les débats et les choix politiques : certains voudraient marchandiser toute l'éducation (combien coûte l'année de Fac aux USA, pas seulement à Harvard ?), d'autres veulent déscolariser leurs enfants pour les protéger de rencontres sociales jugées dangereuses ...  
Alors face aux défis d'aujourd'hui, le retour à 1880 ou 1930 serait-il vraiment la meilleure des réponses ?

.


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par Olympias 22.10.13 18:07
Pourquoi le retour à 1880 ou 1930 ??? N'est-il donc pas possible de concevoir un système scolaire adapté au monde actuel, mais qui fonctionne bien, qui apprend à tous, sans laisser la culture humaniste sur le bord de la route ?
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par cliohist 22.10.13 18:14
1930, parce que ce sont les manuels cités et reproduits sur ce forum, 1960 les épreuves de certif mentionnées récemment. 1880, c'est la référence du PS et des médias au grand Jules.
Bien sûr qu'il faut espérer une école efficace et adaptée à la société d'aujourd'hui.

NB1 : Avant Ferry, j'ai cité Victor Duruy. J'aurais pu remonter au vicomte de Falloux et à Guizot (lui a été évoqué dans une Fabrique récente sur Louis-Philippe) ...

NB2 : La "grand sage" Olympias a changé d'avatar ...
une photo parmi qq autres : http://tapiture.com/vishnu_adriel/monica-bellucci  Wink


Dernière édition par cliohist le 22.10.13 20:58, édité 3 fois
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par Olympias 22.10.13 18:22
cliohist a écrit:1880 ou 1930, parce que ce sont les manuels ou les épreuves de certif qui sont mis en avant. Bien sûr qu'il faut espérer une école efficace et adaptée à la société d'aujourd'hui.
NB1 : Avant Ferry, j'ai cité Victor Duruy. J'aurais pu remonter au vicomte de Falloux et à Guizot
NB2 : La "grand sage" Olympias a changé d'avatar ...
Pour les manuels, j'avais saisi. Very Happy 
Falloux, Guizot, une époque où ceux qui fréquentaient l'école étaient encore moins nombreux. Tout n'était pas forcément mieux avant,  tout n'est pas forcément mieux aujourd'hui.
Le MEN aura fait un grand pas le jour où, avant de pondre une énième réforme (et toutes les circulaires archi-connes qui l'accompagne), on fera un audit sérieux et informé de tout ce qui marche TB, B, moyennement, de ce qui peut être amélioré et de ce qui ne marche pas du tout. Et le jour où il cessera de vouloir transposer en France ce qui a lamentablement échoué ailleurs ou ce qui n'est pas adapté/comparable (contexte radicalement différent).

Changement d'avatar, oui, puisque le changement qu'on attend n'est toujours pas pour maintenant...!!!!!!!!!!!
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par Paratge 22.10.13 18:46
Olympias a écrit:
Le MEN aura fait un grand pas le jour où, avant de pondre une énième réforme (et toutes les circulaires archi-connes qui l'accompagne), on fera un audit sérieux et informé de tout ce qui marche TB, B, moyennement, de ce qui peut être amélioré et de ce qui ne marche pas du tout. Et le jour où il cessera de vouloir transposer en France ce qui a lamentablement échoué ailleurs ou ce qui n'est pas adapté/comparable (contexte radicalement différent).
Ben, c'est pas demain la veille !
La "réforme" c'est forcément bon. Les réformateurs pieux sont dans l'hubris, pas question pour ces demi-savants de se poser des questions sur leurs actions, la "pratique réflexive" c'est bon pour les gueux.

Les IUFM, par exemple, n'auraient dû être généralisés qu'après une évaluation, on attend encore. Et dire qu'après certains disaient que 20 ans c'est rien pour les IUFM, on peut pôs les évaluer, voyons ! Very Happy 

Ça me rappelle la thèse de ces allumés qui disaient qu'on ne pouvait juger telle dictature car c'est toujours trop court, 12 ou 70 ans.
C'est bizarre on ne retient bêtement que les massacres. :lol:
Luigi_B
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par Luigi_B 22.10.13 19:16
cliohist a écrit:Luigi, en CP, ne mènerait-on plus de front l'apprentissage de la lecture et celui de l'écriture cursive ?
Aux USA, c'est encore un autre controverse, maintien de l'écriture en script et ou généralisation du clavier d'ordi ou de tablette :-)
Bien sûr que l'un ne va pas sans l'autre mais il n'en reste pas moins que savoir lire n'est pas savoir écrire.

Il serait effectivement problématique d'apprendre à écrire sur des claviers puisque c'est le geste du dessin de chaque lettre qui permet aux élèves d'apprendre les identifier : je parle sous le contrôle des PE.

Heureusement la controverse aux États-Unis n'est pas tout à fait celle que l'on croit, du fait de traductions un peu hâtives. Il s'agit, dans certains États, de renoncer à la cursive au profit de la seule écriture en script : mais il ne s'agit pas de supprimer l'écriture manuscrite au profit de la frappe au clavier. Wink

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par Spinoza1670 22.10.13 19:31
cliohist a écrit:
Répondant à une question sur sa volonté notoire de ne pas être embrigadé dans les camps qui composent le débat éducatif, M. Antoine Prost s’est appuyé sur l'exemple du fameux débat autour de la méthode globale
La question est donc bien celle de la méthode globale, une des cibles récurrentes à droite. Pouvons-nous laisser la controverse sur les méthodes aux spécialistes (de la lecture ou bien plutôt aux professionnels de la politique ...).

Antoine Prost est une cible fréquente de ce forum, notamment pour son appartenance au SGEN et pour son rôle au MEN dans les années 1980.
Lors la promotion de son dernier livre, il fait la distinction entre le temps scolaire et le temps des politiques. La gauche a laissé en 2002 les programmes Joutard, la droite a jugé urgent d'installer les siens en 2008. Et qu'en sera-t-il en 2015, 2016, 2017, 2023, 2038 ... Antoine Prost estime à raison que l'école gagnerait à échapper aux clivages partisans et aux chiffons rouges que brandissent chacun des camps.

Un désaccord néanmoins sur un détail : il juge nécessaire de laisser durer un programme, même mauvais, pour permettre aux profs d'installer des routines. En HG, les profs qui ont subi la chatelisation en première n'ont aucune envie de laisser durer le programme d'histoire, celui qui traite d'Auschwitz avant d'étudier Hitler et le nazisme.

Plusieurs citations évoquent le bon temps du Certif. La nostalgie est fréquente, mais de laquelle parle-t-on ? de Duruy et de Napoléon III ? de Ferry et de Buisson ? d'Anatole de Monzie ? de Carcopino ? de Berthoin et de Fouchet ?
http://www.inrp.fr/she/ministres.htm
A gauche, la célébration de Jules Ferry n'est pas sans poser de problèmes, tout comme l'éloge d'une autorité calquée sur le modèle militaire à droite (naguère, dans un internat de garçons, le clairon pouvait sonner le réveil à 6h30 ).

Sur l'école de la IVeme République, il faut prendre le temps de revoir les 400 coups. Truffaut est loin d'idéaliser l'école primaire de la fin des années 1950 ... http://tinyurl.com/nllvgkx

Ne pas oublier de remettre un peu d'histoire sociale : il n'y avait pas, avant 1959, une école mais au moins quatre :
- des études longues, au Lycée (payant) de la maternelle au baccalauréat (avec latin pour les meilleurs)
- des études courtes (Ecole Primaire Supérieure, Cours Complémentaire, puis CEG et CES) pour ceux qui partaient travailler à la fin de la 3eme, avec des études plus courtes encore pour ceux qui partaient bosser à 12 ans en 1935 ou 14 ans après 1936 (avec ou sans Certif).
- L'enseignement catholique (payant)
- Les écoles de filles, au moins jusqu'à la gémination (1957 dans les textes, parfois 1970 voire 1975 dans les faits)

Et ne pas fuir devant les débats et les choix politiques : certains voudraient marchandiser toute l'éducation (combien coûte l'année de Fac aux USA, pas seulement à Harvard ?), d'autres veulent déscolariser leurs enfants pour les protéger de rencontres sociales jugées dangereuses ...  
Alors face aux défis d'aujourd'hui, le retour à 1880 ou 1930 serait-il vraiment la meilleure des réponses ?

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Médite ce que tu as écrit : "Antoine Prost estime à raison que l'école gagnerait à échapper aux clivages partisans et aux chiffons rouges que brandissent chacun des camps."

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par retraitée 22.10.13 19:33
Où êtes-vous allé chercher que le lycée était payant avant 59 ? j'y suis entrée en 1957, et mes parents ne payaient que les frais d'internat. Si j'avais été externe, je n'aurais rien payé!
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par retraitée 22.10.13 19:41
des études longues, au Lycée (payant) de la maternelle au baccalauréat (avec latin pour les meilleurs)
- des études courtes (Ecole Primaire Supérieure, Cours Complémentaire, puis CEG et CES) pour ceux qui partaient travailler à la fin de la 3eme, avec des études plus courtes encore pour ceux qui partaient bosser à 12 ans en 1935 ou 14 ans après 1936 (avec ou sans Certif).

Je m'inscris en faux. Après la 3e du CC, nombre d'élèves poursuivaient leurs études, en Centre d'apprentissage (actuel LP) jusqu'au BEP ou plus longtemps, ou concours d'entrée à l'École normale. Un de mes anciens collègues, qui a dépassé 90 ans, et est donc né avant 1924, a fini professeur de Math Spé, agrégé de maths, sans avoir passé le Bac ; il détenait le Brevet Supérieur (équivalent du bac, qui se préparait à l'École Normale). En retraite, il a voulu faire du Droit, et une secrétaire idiote prétendait lui refuser l'inscription sous prétexte qu'il n'avait pas le bac! Heureusement, cela s'est arrangé, mais il en a longtemps ri!

Et avec un CAP de l'époque, on avait un excellent niveau !
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par Luigi_B 22.10.13 19:51
cliohist a écrit:Lors la promotion de son dernier livre, il fait la distinction entre le temps scolaire et le temps des politiques. La gauche a laissé en 2002 les programmes Joutard, la droite a jugé urgent d'installer les siens en 2008.
Il faut quand même rappeler que la gauche était au pouvoir depuis 1997 quand les programmes de 2002 furent appliqués. Difficile de croire qu'ils ont été conçus par la droite.

Philippe Joutard lui-même explique comment il a été contacté par Jack Lang :

J’aimerais que vous reveniez sur la façon dont les programmes de primaire de 2002 ont été écrits : Comment avez-vous été contacté par le ministère ? [...]

Philippe Joutard (PJ) : « J’avais été contacté une première fois par Jack Lang et son cabinet pour une mission sur le devenir du collège. À ce moment-là, on se posait une fois de plus la question du devenir de ce collège. Donc, dans un premier temps, j’avais constitué une petite équipe sur le collège. Il se trouve que celui qui avait été pressenti pour diriger le groupe du primaire, n’a pas pu le faire. Je travaillais depuis deux ou trois mois quand le Ministre et son cabinet m’ont demandé de m’occuper également de l’école primaire. Dans un premier temps, j’étais un  peu surpris. Ils m’ont dit que, dans la mesure où je m’occupais du collège, donc d’élèves qui venaient du primaire, le lien était fait entre école et collège.
Source : http://aggiornamento.hypotheses.org/487

On constate aujourd'hui le même empressement à revenir sur les programmes de 2008 dans le primaire... cinq ans seulement après leur mise en place.

Effectivement un peu de recul serait nécessaire...

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par cliohist 22.10.13 20:55
Un de mes anciens collègues, qui a dépassé 90 ans, et est donc né avant 1924, a fini professeur de Math Spé, agrégé de maths, sans avoir passé le Bac
Merci pour cette exception. C'est aussi le circuit suivi par Pierre Goubert, l'historien de Louis XIV et de vingt millions de Français ... Lui est passé par l'ENS de Saint-Cloud. Mais c'est l'exception qui empêche de voir que beaucoup d'élèves s'arrêtaient avant, et aller travailler très tôt. Avec parfois des réussites très supérieures à celle d'un agrégé.

Il faut quand même rappeler que la gauche était au pouvoir depuis 1997 quand les programmes de 2002 furent appliqués. Difficile de croire qu'ils ont été conçus par la droite.
Luigi, je ne crois pas avoir écrit le contraire. La différence, c'est que 2002, c'est la fin et l'échec de Jospin alors que 2008, c'est le début du (premier) quinquennat de NS.
Nous savons aussi tous que chaque ministre arrive en affirmant très fort qu'aucune réforme ne portera son nom, mais que tous veulent laisser des traces. L'un d'eux a commencé dans l'ombre de Bayrou en 1995 avant de finir à l'Académie en 2013 ...
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par Spinoza1670 22.10.13 21:54
Doctor Who a écrit:

Je remets en spoiler la citation in extenso de la première intervention de doctor who.
Est-ce que la lecture de cliohist est la bonne ?
cliohist a écrit:
Répondant à une question sur sa volonté notoire de ne pas être embrigadé dans les camps qui composent le débat éducatif, M. Antoine Prost s’est appuyé sur l'exemple du fameux débat autour de la méthode globale
La question est donc bien celle de la méthode globale, une des cibles récurrentes à droite. Pouvons-nous laisser la controverse sur les méthodes aux spécialistes (de la lecture ou bien plutôt aux professionnels de la politique...).

Antoine Prost est une cible fréquente de ce forum, notamment pour son appartenance au SGEN et pour son rôle au MEN dans les années 1980.
(...)
Pas du tout, encore une fois.
- La question n'est pas celle de la méthode globale.
- La cible n'est pas tant Antoine Prost que l'usage fallacieux qui est fait très souvent d'une citation frappante - les interventions d'Antoine Prost ne sont que des exemples. A. Prost n'a certes pas été choisi au hasard. Historien de l'éducation, il est censé avoir une vision objective du passé.

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par Paratge 23.10.13 10:14
Allez, on rabâche :

Une étude américaine (National Reading Panel) menée en 1998-1999 permet cependant d’y voir plus clair. Après examen d’une grande diversité de recherches disponibles, ses auteurs ont sélectionné, sur la base de critères méthodologiques précis, 38 enquêtes dont les données agrégées conduisent à conclure qu’un enseignement phonique systématique
– est plus efficace (et d’autant plus efficace qu’il s’agit d’élèves issus des milieux les moins favorisés) qu’un enseignement phonique non systématique, a fortiori qu’un enseignement non phonique ;
– qu’il est d’autant plus efficace qu’on le démarre tôt ;
– et qu’il est plus efficace non seulement du point de vue du déchiffrage, mais également du point de vue de la… compréhension.
Cette étude confirme la moindre efficacité des approches purement globales, qui n’enseignent pas les correspondances entre les sons de la langue et les signes écrits, mais conjuguent la mémorisation de la graphie des mots et l’identification des mots non mémorisés par le sens de la phrase (« lecture-devinette »). On ne s’en étonnera pas : il paraît tout à fait illogique, et particulièrement dispendieux en termes de surcharge mémorielle, d’appliquer au déchiffrement d’une écriture alphabétique la méthode de lecture qu’imposent les écritures idéographiques et qui procède, elle, par identification des mots et non des lettres.
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par doctor who 23.10.13 10:50
cliohist a écrit:
Répondant à une question sur sa volonté notoire de ne pas être embrigadé dans les camps qui composent le débat éducatif, M. Antoine Prost s’est appuyé sur l'exemple du fameux débat autour de la méthode globale
La question est donc bien celle de la méthode globale, une des cibles récurrentes à droite. Pouvons-nous laisser la controverse sur les méthodes aux spécialistes (de la lecture ou bien plutôt aux professionnels de la politique ...).

Antoine Prost est une cible fréquente de ce forum, notamment pour son appartenance au SGEN et pour son rôle au MEN dans les années 1980.
Lors la promotion de son dernier livre, il fait la distinction entre le temps scolaire et le temps des politiques. La gauche a laissé en 2002 les programmes Joutard, la droite a jugé urgent d'installer les siens en 2008. Et qu'en sera-t-il en 2015, 2016, 2017, 2023, 2038 ... Antoine Prost estime à raison que l'école gagnerait à échapper aux clivages partisans et aux chiffons rouges que brandissent chacun des camps.

Un désaccord néanmoins sur un détail : il juge nécessaire de laisser durer un programme, même mauvais, pour permettre aux profs d'installer des routines. En HG, les profs qui ont subi la chatelisation en première n'ont aucune envie de laisser durer le programme d'histoire, celui qui traite d'Auschwitz avant d'étudier Hitler et le nazisme.

Plusieurs citations évoquent le bon temps du Certif. La nostalgie est fréquente, mais de laquelle parle-t-on ? de Duruy et de Napoléon III ? de Ferry et de Buisson ? d'Anatole de Monzie ? de Carcopino ? de Berthoin et de Fouchet ?
http://www.inrp.fr/she/ministres.htm
A gauche, la célébration de Jules Ferry n'est pas sans poser de problèmes, tout comme l'éloge d'une autorité calquée sur le modèle militaire à droite (naguère, dans un internat de garçons, le clairon pouvait sonner le réveil à 6h30 ).

Sur l'école de la IVeme République, il faut prendre le temps de revoir les 400 coups. Truffaut est loin d'idéaliser l'école primaire de la fin des années 1950 ... http://tinyurl.com/nllvgkx

Ne pas oublier de remettre un peu d'histoire sociale : il n'y avait pas, avant 1959, une école mais au moins quatre :
- des études longues, pour les enfants de la "bourgeoisie" au Lycée (payant) de la maternelle au baccalauréat (avec latin pour les meilleurs).  
"En 1928-1929, les collèges et lycées comptent 170 000 élèves, un chiffre à comparer avec les 4,6 M élèves dans les écoles primaires publiques en 1913. Le taux d'une classe d'âge obtenant le bac est de 1% en 1881, de 1.1% en 1911, de 1.6% en 1926, de 2.7% en 1936. Il est à la portée d'une très faible minorité, mais il est signe de distinctions capitales."
http://www.parisschoolofeconomics.com/grenet-julien/Memos/Institutions%2520scolaires.pdf


- des études courtes (Ecole Primaire Supérieure, Cours Complémentaire, puis CEG et CES) pour ceux qui partaient travailler à la fin de la 3eme, avec des études plus courtes encore pour ceux qui partaient bosser à 12 ans en 1935 ou 14 ans après 1936 (avec ou sans Certif).
- L'enseignement catholique (payant)
- Les écoles de filles, au moins jusqu'à la gémination (1957 dans les textes, parfois 1970 voire 1975 dans les faits)

Et ne pas fuir devant les débats et les choix politiques : certains voudraient marchandiser toute l'éducation (combien coûte l'année de Fac aux USA, pas seulement à Harvard ?), d'autres veulent déscolariser leurs enfants pour les protéger de rencontres sociales jugées dangereuses ...  
Alors face aux défis d'aujourd'hui, le retour à 1880 ou 1930 serait-il vraiment la meilleure des réponses ?

.
Merci pour ta réponse qui acte deux choses :
- tu ne remets pas en cause mon analyse de l'erreur de Prost concernant la citation de Jean Zay. On est donc d'accord sur le fait qu'on ne peut pas dire qu'en 1938, la majorité des élèves ne savait pas bien lire à la fin de la scolarité élémentaire.
- tu ne reviens pas sur tes accusations sans fondement me concernant, ou concernant le GRIP, et ma (notre) prétendue continuation du boulot de Vichy à l'endroit de Jean Zay.

Sur Prost
Je n'ai rien contre lui. Comme le dit Spinoza (celui du forum), c'était l'exemple le plus frappant d'une certaine inconséquence d'analyse, à l'oeuvre même chez le plus fameux historien de l'éducation français.

Sur le "bon vieux temps du certif"
C'est toi qui utilises cette expression. Il est facile de me taxer de nostalgie au moment où je ne fais que tenter de saper un des piliers du discours de ceux qui critiquent l'école d'avant les années 60. Mais je ne me sens pas visé.
Il peut m'arriver d'être nostalgique de cette époque que je n'ai pas connue, mais dans ce cas, j'argumente.
Dans mon article sur Jean Zay, il faudra me dire où la raison se laisse berner par les sentiments.


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par doctor who 23.10.13 11:34
Sur le détail

cliohist a écrit:
doctor who a écrit:Répondant à une question sur sa volonté notoire de ne pas être embrigadé dans les camps qui composent le débat éducatif, M. Antoine Prost s’est appuyé sur l'exemple du fameux débat autour de la méthode globale
La question est donc bien celle de la méthode globale, une des cibles récurrentes à droite. Pouvons-nous laisser la controverse sur les méthodes aux spécialistes (de la lecture ou bien plutôt aux professionnels de la politique ...).
Eh non. Voir la quatrième partie de mon article, où je montre que la critique de Zay porte sur l'apprentissage post-préparatoire de la lecture, c'est-à-dire au CE, et non sur celui qui avait cours, à l'époque, au CP. La méthode globale n'a rien à voir là-dedans, et n'est effectivement qu'un chiffon rouge, que Prost lui-même agite. Il fait semblant de renvoyer le débat au rencard, puis montre tranquillement que la méthode traditionnelle échouait. Sur la méthode globale : motus.

cliohist a écrit:
Plusieurs citations évoquent le bon temps du Certif. La nostalgie est fréquente, mais de laquelle parle-t-on ? de Duruy et de Napoléon III ? de Ferry et de Buisson ? d'Anatole de Monzie ? de Carcopino ? de Berthoin et de Fouchet ?
http://www.inrp.fr/she/ministres.htm
A gauche, la célébration de Jules Ferry n'est pas sans poser de problèmes, tout comme l'éloge d'une autorité calquée sur le modèle militaire à droite (naguère, dans un internat de garçons, le clairon pouvait sonner le réveil à 6h30 ).
La liste des responsables successifs de l'école à laquelle tu me renvoies peut faire l'objet de plusieurs critiques (en plus de la dose de cuistrerie dont elle fait montre) :
- Tu mélanges les torchons et les serviettes. Buisson et Duruy sur le même plan que Carcopino ?
- Tu réduis ma position à une nostalgie irraisonnée pour un passé indifférencié, pour ensuite me renvoyer à la diversité de l'école passée, que je n'ignore naturellement pas. Stratégie peu respectueuse de l'adversaire.
- La diversité politique que tu pointes masque la profonde unité de ce moment de l'histoire du système scolaire français, celle de principes pédagogiques importés d'Allemagne et de Suisse sous Napoléon III, généralisés progressivement jusque dans les années 60.
- Symétriquement, tu oublies de noter la grande rupture qui a lieu au niveau de l'architecture du système scolaire : la suppression par Carcopino des EPS, ces "collèges du peuple" (Chapoulie). La démocratisation de l'éducation post-élémentaire qui a lieu dès l'après-guerre s'est faite sur le cadavre d'une tentative originale et résolument opposée aux lycées napoléoniens, qui a fait long feu, sans doute à cause de la concurrence qu'elle faisait à ses derniers. Dès la fin de la première moitié du XXe siècle, il y avait plus d'élèves dans la branche post-élémentaire de l'école primaire que dans les lycées.

cliohist a écrit:Sur l'école de la IVeme République, il faut prendre le temps de revoir les 400 coups. Truffaut est loin d'idéaliser l'école primaire de la fin des années 1950 ... http://tinyurl.com/nllvgkx
Personne ne nie qu'il y avait une tendance autoritaire et dogmatique dans l'école primaire d'autrefois. Mais elle était combattue dans les principes et dans la pratique, dans les programmes, les manuels, les Ecoles normales, etc.
En outre, était-ce l'école des années 50 qui était telle ? La société était-elle plus ouverte ?
Il me semble avoir rappelé ailleurs que 100000 élèves avaient le niveau 6e en 1957 mais n'allaient pas en 6e. N'est-ce pas parce que les capacités éducatives de l'école étaient en avance sur la société, qui n'était pas prête à accepter la scolarité post-élémentaire d'une telle masse de jeunes élèves issus des classes populaires ? Et quand je dis la société, je pense à la fois aux élites de l'époque, aux familles de ces élèves, et pourquoi pas au système scolaire lui-même.  


cliohist a écrit:Ne pas oublier de remettre un peu d'histoire sociale : il n'y avait pas, avant 1959, une école mais au moins quatre :
- des études longues, pour les enfants de la "bourgeoisie" au Lycée (payant) de la maternelle au baccalauréat (avec latin pour les meilleurs).  
"En 1928-1929, les collèges et lycées comptent 170 000 élèves, un chiffre à comparer avec les 4,6 M élèves dans les écoles primaires publiques en 1913. Le taux d'une classe d'âge obtenant le bac est de 1% en 1881, de 1.1% en 1911, de 1.6% en 1926, de 2.7% en 1936. Il est à la portée d'une très faible minorité, mais il est signe de distinctions capitales."
http://www.parisschoolofeconomics.com/grenet-julien/Memos/Institutions%2520scolaires.pdf


- des études courtes (Ecole Primaire Supérieure, Cours Complémentaire, puis CEG et CES) pour ceux qui partaient travailler à la fin de la 3eme, avec des études plus courtes encore pour ceux qui partaient bosser à 12 ans en 1935 ou 14 ans après 1936 (avec ou sans Certif).
- L'enseignement catholique (payant)
- Les écoles de filles, au moins jusqu'à la gémination (1957 dans les textes, parfois 1970 voire 1975 dans les faits)
Tu ne peux pas évaluer la démocratisation du système scolaire avec les seuls titulaires du baccalauréat. C'est plaquer sur le passé des critères qui sont les nôtres. Pense en premier aux élèves de 14-16 ans, et tu verras de spectaculaires progrès au cours du XXe siècle, et avant la "massification".
Le lycée ne peut pas être le point de repère de ta critique. Son enseignement n'était pas meilleur, voir moins bon dans les matières techniques et scientifiques, que dans les EPS et les cours complémentaires.


cliohist a écrit:Alors face aux défis d'aujourd'hui, le retour à 1880 ou 1930 serait-il vraiment la meilleure des réponses ?
Dans l'absolu, pourquoi pas ? Le rejet des solutions du passé est une forme de dogmatisme, une forme inversée de la réaction.
En l'occurrence, ni moi ni le GRIP ne voulons "revenir" à quoi que ce soit. Il s'agit de refaire l'inventaire à nouveau frais, qui a été truqué dans les années 60-70, et d'en tirer le meilleur.


Dernière édition par doctor who le 23.10.13 20:19, édité 2 fois

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par egomet 23.10.13 11:54
Paratge a écrit:Allez, on rabâche :

Une étude américaine (National Reading Panel) menée en 1998-1999 permet cependant d’y voir plus clair. Après examen d’une grande diversité de recherches disponibles, ses auteurs ont sélectionné, sur la base de critères méthodologiques précis, 38 enquêtes dont les données agrégées conduisent à conclure qu’un enseignement phonique systématique
– est plus efficace (et d’autant plus efficace qu’il s’agit d’élèves issus des milieux les moins favorisés) qu’un enseignement phonique non systématique, a fortiori qu’un enseignement non phonique ;
– qu’il est d’autant plus efficace qu’on le démarre tôt ;
– et qu’il est plus efficace non seulement du point de vue du déchiffrage, mais également du point de vue de la… compréhension.
Cette étude confirme la moindre efficacité des approches purement globales, qui n’enseignent pas les correspondances entre les sons de la langue et les signes écrits, mais conjuguent la mémorisation de la graphie des mots et l’identification des mots non mémorisés par le sens de la phrase (« lecture-devinette »). On ne s’en étonnera pas : il paraît tout à fait illogique, et particulièrement dispendieux en termes de surcharge mémorielle, d’appliquer au déchiffrement d’une écriture alphabétique la méthode de lecture qu’imposent les écritures idéographiques et qui procède, elle, par identification des mots et non des lettres.
La pédagogie, c'est la répétition. professeur  Faut être patient.

Je précise que les écritures idéographiques elles-mêmes s'enseignent de façon très structurée. En Chine, on apprend très précisément les différents éléments qui composent un idéogramme, on doit tracer les traits dans un ordre prédéfini. C'est très important, parce que c'est ce qui permet de retrouver les "clés" dans un dictionnaire et de ne pas confondre des idéogrammes qui se ressemblent. J'ajoute que ça permet de jouer sur une sorte d'étymologie graphique, lorsqu'on est attentif aux différents éléments d'un signe complexe. La "paix" est la combinaison du "toit" et de la "femme", par exemple. Là-bas aussi, on apprend la lecture en écrivant.

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par cliohist 23.10.13 20:55
Heureusement la controverse aux États-Unis n'est pas tout à fait celle que l'on croit, du fait de traductions un peu hâtives
Is Cursive Dead ? NYT April 30, 2013
dont - Let It Die. It’s Already Dying
Morgan Polikoff : "Teachers would be better off focusing on the skills that will impact student success -- including printing and typing, not cursive".
http://www.nytimes.com/roomfordebate/2013/04/30/should-schools-require-children-to-learn-cursive

The Case for Cursive, By KATIE ZEZIMA, NYT, April 27, 2011
http://www.nytimes.com/2011/04/28/us/28cursive.html

Aux Etats-Unis, l’écriture sur la touche
Dans Libération du 24.09.2013, Lorraine Millot a consacré deux pages au sujet
http://www.liberation.fr/monde/2013/09/24/etats-unis-l-ecriture-sur-la-touche_934379

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par Luigi_B 23.10.13 21:45
cliohist, lisez plus attentivement les articles que vous citez ! Razz 

Ne confondez plus écriture cursive (dite en attaché) et écriture manuscrite, laquelle est enseignée généralement sous deux formes : cursive (assez prisée en France) et scripte (assez prisée aux Etats-Unis).

Nos grands-parents ne savaient-ils pas lire ? Réponse critique à l'historien Antoine Prost. - Page 5 Ecriture

La phrase de Morgan Polikoff montre bien que la cursive semble moins importante que la frappe au clavier... mais pas l'écriture manuscrite. Rolling Eyes 

Quant à l'article de Lorraine Millot, son titre est un peu idiot puisque contredit par son contenu :
Les belles lettres rondes et attachées qu’on enseigne en France dès la maternelle sont en voie de disparition aux Etats-Unis, et avec elles, peut-être, toutes formes d’écriture manuscrite.
Rassurez-vous, la confusion sur la réception de ces informations en France a été très répandue. :lol:

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par Paratge 23.10.13 22:00
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par Luigi_B 23.10.13 22:07
"Courrier International" galope comme les autres ! :lol: 

http://www.courrierinternational.com/article/2013/09/18/la-fin-de-l-ecriture

Les claviers remplacent peu à peu les stylos. Les adultes oublient comment écrire. Dans 45 Etats américains, l’apprentissage de l’écriture cursive ne sera même plus obligatoire à l’école primaire à partir de 2015.
Ces 45 États ne rendront plus l'écriture cursive obligatoire, mais n'abandonneront pas pour autant l'écriture manuscrite. D'ailleurs certains États y ont finalement renoncé, comme la Californie, pays de la... Silicon Valley. cheers 

Maintenant on peut parler de la disparition progressive des usages de l'écriture manuscrite chez les adultes mais c'est un autre sujet que l'abandon de son enseignement. La confusion doit avoir de quelque chose de vendeur pour les marchands de papier.

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par Luigi_B 23.10.13 22:12
Paratge a écrit:Nos grands-parents ne savaient-ils pas lire ? Réponse critique à l'historien Antoine Prost. - Page 5 Couv1111
"Le clavier triomphe". Illustration : une tablette... Razz 

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par cliohist 24.10.13 11:28
cliohist, lisez plus attentivement les articles que vous citez !
Ce qui est excellent avec un prof, surtout s'il joue le rôle de polémiste professionnel dans les médias, c'est qu'il sait tourner tous les arguments à son avantage (je crois savoir faire). Et quand Luigi veut cogner contre le numérique, l'écran ou le clavier, il sait aussi se montrer de mauvaise foi. Lorraine Millot parle de cursive, de script ET de clavier. Elle termine même par un jugement sur le niveau (les élèves états-uniens) qui baisse, un thème qui se porte bien habituellement sur ce forum ...


Peillon a tort de ne pas lire davantage Neoprofs. Il pourrait se faire livrer des solutions clés en main ... qui bien entendu n'auraient pas d'effets pervers. L'école des 400 coups ne menait jamais aux centres d'observation et autres maisons de redressement.
Pour ajouter un peu de poil à gratter, un texte de Samuel Gontier - (oh, c'est Télérama n° 3328, et un texte déjà en ligne) !
http://television.telerama.fr/television/peillon-au-coin,104003.php
Les nostalgiques repéreront d'emblée "M6 diffusait l'ultime épisode de Retour au pensionnat à la campagne, lundi dernier. Trop tard pour le voir avant d'écrire cette chronique". Pas la morale, les corvées, ni les matières désuètes...
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