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Padre P. Lucas
Niveau 10

De l'écoute des sons à la lecture seul? - Page 2 Empty Re: De l'écoute des sons à la lecture seul?

par Padre P. Lucas Dim 29 Mar 2015 - 11:11
fontanges a écrit:
C'est cela qui m'étonne, ce départ global, ce n'est pas ce qui est à proscrire absolument le global?
Catherine Huby avait déjà répondu à cette question sur un autre fil (je ne sais plus lequel), je reproduis sa réponse
Catherine Huby a écrit:Je poste un long message (que je suis en train de rédiger) en plusieurs fois, pour des raisons de commodités d’écriture (je préfère rédiger ailleurs et copier-coller depuis que le forum m’a avalé un message presque fini que je n’ai pas pu retrouver) et de lecture.
Que ceux qui souhaitent réagir entre deux envois ne se gênent pas, même si du coup la suite de mon message risque de faire un peu décalé…

@Louis Barthas

Oui, tu as raison, c’est du déjà vu. Et tu tapes dans le bon créneau lorsque tu parles de Daniel et Valérie ou encore de méthode mixte, bien que je préfère le nom de méthode analytique à (très) court départ global depuis qu’on a appelé ainsi par extension toutes sortes de méthodes aussi éloignées les unes des autres que Taoki l’est de Rue des Contes, ou que Mico mon petit ours l’est de Poucet et son ami l’écureuil !

Donc, Daniel et Valérie, si tu veux. Nous comparerons donc les deux premières leçons, si tu le veux bien.
La forme (mais on verra très vite que le fond est tributaire de cette forme et cette forme prétexte à ce fond) est la même, exactement et c’est normal puisque je me suis inspirée comme les auteurs de Gafi, Ratus, Rue des Contes, Taoki et bien d’autres de cette mise en page traditionnelle du manuel de lecture à laquelle même de nombreux manuels « syllabiques » n’échappent pas, Boscher pour le premier.
Pour témoins ces quelques extraits de la préface de sa méthode La Journée des Tout Petits (je me permets de souligner dans la citation quelques petites choses bien distrayantes et largement aussi provocatrices pour les syllabistes convaincus que mes boutades personnelles) :

2° Lecture de la gravure. - Exercice d’observation, d’élocution et de langage. Le maître dirige l’exercice : les propositions sont énoncées et corrigées par les élèves.
3° Exercices de lecture. - Matériel : a) pour l’élève : La Journée des Tout Petits et les lettres mobiles Boscher ; b) pour le maître : craies de couleur ; jeux de lecture : grandes lettres mobiles, étiquettes mobiles (mots et dessins) [matériel non édité]
Au cours de l’étude de la gravure les mots refermant le son ou la lettre à étudier (mots qui se trouvent dans les textes de la Journée) sont écrits au tableau noir dans l’ordre de la découverte dans l’orde de la découverte par les élèves. Le son, rattaché à un dessin, est ensuite isolé, étudié, comparé (u et i ; m et n ; d et t ; b et d ; on et ou, etc.).

Extraordinaire, non ? Boscher, le Mathurin Boscher champion de la syllabique, conseille dans sa préface, de partir des propositions des élèves, de les écrire au tableau, tout comme il écrit d’ailleurs dans sa méthode une courte proposition qui sert de titre à l’illustration ! Et tout cela dès le début, lorsque les élèves sont censés ne rien savoir lire ni écrire !
Et pour quoi en faire de ces mots ou cette courte phrase ? Pour les analyser, forcément partiellement les premiers jours, et en tirer les lettres qui sont l’objet de l’étude du jour !
Exactement comme le remarquait Sapotille (mon amie C. Goldschmidt) hier : « J'ai cette façon de découvrir d'abord le nouveau son grâce à un dessin qui illustre une petite histoire... De cette histoire, on tire le son étudié que l'on décortique en syllabes, elles même étudiées et réutilisées pour refaire des mots qui permettront de faire des phrases nouvelles... » avant de se souvenir un peu plus tard : « Ceci est issu de ma minuscule formation dispensée par une conseillère pédagogique ... Et Mico fonctionne de cette façon !!! »
(C'est normal, chère Sapotille, c'est ainsi que les instituteurs et institutrices apprenaient à apprendre à lire et à écrire à leurs élèves, et ce depuis les débuts de l'École Publique ! Sur les conseils de F. Buisson, de P. Kergomard, de tous ceux qu'on a appelés "les pères fondateurs de l'enseignement public". Je suis sûre que Doctor Who (Pierre Jacolino), qui a l'air bien mieux organisé que moi, va vous trouver quelques liens ou citations justifiant ce choix)

La forme est donc celle de tous les manuels qui, comme le disait encore Sapotille hier, ont une phase de découverte :
« Avec Bien lire et Aimer Lire, je pense que l'on présente le nouveau son, un peu du style "Aujourd'hui, mes enfants, nous allons apprendre le "f"... " et on travaille...
Avec ce que tu présentes-là, il y a une phase de découverte.
Et c'est amusant d'ailleurs de voir que les enfants prennent l'habitude de chercher la nouveauté dans la nouvelle phrase ou le nouveau petit texte qui annonce cette nouveauté ...
Un peu comme un jeu de piste qui permet de découvrir un trésor!!! »

Finalement, je me demande si je n’aurais pas mieux fait de faire un comparatif de Boscher et de ma méthode ! Ce serait allé plus vite puisque j’aurais pu m’arrêter là en concluant : Eh bien voilà ! Circulez, il n’y a rien à voir ! Comme le dit l’ami Mathurin dans sa préface :

… en pédagogie, il n’y a rien d’absolu et les meilleurs procédés sont ceux qui donnent les résultats les plus rapides et les plus solides avec le plus grand nombre d’élèves.

CQFD !

Mais revenons-en à Daniel et Valérie et comparons le fond puisque le problème de la forme est réglé.

DANIEL ET VALÉRIE (1964)
Analyse de la première leçon
(pages 4 et 5)

1° Lecture de la gravure. L’illustration présente une cour de ferme où sont déjà présents tous les éléments qui serviront de prétexte aux premières « dictées à l’adulte » qui donneront lieu aux premières analyses de mots, aux premiers apprentissages de lettres, aux premières combinaisons de celles-ci en vue d’obtenir de nouveaux mots.
Les deux petits héros de la méthode, Valérie et Daniel, sont là, au premier plan ; ils jouent à la balle. À leur gauche, un peu en retrait on voit la niche de leur fidèle compagnon, Bobi, qui apparaîtra trottant en leçon 2 et au fond, on distingue la mule, dans l’écurie, telle qu’on la retrouvera en leçon 4. À droite de l’image, derrière le mur de clôture de la cour de a ferme, on peut contempler le décor des leçons 7 à 19 : le pré et la rivière.
On trouve bien là les éléments chers aux tenants des méthodes dites intuitives : préparer le terrain, le baliser, le jalonner puis le faire observer sur toutes ses coutures et s’en servir pour en tirer des généralités, énoncées par les élèves eux-mêmes. La fameuse phase de découverte présentée comme une chasse au trésor (oserai-je parler de Champollion, après le tort qu’Eveline Charmeux lui a fait, à ce pauvre homme ?).

Mon pauvre chat de Picasso, bien que d’une meilleure qualité artistique, fait pâle figure pédagogique à côté d’une telle maîtrise de l’art d’amener les élèves exactement là où l’on veut qu’ils aillent…

Mais on verra que je me rattrape par la suite, du moins, je l’espère.
Nous, les déjà retraités ou presque (Le Bris a pris sa retraite juste là, début juillet 2011), nous gardons de notre formation des années 1970 une très mauvaise image de ce Daniel et Valérie, dénigré par nos formateurs comme « pas assez global », « castrateur de créativité », « défiant des capacités des élèves » !
Et même si je cherche à en réhabiliter la démarche, porteuse à la fois de son et de sens, j’ai encore dans la tête cette petite musique, serinée à longueur de conférences pédagogiques ! Charmeux nous y avait même expliqué doctement que cette méthode et ses semblables, Rémi et Colette en l’occurrence, rendaient racistes ! Si, si !
C’est tellement bien ancré qu’il m’a fallu presque vingt ans de Borel Maisonny pour me dire qu’après tout, si ces méthodes avaient appris à lire à tant d’enfants, dont bon nombre de mes amis, mon père dont je viens de retrouver les cahiers de maternelle (puisque, dans les années 1930 à 1970, on commençait à apprendre à lire en Grande Section), mon frère, ma sœur et moi, c’est qu’elles avaient peut-être leurs avantages !

2° Exercices de lecture.

a) La phrase de base.
valérie joue avec daniel.

Cette phrase, écrite sans majuscules, est reproduite en écriture cursive juste en dessous, toujours sans majuscule.

b) L’analyse : la lettre du jour.
valérie
ri
i
De la phrase de base, on extrait le mot repère, dont une des syllabes est écrite en rouge puis isolée juste en dessous et de cette syllabe, la ligne suivante ne reproduit que la voyelle. Cet exercice est mené sur le mot écrit en script et en cursive.

c) L’analyse : les mots.
valérie - daniel
joue - avec

Les quatre mots vus globalement sont repris séparément, dans le désordre.

C’est par ces mots que j’ai cherché, dans mes livrets, à me différencier de Daniel et Valérie, Rémi et Colette, Poucet et son ami l’écureuil.

D’abord parce que je me rappelle un petit Éric, né en 1967, dont la Valérie n’arrivait pas à jouer mais s’obstinait à s’amuser avec son Daniel de frère, une Christine, née en 1965, dont le père « crisait » pour essayer de lui faire retenir le mot bolide qui ne rentrait définitivement pas et d’autre encore, bien empêchés d’analyser des mots qu’ils ne connaissaient pas, du serre-bois où se cachait la chouette de Poucet à l’ami du petit Jojo du film « Être et Avoir » qui se transforme régulièrement en copain.

Ensuite parce que cette phrase sans majuscules aux noms propres me choque ; encore qu’il ne soit pas prouver que seul le CP apprenne quelque chose à ce sujet aux élèves, pour preuve le fait que les professeurs de collèges lycées se plaignent de la difficulté des élèves actuels à respecter ces majuscules alors qu’ils ont tous sans exception vu des majuscules depuis leur première leçon de lecture au CP et que les élèves des classes inférieures à la Seconde ont même eu l’honneur de les utiliser uniquement pendant leurs années de maternelle !

Enfin parce que, si l’on suit la progression de la table des matières, cette phrase ne sera totalement déchiffrable que 68 pages plus tard lorsque les élèves auront enfin appris que « el » se lit « èl » dans le prénom Daniel !

C’est pourquoi j’ai voulu, en rédigeant ces premières leçons, n’utiliser que des mots dits simples où les syllabes ne comportent que deux lettres : une consonne suivie d’une voyelle. Dans la première leçon, j’ai même fait en sorte que seul le mot « chasse » comporte deux syllabes, les autres étant tous monosyllabiques.
Cela permettait aux collègues qui le souhaitaient de ne pas démarrer en « globale ». Ils pouvaient en effet passer d’abord quelques semaines avec la méthode des Alphas, le cahier purement alphabétique que j’ai rédigé par ailleurs (je vous en joins quelques pages), ou toute autre méthode (même celle de la Librairie des Écoles, si certains le souhaitent… Il faudra néanmoins attendre un petit peu puisque les auteurs ont choisi d’attendre la page 72 pour présenter « ch ». J’avoue que je serais très intéressée pour connaître la raison qui a conduit les auteurs à repousser si loin ce son, qui se retrouve après l’étude du « ph », beaucoup moins courant).
Cela permettait aussi à mes élèves, mais aussi à ceux de plus en plus nombreux de certains collègues, qui avaient bénéficié des Alphas et de la méthode Venot en GS, de retrouver dès le début de l’année scolaire leurs acquis de l’année précédente et de ne pas rester plusieurs semaines sans écrire autre chose que des syllabes sans suite et sans sens.

C’est pourquoi j’ai aussi présenté tout de suite la ponctuation normale, majuscules comprises. Nos élèves fréquentent les livres depuis la PS, ils vivent dans un monde couvert de lettres, de mots, de phrases qu’ils croisent à longueur de journée, depuis leur paquet de céréales du petit déjeuner, jusqu’à la phrase floquée sur le pyjama qu’ils enfilent chaque soir. Il y a belle lurette qu’ils ont vu, ne serait-ce que du coin de l’œil, les lettres, en caractères d’imprimerie et en écriture cursive, comme le spécifient les programmes officiels pour l’école maternelle, ainsi que les signes de ponctuation.
À leur maître de CP maintenant de les amener à poser leur regard dessus et à en découvrir le sens et l’utilité.

C’est pourquoi enfin j’ai choisi, ou cru choisir, hélas, des mots simples dont le sens me semblait acquis par tous les élèves entrant au CP après trois à quatre années d’école maternelle ! Comme je l’ai dit dans mon message de présentation, je ne voulais ni de squaw frivole, ni de réfrigérateur obsolète, pour ne pas décourager les Éric et les Christine de 2011, persuadés que la lecture n’est pas faite pour eux puisqu’elle ne s’exprime pas comme eux !
Il paraît que ce n’est pas le cas et que mon premier texte « Tu as vu le chat ? Il chasse. » tape encore trop haut ! Je fais entièrement confiance aux personnes qui m’ont signalé cet écueil mais j’avoue que cela m’affole vraiment et que, malgré les rebuffades que je subis souvent, je vais concentrer mes efforts sur les forums consacrés à la Maternelle car je trouve inadmissible que Mathurin Boscher ait pu parler d’épicerie, de mairie, de hibou, de lune, de bûchettes, d’olives, de bêche et autres à ses petits Bretons de 1923 qui avaient appris à parler français à l’école et qu’on ne puisse plus actuellement compter sur l’École Maternelle pour corriger les inégalités linguistiques de départ !

On aura pu remarquer aussi une deuxième différence avec Daniel et Valérie dans la façon de mener l’analyse syllabique puis alphabétique du (des) mot(s) repère(s).

Si le « modèle » de 1964 (je me permets de rappeler que le modèle est beaucoup plus ancien et date des débuts de l’École Publique) choisit de ne se servir de la syllabe « ri » que pour atteindre la lettre « i », remettant à plus tard (leçon 7) la combinatoire, j’ai quant à moi choisi de procéder à la synthèse des éléments analysés dès la deuxième leçon en préparant cet apprentissage dès la première grâce au mot monosyllabique « chat ».
L’élève travaille donc, dès la première leçon, mais de manière intuitive, le fait que si la syllabe « cha » est composée des deux éléments « ch » et « a », on peut à nouveau opérer la synthèse de ces deux éléments et obtenir à nouveau la syllabe « cha », comme précédemment (pas si évident que ça en a l’air pour un enfant âgé parfois d’un peu moins de six ans, encore tout pétri d’un égocentrisme enfantin bien loin de considérer comme logique que si « c = a + b » alors « a + b = c ») !

Autre différence et elle est de taille puisqu’elle aussi pousse l’enfant à mettre en route une logique opératoire, ce n’est pas à partir d’un seul mot qu’on isole successivement la syllabe « cha », puis les graphèmes « ch » et « a ».
C’est en effet en comparant les mot « chat « et « chasse », visuellement et auditivement, que les élèves vont déduire que les lettres « c », « h » et « a » produisent le bruit « cha » s’ils sont plus visuels qu’auditifs, ou que le bruit « cha » qu’ils entendent ou qu’ils articulent dans ces deux mots est nécessairement produit par la combinaison des lettres « c », « h » et « a », s’ils sont plus auditifs ou kinesthésiques.

Le choix de s’appuyer sur la syllabe pour en extraire les différents composants a aussi été conditionné par ma fréquentation des forums d’enseignants de maternelle qui subissent depuis quelques années un martelage constant sur l’importance de l’articulation en syllabes de l’oral, préalable paraît-il indispensable à l’apprentissage de la lecture. J’en ai déduit que tous les élèves arrivant au CP avaient un jour ou l’autre articulé les mots en en détachant les syllabes, tout comme ils avaient, d’autre part, le plus souvent (grâce aux livrets de compétences, mais ça, c’est un autre débat), rencontré des lettres dont certains avaient appris le nom.

Il fallait, selon moi, faire très vite la synthèse de tout cela pour court-circuiter au plus vite les différentes fausses-pistes les plus souvent constatées, qui n’existaient pas à l’époque de Daniel et Valérie où la lecture n’était l’affaire que de la Grande Section et du CP et que ces deux sections utilisaient les mêmes méthodes (l’éditeur précise dans l’avertissement : « Nous souhaitons que, grâce à cet ouvrage, la tâche des institutrices des classes maternelles et des maîtres et maîtresses des cours préparatoires soit grandement simplifiée) :
- Enfants qui reconnaissent les mots à leur première lettre : d’où le choix des deux mots commençant par la même syllabe ;
- Enfants qui scandent les syllabes orales : on isole « cha » dans « chasse », introduisant ainsi aussitôt le travail sur les syllabes écrites ;
- Enfants qui croient qu’on apprend d’une part les lettres, d’une deuxième part les mots et d’une troisième, les syllabes : on part de la phrase, on en extrait des mots, qui contiennent une syllabe et donc des lettres communes, qu’on réassocie immédiatement pour créer le plus tôt possible des syllabes, puis des mots ;
- Enfants qui zappent continuellement, effaçant de leur mémoire le programme précédent et le remplaçant par un nouveau programme, déjà conçu comme éphémère : tous les acquis s’associent, s’interpénètrent, se font écho et restent indispensables. Si ce n’est pas le cas, c’est clairement signalé dans le livre du maître et traité comme tel.

L’exercice de fixation des mots, prévu dans Daniel et Valérie sur la première page, donc au cours de la première journée de travail (ces méthodes n’avaient pas de livre du maître, ni de planning, programmation associés, tout simplement parce que leur utilisation était linéaire : une page par jour, et que tout le monde le savait), n’aura lieu que le lendemain pour les utilisateurs de mon manuel.

En effet, si les élèves de 1960 étaient habitués depuis le début de la Grande Section, à jongler de phrases en mots, de mots en syllabes, de syllabes en lettres, puis de lettres en syllabes, de syllabes en mots et de mots en phrases, et depuis bien plus tôt à écouter et observer attentivement, répéter précisément et mémoriser tant des sons que des images ou des gestes, les nôtres, plus à l’aise dans l’expression libre et l’émission d’hypothèses, n’ont pas leur rapidité et ont besoin d’une démarche plus segmentée.
C’est donc sur la deuxième page qu’on trouvera l’exercice équivalent de ce dernier exercice de la première page de Daniel et Valérie.

Si mon manuel détaille plus et propose deux listes de mots, l’une respectant le même ordre que celui de la phrase de base et la suivante listant les mots dans le désordre, c’est là encore pour simplifier le travail des élèves qui, pour certains, procéderont comme ils ont l’habitude (néfaste pour des nombres, mais pas forcément de façon temporaire pour des mots voués à devenir très vite déchiffrables) de le faire avec la file numérique : « J’observe le mot à lire, je le repère dans la phrase de base, je répète cette phrase en pointant tour à tour les mots qui la composent (d’où l’intérêt des mots monosyllabiques), je m’arrête sur le mot repéré et je sais ce qu’il signifie.»

Cet exercice est utilisé au cours des cinq premières leçons, mais subit un réaménagement lors de chacune d’entre elles, non seulement pour s’adapter aux nouvelles connaissances des enfants, mais aussi pour qu’aucune habitude ne s’installe. Il ne sera plus utilisé à partir de la sixième leçon où il est remplacé par une liste de mots entièrement déchiffrables écrits grâce aux lettres connues ou, selon les leçons, par une leçon de grammaire.
Chez Daniel et Valérie, le principe est le même et cette liste de mots appréhendés globalement disparaît à la septième leçon, remplacés là aussi par une liste de mots à déchiffrer.

d) La synthèse : réemployer les acquis pour lire de nouvelles phrases.

1. valérie joue avec daniel.
2. daniel joue avec valérie.
3. joue daniel !
4. joue valérie !

Même principe chez Daniel et Valérie que dans mon manuel, les élèves réutilisent les mots de la phrase de base à laquelle ils peuvent toujours se référer pour « lire » de nouvelles histoires. Il ne s’agit en rien de devinettes comme on peut le voir dans certaines méthodes actuelles, mais de l’utilisation d’un répertoire temporaire qui permet, en effet, de « faire du sens » dès le deuxième ou troisième jour de CP.

J’ose espérer que cela contrera chez certains élèves la tendance à la paresse intellectuelle qui les pousse, si on ne les oblige pas à réfléchir, à ne considérer la séance de lecture que comme un moment où l’on « fait du bruit en regardant des lettres ».
J’étais toujours un peu insatisfaite pendant les premières pages de Borel Maisonny de ne faire lire à mes élèves que des « cha fi vo lu mé jy ra…» pendant plusieurs semaines avant de pouvoir enfin leur demander : « Qu’est-ce qu’un « mur » ? Et « sur »… « sur » quoi ? Et « fil », à quoi cela sert, le fil ? « Vif », quel animal « vif » connaissez-vous ? Ah ! « If », je suis sûre que personne ne sait ce que c’est, un « if » ! Et « jazz », quelqu’un connaît cette musique, le « jazz », regardez en-dessous ces instruments… »

Alors oui, cette fois, il y a de la « globale », bien pelée, bien galeuse, celle dont viendra forcément tout le mal ! En tout et pour tout, quarante et un mots dans le premier livret, dont la totalité sera devenue entièrement déchiffrable quelques leçons après avoir été vue globalement.
Ainsi, pour les mots qui composent cette première phrase, les lettres sont vues :
- a et ch : le jour même
- i : leçon 2
- l : leçon 3
- u et v : leçon 4
- e : leçon 5
- t : leçon 6
- s : leçon 8
De plus, parmi ces mots, il s’en trouve seize que même le Manuel de Lecture de la Librairie des Écoles fait mémoriser par cœur parce qu’ils sont très courants, qu’ils présentent une difficulté ou qu’ils contiennent des règles orthographiques qui n’ont pas encore été vues (le, il, un, avec, son, et, des, est, de, es, elle, une, dans, ses qui, que).

Enfin, une fois passées les sept premières leçons, tous les mots deviendront déchiffrables le jour même où ils auront été introduits, comme le proposent des manuels de type Boscher ou Mico, mon petit ours.

On a vu au début de mon exposé qu’en cela ma méthode se différencie de Daniel et Valérie qui n’hésite pas à présenter des mots comme « Daniel », « joue », « avec », « ferme », qui ne deviendront déchiffrables que bien plus tard, lorsque les sons « ou », « el », « ec », « er » auront été étudiés. Par honnêteté intellectuelle, je tiens néanmoins à signaler qu’une fois exclus ces trois mots et ceux que même le Manuel de Lecture fait mémoriser « exceptionnellement » (elle, et, est, dans et faire), dès la leçon 8, la méthode Daniel et Valérie ne présente plus, comme la mienne, que des mots qui deviennent déchiffrables le jour même de leur introduction dans la phrase de base.

Spinoza1670
Spinoza1670
Esprit éclairé

De l'écoute des sons à la lecture seul? - Page 2 Empty Re: De l'écoute des sons à la lecture seul?

par Spinoza1670 Lun 30 Mar 2015 - 18:25
Pour voir à quoi ressemblent Mico, Daniel et Valérie, Poucet et son ami l'écureuil, Boscher, etc., allez à cette page :
http://manuelsanciens.blogspot.com/p/lecture-cp.html

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« Let not any one pacify his conscience by the delusion that he can do no harm if he takes no part, and forms no opinion. Bad men need nothing more to compass their ends, than that good men should look on and do nothing. » (John Stuart Mill)

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