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Elyas
Esprit sacré

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par Elyas Mar 28 Oct 2014 - 23:09
henriette a écrit:En fait, je ne parle pas là des écritures complètes, je parle de la foultitude de travaux d'écriture qu'on recommande de faire à l'occasion de quasi chaque séance, qu'il s'agisse de lecture, de grammaire, de vocabulaire, etc. Même en passant dans les rangs, en 15 minutes pour 30 élèves, ça fait 30 secondes par élève. C'est très léger, tout de même.

Voire même contre-productif, non ? L'incompréhension est qu'en HG, nous faisons toujours des écritures complètes, on n'a pas le choix Sad Après, le nombre d'informations à intégrer dans l'écrit peut varier, ce qui nous permet de faire entre 20 mn d'écriture à 1H (voire plus). En lettres, vous n'avez pas cette notion de nombre d'informations à intégrer comme chez nous (par exemple, sur le récit sur l'Hégire, il y a 3 informations primordiales à intégrer et 2 optionnelles. Par contre, sur Bouvines, il y a au moins 12 informations primordiales et une dizaine d'optionnelles. Le temps dévolu à l'analyse des informations et à leur synthèse sous forme écrite va alors varier grandement).
henriette
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par henriette Mar 28 Oct 2014 - 23:13
Oui, contre-productif, en particulier pour les élèves les plus en difficulté, ceux-là même qu'on espère le plus aider en les faisant beaucoup écrire, d'ailleurs.
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Normandyx
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par Normandyx Mer 29 Oct 2014 - 0:05
En primaire, j'ai eu le droit aux injonctions sur la nécessité de passer par l'ORL pour que les élèves "construisent leur savoir"... une peu comme se borner à ce qu'ils remarquent en visitant une exposition sur un sujet historique...
Pour bien écrire, il faut d'abord bien parler, quand au CP CE1 un enfant est incapables de raconter quelque chose en articulant 3ou 4 phrases simples, avant qu'il les écrive, il se passera du temps. Mais pour qu'une expression orale de qualité se mettent en place il faut que dans la famille l'expression dépasse le passe moi le sel et qu'à l'école, la classe soit suffisamment maitrisée pour qu'un élève puisse s'exprimer en étant écouté et pas moqué s'il est maladroit.

Ensuite, quand on passe à l'écrit, il faut du temps et de la méthode pour obliger les enfants à ré-écrire et à se corriger, en cela, j'apprécie d'utiliser le traitement de texte pour qu'ils cherchent jusqu'à ce que le mot ne soit plus marqué faux, je leur fais aussi utiliser "le bon patron" pour qu'ils me proposent quelque chose de lisible et qu'ils ont relu.

Pour l'écriture, on peut aussi ressortir la citation de Voltaire qui disait à peu près qu'on apprend à bien parler en lisant souvent ceux qui ont bien écrit, les enfants qui ont lu ET ENTENDU beaucoup d'histoires et des contes traditionnels connaissent les tournures classiques du compte et les utilisent en les imitant, ceux qui n'ont comme culture que les chtis à miami, n'ont pas grand bagage...
Je vois une évolution chez les plus jeunes, maintenant, même dans les milieux un peu privilégiés, les gamins avalent ces niaiseries et même pour ceux qui ont la télé dans leur chambre, secret story, on a donc une uniformisation, dommage que ce soit par le bas... Sad
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User5899
Demi-dieu

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par User5899 Mer 29 Oct 2014 - 0:17
Relisons "Rhétorique & enseignement" de Gérard Genette (Figures II) et songeons au nombre d'heures perdues en quarante ans (on doit approcher l'équivalent de deux ans). Oui, faire écrire c'est important, mais oui ça prend beaucoup de temps et le temps nous est mesuré avec une avarice conséquente.
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Normandyx
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par Normandyx Mer 29 Oct 2014 - 0:30
et il y a d'autant moins de temps que dans certaines classes, le maintien de l'ordre mange un temps précieux, hache le travail et gêne la concentration nécessaire. Il me semble avoir lu qu'il était en moyenne perdu 27 jours de classe par an pour bavardages et autres
V.Marchais
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par V.Marchais Mer 29 Oct 2014 - 9:06
Bonjour Elyas, bonjour tous,

Voilà un post qui va me passionner, merci à toi, Elyas, de lancer le sujet.

Je suis d'accord avec le constat que tu fais, même si je situe plutôt la grande rupture vers 1992-96, avec les programmes hyper-techniques de cette époque (je parle pour les Lettres, je ne connais pas les autres), l'idéologie de la séquence urbi et orbi et les discours délirants sur quelque créativité spontanée qu'il conviendrait de ne point brimer par des corrections humiliantes (ben voyons !). Il fallait laisser "s'exprimer" dans des "productions d'écrits" que nous, professeurs, étions à peine fondés à reprendre très légèrement de ci de là.
J'ajoute à ton constat la diminution des heures de Français en Primaire et au collège, qui ne permet plus le "nourrissement" continu de la langue, en vocabulaire ni en syntaxe, depuis la Maternelle. C'est un point dont DC parlerait mieux que moi. Faute de familiarité avec les mots et les tournures, la langue reste insuffisante pour comprendre le moindre texte un peu littéraire, mais aussi pour traduire une pensée précise et organisée. J'y reviendrai sans doute, mais je crois qu'il ne faut pas opposer oral et écrit, la langue orale, première, nourrissant nécessairement la langue écrite. Il est très difficile de faire progresser à l'écrit quand l'oral même est indigent et qu'on a l'impression d'enseigner une langue étrangère. Il faut articuler les deux versants de la langue dans l'exigence de progression. Bref, pour revenir au propos de ce paragraphe, je crois que nous payons cher la dispersion du Primaire dans toutes sortes de directions (LV, citoyenneté, que sais-je encore) au détriment de ce qui reste, quoi qu'on en pense, un enseignement fondamental, un pré-requis à tous les autres dans la mesure où il fournit le véhicule de la pensée.

Pour répondre à ta question, jamais, à l'IUFM, je n'ai appris à enseigner l'expression écrite (remarque, la grammaire non plus...). Je me suis vite rendu compte que c'était LE gros problème de nos élèves et l'essentiel de mon travail, depuis une dizaine d'années, porte sur ce point. Car à part des injonctions, nous ne trouvons pas beaucoup d'aide du côté de l'institution.

Pourtant, elle a existé, cette pédagogie de la rédaction. Pour Lora et tous les PE que cela intéresse, je recommande vivement la lecture attentive de trèèèèèèès vieux manuels de Primaire, des années 1910 à 1960 (et à écrire ces dates, je me rends compte qu'on a déjà une première perte de contenu vers 1966-68, avec la suspicion, voire le discrédit jeté sur le formalisme des exercices proposés jusqu'alors, au profit de cette fameuse "créativité de l'enfant" évoquée précédemment). Vous y verrez comment, dès le cours élémentaires, les leçons sont pensées pour fournir jour après jour du lexique, des tournures, en lien avec la grammaire (comme quoi, il n'est pas nécessaire de faire de grandes théories sur la séquence didactique pour décloisonner de façon intelligente), d'abord à l'échelle de la phrase, pour les petits, puis du paragraphe ; vous verrez la progression maîtrisée qui se met en place, la guidance habile : il y avait bel et bien là un savoir-faire qui s'est perdu. C'est lui que j'ai essayé de retrouver et de dépoussiérer. Je suis ravie si c'est utile au-delà de mon petit cercle d'amis, mais je suis loin de considérer mon travail comme abouti. Il reste tant à faire...

Fifi, moi aussi, je constate la difficulté d'interpeller les collègues de Lettres sur la question de la rédaction. Il faut remettre en cause les représentations, ce n'est facile pour personne. La plupart des collègues pensent sincèrement faire très bien leur travail en appliquant les textes et en donnant tous les mois à peu près une rédaction en lien avec leur séquence - et assurément ils le font très consciencieusement. Ils n'ont pas l'air de se demander par quelle vertu l'élève acquerrait, entre deux sujets de rédaction, un savoir-faire que personne ne lui a dispensé. Car savoir écrire, cela n'est pas juste mettre en oeuvre une leçon sur la valeur des temps ou le schéma narratif. Et lire trois ou quatre contes ne fait pas passer magiquement la capacité à écrire des contes dans la tête des élèves. L'expression écrite est un domaine totalement vidé de son contenu, que l'on n'aborde quasiment plus que par la juxtaposition des sujets de rédaction. Mais c'est tellement ancré dans les habitudes que rares sont devenus ceux qui voient le problème.
Et finalement, c'est du côté de mes collègues d'HG que je trouve du soutien pour mener à bien mon travail de recherche et élaborer progressions et exigences communes. C'est un peu troublant, mais après tout, peu importe : ça reste stimulant. Il y a encore énormément à faire et, si le mot interdisciplinarité a un sens et une justification, je crois que c'est là, dans l'écriture, qu'il les trouve. Cela ne dédouane en rien les professeurs de Lettres de leurs responsabilités, mais cela ouvre le champ d'exploration et les possibilités pédagogiques.
Elyas
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par Elyas Mer 29 Oct 2014 - 9:17
Cripure a écrit:Relisons "Rhétorique & enseignement" de Gérard Genette (Figures II) et songeons au nombre d'heures perdues en quarante ans (on doit approcher l'équivalent de deux ans). Oui, faire écrire c'est important, mais oui ça prend beaucoup de temps et le temps nous est mesuré avec une avarice conséquente.

C'est un choix, certes. Néanmoins, c'est sans doute le meilleur choix possible car faire écrire provoque un approfondissement de la réflexion par cercle vertueux (j'écris ce que je pense et ce que j'écris provoque de nouvelles pensées... etc), travaille la mémorisation à court/moyen/long terme, crée un engouement pour le bel écrire, donne des structures de réflexion peu développées à l'oral "usuel"... Bref, que du bon. Le problème est que les élèves écrivent peu des textes cohérents, porteurs d'idées et de savoir. On me dit 1 rédaction toutes les trois semaines en français, cela fait pour 36 semaines, 12 rédactions au mieux. Sur un an, l'élève qui n'a pas une culture de l'écrit aura écrit 12 fois. C'est très peu. Alors, si en histoire, il écrit un récit/développement construit/synthèse par semaine, on ajoute 36 écritures de plus. Si en français, la rédaction devenait hebdomadaire, cela ferait 36 travaux de plus. Si en LV, un élève produisait 1 texte par semaine à partir de la 5e, 36 récit de plus. L'élève aurait écrit près de 144 rédactions en 4 ans de collèges, 144 écrits d'HG et 108 textes en LV1 et 36 en LV2 (disons qu'il a assez de billes à partir de la 3e). Ce qui manque, à mon avis aux élèves, c'est des travaux d'écriture complets réguliers et nombreux. On devient forgeron en forgeant. On sait écrire en écrivant.
Si cela se faisait ainsi au collège, pas mal des soucis présents en lycée disparaîtrait. Cependant, l'effort devrait se poursuivre aussi au lycée.
Le faire écrire n'est pas une activité qui produit de l'inégalité sociale et scolaire. Elle les révèle. Il est dès lors important de travailler à réduire ces inégalités en faisant travailler tous les élèves leurs écrits, chacun à son rythme. Oui, on découvre des élèves avec un niveau de savoir-faire en écriture très très faible. Cependant, dire qu'il ne faut pas les faire écrire est d'une sottise incommensurable. Les faire écrire, au contraire, va les aider à mieux structurer leur pensée (et de facto leur oralité), à mieux mémoriser, à parler avec des mots et des structures plus riches...

Par contre, mes chiffres sont peut-être fantasques (36 rédactions, c'est beaucoup, mais je suis certain qu'il existe des moyens pour arriver à au moins une vingtaine sans que cela devienne infernal à gérer, les formats contraints sont souvent riches, par exemple) et la question de la réduction des heures de français est une vraie hérésie éducative.

En HG, je ne vais pas le cacher, on ne corrige pas la langue aussi intensivement qu'en français au début pour une bonne raison : on est obligé de rassurer les élèves par rapport à leur sentiment d'être nul et incapable d'écrire en français. On travaille avant tout le contenu (as-tu mis une date ? le nom des acteurs ? as-tu situé dans l'espace ? ...etc). Une fois l'élève rassuré sur le fait qu'il repère les éléments souhaités par le professeur, on peut commencer à travailler la forme. Cela peut paraître étrange mais cela fonctionne. Et attention, j'ai dit "intensivement", on corrige la forme dès le début mais en souplesse (genre : tiens, tu n'as pas mis de verbe ? Ou penses-tu que ce verbe se conjugue ainsi ? ou où est le -s- à ton pluriel ?). Peut-être est-ce un tort, il se trouve qu'au final, on perçoit en HG une amélioration des qualités rédactionnelles des élèves au fil du temps (oh, pas de miracles, mais un élève refusant l'écrire arrivera peu à peu à faire 4-5 lignes avec des phrases avec sujet-verbe-complément et des informations historiques pertinents genre la date, le lieu et les personnages de l'événement).
Néanmoins, je considère que si les professeurs de lettres, d'HG et de LV se mettaient d'accord sur des principes et des objectifs communs sur le faire écrire, on y gagnerait sans doute beaucoup.

EDIT : j'écrivais en même temps que V. Marchais, apparemment Smile
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par doublecasquette Mer 29 Oct 2014 - 9:30
V. Marchais a écrit: Il faut articuler les deux versants de la langue dans l'exigence de progression. Bref, pour revenir au propos de ce paragraphe, je crois que nous payons cher la dispersion du Primaire dans toutes sortes de directions (LV, citoyenneté, que sais-je encore) au détriment de ce qui reste, quoi qu'on en pense, un enseignement fondamental, un pré-requis à tous les autres dans la mesure où il fournit le véhicule de la pensée.

Je pencherais plutôt quant à moi vers le manque d'exigences à moins que ce ne soient des exigences délirantes sans aucun rapport avec les intérêts et les capacités de l'enfant de moins de onze ans.
Tous les apprentissages, même l'apprentissage d'une langue vivante ou de la citoyenneté, peuvent donner lieu à l'emploi d'une langue riche, à l'acquisition de références, à l'habitude d'effectuer des comparaisons et, excusez-moi du terme, une observation réfléchie de la langue. Tout temps passé en classe, devrait ainsi contribuer ainsi à enrichir l'expression orale et écrite des enfants.

Seulement, voilà, des exigences diminuées permettent une formation des enseignant au rabais et des horaires scolaires revus à la baisse... Former des gens au macramé ou à un vague vernis de citoyenneté à la sauce bisounours, ça coûte moins cher et surtout ça peut rapporter plus que permettre à des institutrices et des instituteurs de donner des bases larges et complètes à leurs élèves.
V.Marchais
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par V.Marchais Mer 29 Oct 2014 - 9:33
Elyas a écrit:
En HG, je ne vais pas le cacher, on ne corrige pas la langue aussi intensivement qu'en français au début pour une bonne raison : on est obligé de rassurer les élèves par rapport à leur sentiment d'être nul et incapable d'écrire en français. On travaille avant tout le contenu (as-tu mis une date ? le nom des acteurs ? as-tu situé dans l'espace ? ...etc). Une fois l'élève rassuré sur le fait qu'il repère les éléments souhaités par le professeur, on peut commencer à travailler la forme. Cela peut paraître étrange mais cela fonctionne. Et attention, j'ai dit "intensivement", on corrige la forme dès le début mais en souplesse (genre : tiens, tu n'as pas mis de verbe ? Ou penses-tu que ce verbe se conjugue ainsi ? ou où est le -s- à ton pluriel ?). Peut-être est-ce un tort, il se trouve qu'au final, on perçoit en HG une amélioration des qualités rédactionnelles des élèves au fil du temps (oh, pas de miracles, mais un élève refusant l'écrire arrivera peu à peu à faire 4-5 lignes avec des phrases avec sujet-verbe-complément et des informations historiques pertinents genre la date, le lieu et les personnages de l'événement).

Non seulement cela ne choque pas le professeur de Lettres que je suis mais je reconnais faire de même. Bien des élèves arrivent en me disant : "Je ne sais pas écrire", "Je suis nul en Français". Je dois les rassurer en leur disant qu'écrire, ça s'apprend, et qu'eux et moi sommes là pour ça. Mais si je leur rends leurs premières copies entièrement barbouillées de rouge (et il y aurait de quoi, hélas !), je ne vais créer que du découragement. C'est devenu un lieu commun, mais qui gagne à être répété : pour progresser, il faut aoir le sentiment de sa propre capacité à le faire. Il ne s'agit pas de tomber dans la démagogie ou le mensonge, mais effectivement, de se donner des priorités dans les objectifs à atteindre pour que la tâche ne paraisse pas insurmontable et que les premiers succès rencontrés viennent soutenir les efforts importants qui seront exigés.

Pour le nombre d'écrits, je suis d'accord sur le papier. Mais cela suppose des transformations radicales. Nous n'avons que 4 heures par semaine, en Français (5 en Sixième). Faire faire une rédaction en classe (au sens de devoir long construit), c'est au moins deux heures. Personnellement, j'y passe une dizaine d'heures si je compte tout le travail que je fais en amont en vocabulaire, en syntaxe, travail délibérément progressif et répétitif (pour créer des réflexes, petit à petit). Tu te rends bien compte que, avec les horaires actuels, c'est tout simplement impossible. Je dois faire 6 ou 7 rédactions longues par an. Mais beaucoup d'exercices courts qui, pour être courts, n'en sont pas moins méthodiques et progressifs, pensés pour donner et entretenir de bonnes habitudes tout au long de l'année.


Dernière édition par V.Marchais le Mer 29 Oct 2014 - 9:35, édité 1 fois
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par doublecasquette Mer 29 Oct 2014 - 9:35
V. Marchais a écrit:Pour Lora et tous les PE que cela intéresse, je recommande vivement la lecture attentive de trèèèèèèès vieux manuels de Primaire, des années 1910 à 1960

Il y a moins "ringard" et tout aussi efficace :
http://zaubette.eklablog.com/production-d-ecrits-c18921509
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par V.Marchais Mer 29 Oct 2014 - 9:42
Oui, je connais, c'est pas mal du tout. Mais je trouve que ça apporte beaucoup de voir la conception des anciens manuels, très carrée et très bien pensée. Et ce n'est pas tout à fait la même que celle de Zaubette. Je ne suis pas en train d'en recommander l'usage pour la classe (ce serait impossible pour plein de raisons) mais la lecture attentive à des fins de recherches.
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par Ouidius Mer 29 Oct 2014 - 9:46
Je n'ai pas votre expérience, je suis stagiaire, mais j'ai fait le même constat. A mes secondes, je donne une rédaction (1 page) toutes les deux semaines : réécriture, exercice de style, sujet de réflexion à partir d'extraits à intégrer dans l'argumentation. Et je corrige l'expression : la place des mots, le choix des mots, l'organisation des idées... Je reformule, sur leur copie, les tournures confuses, pour qu'ils voient la différence. Depuis un mois et demi, je crois avoir senti une amélioration (ou bien je me suis habitué...) En corrigeant, je me dis souvent qu'avec un service temps complet, je n'aurais jamais le temps de faire tout cela.
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par Celeborn Mer 29 Oct 2014 - 9:47
Ils y a effectivement plusieurs facteurs, qui, mis ensemble, font que l'on arrive à cette situation.

1) la formation : comme la plupart ici je pense, je n'ai moi non plus jamais été formé à quoi que ce soit concernant le "faire écrire" (à la grammaire non plus, comme Véronique). C'est clairement quelque chose qui ne s'improvise pas, et (re)trouver une didactique en la matière ne se fait hélas pas d'un claquement de doigts.

2) l'horaire : c'est un souci majeur. Quand on se retrouve à 4h hebdomadaires en 5e et 4e, on est OBLIGÉ de mal faire son travail au regard du programme. On ne peut matériellement pas étudier les textes qu'on doit étudier, traiter le programme de grammaire/orthographe/conjugaison, faire acquérir du vocabulaire, étudier l'image, faire de l'oral, faire réciter, faire lire, écrire et apprendre à faire écrire. Ça ne tient matériellement pas, et, à partir de là, tout choix pédagogique d'un professeur de français est un sacrifice.

3) le niveau des élèves : ces derniers n'ayant généralement pas les prérequis permettant de traiter un bon nombre de points du programme (que ce soit en richesse lexicale ou en maîtrise de la langue, voire de la lecture), le programme officiel se double d'un programme de "remise à niveau" qui fait que, chaque année, on essaie de revoir le COD, la voix passive, la conjugaison du passé simple, les types de phrases, etc. Et le cadre horaire explose un peu + encore.

Ensuite, 36 travaux de rédaction par élève et par an, s'il faut tous les corriger, je démissionne demain. Tous les profs de français finiront en arrêt-maladie pour dépression ou surmenage (j'ai calculé qu'à 10 minutes la rédaction, sur 4 classes de 30 élèves, on arrive à 720 heures de correction, et 10 minutes, c'est pas beaucoup pour corriger une rédaction…). Donc j'imagine bien qu'il faut faire une bonne part du travail en classe sous forme d'un apprentissage progressif, mais pour ça il faut du temps de cours, et donc point n°2.

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par doublecasquette Mer 29 Oct 2014 - 9:47
V.Marchais a écrit:Oui, je connais, c'est pas mal du tout. Mais je trouve que ça apporte beaucoup de voir la conception des anciens manuels, très carrée et très bien pensée. Et ce n'est pas tout à fait la même que celle de Zaubette. Je ne suis pas en train d'en recommander l'usage pour la classe (ce serait impossible pour plein de raisons) mais la lecture attentive à des fins de recherches.

Je me doute... Mais, après l'observation attentive des anciens manuels, il est selon moi important de passer à autre chose et de conseiller l'utilisation (et la création) d'outils modernes et efficaces.
Sinon, on ne convainc que les passéistes ou les nostalgiques d'un ordre ancien qui opposent l'usage du porte-plume à celui de la tablette numérique au lieu de comprendre que c'est dans l'usage de ces outils que se situait, se situe et se situera la différence.
*Fifi*
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par *Fifi* Mer 29 Oct 2014 - 9:48
Pardon si je pose une questions bête - mais cette question m'intéresse drôlement- mais quelle différence faites vous entre une rédaction longue (tu parles de 2h Véronique, je vois bien que vu le temps nécessaire il n'est pas possible d'en faire toutes les semaines) et exercice court de rédaction ?

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par Ponocrates Mer 29 Oct 2014 - 9:50
Simgajul a écrit:Une formatrice m'a dit au début de l'année, il faut que les demandes soient en cohérence avec les niveaux du CECRL. En 3e, vous pouvez demander 10 lignes mais pas plus... On dit quoi en 10 lignes?

Je n'enseigne plus en collège, mais, d'expérience, 10 à 15 lignes sont suffisantes pour mettre en lumière les difficultés de syntaxe et d'orthographe quels que soient l'âge et le niveau.Par ailleurs il faut apprendre à certains à écrire moins mais mieux, en étant plus concis. Ensuite la question est celle de l'investissement de l'élève/ apprenant/ étudiant.
D'une certaine façon je préfère passer par des textes courts - et pas seulement parce qu'ils sont rapides à corriger- parce qu'ils montrent l'absence de maîtrise précisément même pour 10 lignes. Cela permet de se concentrer sur la langue avec -idéalement- à chaque fois peu de points à travailler.
Nous utilisons une fiche navette de langue - et de méthode de l'autre côté. Sur le côté langue les erreurs sont classées en catégories - syntaxe, grammaire, homophones, orthographe lexicale. Nous commençons cette fiche après une dictée : et ils notent les points à travailler pendant la correction. Au début je la remplis aussi à partir de leurs copies, ils doivent écrire un double de la fiche qu'ils gardent à la maison. Quand une erreur est répétée, je me contente de le noter à côté de la première mention. Et je leur explique bien que l'on ne peut espérer traiter toutes ses erreurs d'un coup et qu'il faut planifier cela sur le moyen terme en se fixant des objectifs. Les résultats ? En fonction de leur motivation et de leur travail: comme ils peuvent me rendre quelque chose toutes les semaines, nécessairement ceux qui le font ont davantage de facilités. Mais j'ai conscience d'avoir le privilège de pouvoir proposer cela parce que cela me fait au maximum 60 à 80 copies par semaines- tous ne rendant pas.
Elyas
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par Elyas Mer 29 Oct 2014 - 9:57
V.Marchais a écrit:
Elyas a écrit:
En HG, je ne vais pas le cacher, on ne corrige pas la langue aussi intensivement qu'en français au début pour une bonne raison : on est obligé de rassurer les élèves par rapport à leur sentiment d'être nul et incapable d'écrire en français. On travaille avant tout le contenu (as-tu mis une date ? le nom des acteurs ? as-tu situé dans l'espace ? ...etc). Une fois l'élève rassuré sur le fait qu'il repère les éléments souhaités par le professeur, on peut commencer à travailler la forme. Cela peut paraître étrange mais cela fonctionne. Et attention, j'ai dit "intensivement", on corrige la forme dès le début mais en souplesse (genre : tiens, tu n'as pas mis de verbe ? Ou penses-tu que ce verbe se conjugue ainsi ? ou où est le -s- à ton pluriel ?). Peut-être est-ce un tort, il se trouve qu'au final, on perçoit en HG une amélioration des qualités rédactionnelles des élèves au fil du temps (oh, pas de miracles, mais un élève refusant l'écrire arrivera peu à peu à faire 4-5 lignes avec des phrases avec sujet-verbe-complément et des informations historiques pertinents genre la date, le lieu et les personnages de l'événement).

Non seulement cela ne choque pas le professeur de Lettres que je suis mais je reconnais faire de même. Bien des élèves arrivent en me disant : "Je ne sais pas écrire", "Je suis nul en Français". Je dois les rassurer en leur disant qu'écrire, ça s'apprend, et qu'eux et moi sommes là pour ça. Mais si je leur rends leurs premières copies entièrement barbouillées de rouge (et il y aurait de quoi, hélas !), je ne vais créer que du découragement. C'est devenu un lieu commun, mais qui gagne à être répété : pour progresser, il faut aoir le sentiment de sa propre capacité à le faire. Il ne s'agit pas de tomber dans la démagogie ou le mensonge, mais effectivement, de se donner des priorités dans les objectifs à atteindre pour que la tâche ne paraisse pas insurmontable et que les premiers succès rencontrés viennent soutenir les efforts importants qui seront exigés.

Pour le nombre d'écrits, je suis d'accord sur le papier. Mais cela suppose des transformations radicales. Nous n'avons que 4 heures par semaine, en Français (5 en Sixième). Faire faire une rédaction en classe (au sens de devoir long construit), c'est au moins deux heures. Personnellement, j'y passe une dizaine d'heures si je compte tout le travail que je fais en amont en vocabulaire, en syntaxe, travail délibérément progressif et répétitif (pour créer des réflexes, petit à petit). Tu te rends bien compte que, avec les horaires actuels, c'est tout simplement impossible. Je dois faire 6 ou 7 rédactions longues par an. Mais beaucoup d'exercices courts qui, pour être courts, n'en sont pas moins méthodiques et progressifs, pensés pour donner et entretenir de bonnes habitudes tout au long de l'année.

Je comprends mais, tu développes un savoir-faire enseignant qui mérite d'être transmis à tous. Cependant, si les autres disciplines à fortes dimensions littéraires et scripturales travaillaient massivement l'écrit (et cet écrit nourrirait l'oral car quand je lis/écoute des gens dire de développer l'oral en pensant "laisser les élèves parler comme dans la rue", je me dis qu'ils n'ont rien compris à l'oral visé par l'instruction), vous auriez moins de soucis.

Chez moi, mes élèves font 20 à 25 travaux longs d'écriture mais, rien à voir avec les rédactions de français. Je pense aussi qu'une des forces de l'HG est, alors que cela a été décrié, son travail par capacité avec des verbes de consignes. Ces verbes de consignes, principalement situer, décrire et expliquer, sont suffisamment clairs pour que les élèves sachent quoi écrire et, avantage unique, ces verbes de consignes explicitent clairement la méthode historique. En revanche, la difficulté chez nous est l'analyse de ce qui est une information pertinente pour construire la synthèse écrite demandée. Néanmoins, la difficulté permet aux élèves de se dépasser (oui, je sais, c'est le principe de la ZPD de Vygotski).
sinan
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par sinan Mer 29 Oct 2014 - 10:07
salut à tous
C'est vrai qu'Ouidius soulève un problème que je n'ai pas vraiment résolu, je trouve que cela demande beaucoup de travail de corrections.
Au lycée, j'ai des élèves qui écrivent très mal, qui n'ont pas l'habitude d'écrire, qui ne maîtrisent ni le vocabulaire ni la syntaxe. Les faire écrire et corriger ne sont pas suffisants, ce me semble : l'année dernière, ma classe de 1re L faible n'a pas assez progressé avec cette méthode.
En seconde, cette année, j'ai décidé de consacrer l'heure de demi-groupe à l'écriture systématique (dans un cahier à part) : des réécritures, des pastiches, des parodies, etc., et surtout des écrits longs, avec des premières ébauches et un retravail au fil des lectures analytiques. Déjà les faire lire ce qu'ils ont écrit est formateur. Je compte relever régulièrement ce cahier, mais je sais déjà que cela va être difficile de s'y tenir (là je suis en congé de maternité).
J'avoue rechercher des pistes pour mener des corrections efficaces en classe entière : en 1re je compte consacrer une heure à l'écriture d'écriture de commentaire. Je tâtonne.
Elyas
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par Elyas Mer 29 Oct 2014 - 10:11
Celeborn a écrit:
Ensuite, 36 travaux de rédaction par élève et par an, s'il faut tous les corriger, je démissionne demain. Tous les profs de français finiront en arrêt-maladie pour dépression ou surmenage (j'ai calculé qu'à 10 minutes la rédaction, sur 4 classes de 30 élèves, on arrive à 720 heures de correction, et 10 minutes, c'est pas beaucoup pour corriger une rédaction…). Donc j'imagine bien qu'il faut faire une bonne part du travail en classe sous forme d'un apprentissage progressif, mais pour ça il faut du temps de cours, et donc point n°2.

C'est un chiffre fantaisiste que je donnais. Néanmoins, je trouve que ta réaction est symptomatique d'un problème en lettres car vous avez perdu (à cause de multiples raisons déjà évoquées) un savoir-faire et que reconstruire ce savoir-faire est, parfois, considéré comme n'étant pas le cœur de votre métier. Les exercices de rédaction courts n'existent-ils pas chez vous ? Chez nous, en HG, cela existe, des micro-récits de 2-3 lignes. Cela se développe en parallèle des longs textes plus exigeants. Néanmoins, je ne suis pas conscient des enjeux des lettres. En HG, nos travaux peuvent être faits en 1h ou 1h30 et conduisent aisément à des séances de magistral où tout est facile, ce qui nous fait gagner du temps. Néanmoins, contrairement au français, nous sommes avant tout une science sociale autant que littéraire. Les méthodes inductives, socio-constructivistes ou magistrales fonctionnent toutes très facilement.
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par *Fifi* Mer 29 Oct 2014 - 10:19
Elyas a écrit:
Celeborn a écrit:
Ensuite, 36 travaux de rédaction par élève et par an, s'il faut tous les corriger, je démissionne demain. Tous les profs de français finiront en arrêt-maladie pour dépression ou surmenage (j'ai calculé qu'à 10 minutes la rédaction, sur 4 classes de 30 élèves, on arrive à 720 heures de correction, et 10 minutes, c'est pas beaucoup pour corriger une rédaction…). Donc j'imagine bien qu'il faut faire une bonne part du travail en classe sous forme d'un apprentissage progressif, mais pour ça il faut du temps de cours, et donc point n°2.

C'est un chiffre fantaisiste que je donnais. Néanmoins, je trouve que ta réaction est symptomatique d'un problème en lettres car vous avez perdu (à cause de multiples raisons déjà évoquées) un savoir-faire et que reconstruire ce savoir-faire est, parfois, considéré comme n'étant pas le cœur de votre métier. Les exercices de rédaction courts n'existent-ils pas chez vous ? Chez nous, en HG, cela existe, des micro-récits de 2-3 lignes. Cela se développe en parallèle des longs textes plus exigeants. Néanmoins, je ne suis pas conscient des enjeux des lettres. En HG, nos travaux peuvent être faits en 1h ou 1h30 et conduisent aisément à des séances de magistral où tout est facile, ce qui nous fait gagner du temps. Néanmoins, contrairement au français, nous sommes avant tout une science sociale autant que littéraire. Les méthodes inductives, socio-constructivistes ou magistrales fonctionnent toutes très facilement.
Même en moins de temps que ça si on fait le travail préparatoire pour collecter des informations avant ou à la maison.
Un exemple en 6e : ils devaient situer et présenter une ville en Mésopotamie. Pour cette fois, j'ai fais faire les questions en classe puis le récit a été fait en moins d'une demie-heure pour tous. Idem pour celui lors de l'évaluation (sujet proche), les élèves ont fait un tableau pour mettre leurs idées au brouillon, puis ont rédigé la description de la ville. Ils ont dû passer environ 20 min à l'écriture grand max puisqu'il ne s'agissait que de faire des phrases avec les infos du tableau. J'ai pu souligner les fautes de quasiment tout le monde pour qu'ils se corrigent.
Après, il est évident que je ne fais pas un vrai travail d'apprentissage de la langue, je me contente en 6e de faire des rappels sur les majuscules, les phrases sans verbe et les accords de pluriel. Des récits comme ça mes élèves en font presque un par semaine, sur 3h de cours. Pourquoi en lettres privilégie t-on, semble t-il, les exercices très longs ?
(je ne veux pas paraître donneuse de leçons hein ! Je m'interroge).

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par Celeborn Mer 29 Oct 2014 - 10:21
Elyas a écrit:
C'est un chiffre fantaisiste que je donnais. Néanmoins, je trouve que ta réaction est symptomatique d'un problème en lettres car vous avez perdu (à cause de multiples raisons déjà évoquées) un savoir-faire et que reconstruire ce savoir-faire est, parfois, considéré comme n'étant pas le cœur de votre métier. Les exercices de rédaction courts n'existent-ils pas chez vous ? Chez nous, en HG, cela existe, des micro-récits de 2-3 lignes. Cela se développe en parallèle des longs textes plus exigeants. Néanmoins, je ne suis pas conscient des enjeux des lettres. En HG, nos travaux peuvent être faits en 1h ou 1h30 et conduisent aisément à des séances de magistral où tout est facile, ce qui nous fait gagner du temps. Néanmoins, contrairement au français, nous sommes avant tout une science sociale autant que littéraire. Les méthodes inductives, socio-constructivistes ou magistrales fonctionnent toutes très facilement.

J'ai justement pendant plusieurs années essayé de mettre en place des écrits très courts, en lien avec l'étude de la grammaire au sens large.

[Excursus : c'est un savoir-faire (l'étude de la grammaire) que j'ai déjà mis 6 à 7 ans à reconstruire de mon côté, pour que mon inspecteur me dise à la fin qu'il ne fallait pas faire comme ça mais tout autrement…]

Je n'ai pas été satisfait du résultat, car je n'arrivais pas à relier ça de façon non-artificielle, car je manquais clairement d'une didactique de l'écriture. J'ai commencé à trouver des choses intéressantes sur ce forum (était-ce chez Véronique ?) au sujet des corrections de rédaction, qui consistaient non plus à établir un "texte idéal", mais à faire retravailler l'ensemble de les classes à partir de phrases mettant en avant certains points (la répétition, l'emploi de verbes passepartout, etc.). Pas eu le temps de développer, mais c'est à partir de ça que j'aurais bien aimé reprendre la façon d'apprendre à écrire. Mais, pour cela, j'en étais arrivé dans ma tête à sucrer entre 30 minutes et 1h hebdomadaire d'études de texte, pour que tout tienne.

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par Elyas Mer 29 Oct 2014 - 10:28
@Celeborn : vous avez cette double mission qui pose problème apparemment pour beaucoup : la langue et la littérature.

Je trouve tout de même cela aberrant que dans notre école, le faire - écrire fait rarement l'objet d'une formation et que cela relève du TGCM pour beaucoup (TGCM venant du milieu roliste et signifiant : ta gueu*le, c'est magique).

Comme le dit V. Marchais, c'est dans cet enjeu que l'interdisciplinarité a un réel intérêt.
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par Simgajul Mer 29 Oct 2014 - 10:39
Ponocrates a écrit:
Simgajul a écrit:Une formatrice m'a dit au début de l'année, il faut que les demandes soient en cohérence avec les niveaux du CECRL. En 3e, vous pouvez demander 10 lignes mais pas plus... On dit quoi en 10 lignes?

Je n'enseigne plus en collège, mais, d'expérience, 10 à 15 lignes sont suffisantes pour mettre en lumière les difficultés de syntaxe et d'orthographe quels que soient l'âge et le niveau.Par ailleurs il faut apprendre à certains à écrire moins mais mieux, en étant plus concis. Ensuite la question est celle de l'investissement de l'élève/ apprenant/ étudiant.
D'une certaine façon je préfère passer par des textes courts - et pas seulement parce qu'ils sont rapides à corriger- parce qu'ils montrent l'absence de maîtrise précisément même pour 10 lignes. Cela permet de se concentrer sur la langue avec -idéalement- à chaque fois peu de points à travailler.
Nous utilisons une fiche navette de langue - et de méthode de l'autre côté. Sur le côté langue les erreurs sont classées en catégories - syntaxe, grammaire, homophones, orthographe lexicale. Nous commençons cette fiche après une dictée : et ils notent les points à travailler pendant la correction. Au début je la remplis aussi à partir de leurs copies, ils doivent écrire un double de la fiche qu'ils gardent à la maison. Quand une erreur est répétée, je me contente de le noter à côté de la première mention. Et je leur explique bien que l'on ne peut espérer traiter toutes ses erreurs d'un coup et qu'il faut planifier cela sur le moyen terme en se fixant des objectifs. Les résultats ? En fonction de leur motivation et de leur travail:  comme ils peuvent me rendre quelque chose toutes les semaines, nécessairement ceux qui le font ont davantage de facilités. Mais j'ai conscience d'avoir le privilège de pouvoir proposer cela parce que cela me fait au maximum 60 à 80 copies par semaines- tous ne rendant pas.

Je suis d'accord, et en entrainement je ne demande pas beaucoup de ligne; 5/6 histoire de fixer la syntaxe et la grammaire et mettre des mots de liaison (pour mes élèves c'est la plus difficile, connecter les phrases entre elle pour donner du sens).
Mais de temps en temps, c'est bien aussi de laisser libre court à son imagination, de laisser la place pour des phrases certes inutiles mais qui vont permettre une relance, une question (en anglais on est dans des situations de communication écrire une lettre, un email, une prospectus). Quand on leur demande de produire, je ne vois pas l’intérêt de dire x ou y lignes mais plutôt je voudrais un produit fini.
Pour mes 4e, le plus dur est de passer de "je fais 5 phrases pour décrire Brian" à "je fais un paragraphe pour décrire Brian (5 phrases)".

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par Celeborn Mer 29 Oct 2014 - 10:40
*Fifi* a écrit:Pourquoi en lettres privilégie t-on, semble t-il, les exercices très longs ?

Parce que c'est ce qui figure dans les programmes ? 20 lignes en fin de 6e et donc en début de 5e, 30 lignes en fin de 5e et donc en début de 4e, etc. (et donc + de 40 lignes en fin de 3e). Et ça, toutes les 3 semaines, d'après le programme. Mais en +, il doit y avoir des écritures courtes, variées, des synthèses à chaque heure de lecture analytique, et des séances spécifiques de lexique… Sans compter que les expressions écrites sont d'une redoutable variété : textes argumentatifs, poèmes, scène de théâtre, fragments de nouvelles, récits complets, avec insertion de description, de dialogues, etc. En fait, je pense qu'avec le programme d'expression écrite, on peut remplir l'intégralité de l'horaire hebdomadaire de français à tous les niveaux.

Le truc, c'est qu'il ne s'agit pas que « de faire des phrases avec les infos du tableau », en fait. L'écriture d'invention (qui est la + pratiquée et la + "demandée"), ça met en jeu énormément d'autres choses sur lesquelles, je trouve qu'il est justement loin d'être évident de travailler sans une didactique très aboutie. Je ne parle pas de la mise en place d'un dialogue avec tous ses codes et ses règles…

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par Normandyx Mer 29 Oct 2014 - 10:45
doublecasquette a écrit:
V. Marchais a écrit: Il faut articuler les deux versants de la langue dans l'exigence de progression. Bref, pour revenir au propos de ce paragraphe, je crois que nous payons cher la dispersion du Primaire dans toutes sortes de directions (LV, citoyenneté, que sais-je encore) au détriment de ce qui reste, quoi qu'on en pense, un enseignement fondamental, un pré-requis à tous les autres dans la mesure où il fournit le véhicule de la pensée.

Je pencherais plutôt quant à moi vers le manque d'exigences à moins que ce ne soient des exigences délirantes sans aucun rapport avec les intérêts et les capacités de l'enfant de moins de onze ans.
Tous les apprentissages, même l'apprentissage d'une langue vivante ou de la citoyenneté, peuvent donner lieu à l'emploi d'une langue riche, à l'acquisition de références, à l'habitude d'effectuer des comparaisons  et, excusez-moi du terme, une observation réfléchie de la langue. Tout temps passé en classe, devrait ainsi contribuer ainsi à enrichir l'expression orale et écrite des enfants.

Seulement, voilà, des exigences diminuées permettent une formation des enseignant au rabais et des horaires scolaires revus à la baisse... Former des gens au macramé ou à un vague vernis de citoyenneté à la sauce bisounours, ça coûte moins cher et surtout ça peut rapporter plus que permettre à des institutrices et des instituteurs de donner des bases larges et complètes à leurs élèves.

Les 2 concourent au même résultat, en revanche, si je regarde tout ce qui a été ajouté dans les IO depuis les années 80, on a le vertige, langue vivante dès le CP, technologie et B2I, histoire de l'art, initiation aux premiers secours, sécurité routière (dans les programmes et avec attestation dès la maternelle), apprentissage de la natation (dans mon département, pratiquement tous les enfants arrivent au collège en sachant nager cout en temps pour certains 2h30 de classe (transport tenue activité), et j'en oublie certainement en attendant qu'on enseigne aussi la programmation informatique...

Non, l'interdisciplinarité ne fait pas travailler la langue autant qu'un véritable exercice de production écrite, pour autant, il n'est peut être pas nécessaire de retomber dans des exercices datant des années 60 qui n'auraient plus aucun sens aujourd'hui, j'ai le souvenir élève, de ces pensums qu'on appelait "rédaction", il faut peut être passer à autre chose et par d'autres voies.
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par Isis39 Mer 29 Oct 2014 - 10:54
Pour pouvoir corriger plus de récits en classe (je passe beaucoup de temps avec les élèves ne maîtrisant pas du tout l'écrit), j'encourage la correction entre élèves : ils sont très attentifs à ce que l'autre écrit. Et s'il y a un désaccord, ils viennent me voir pour l'arbitrage.
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