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Emma3529
Érudit

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par Emma3529 Mer 02 Nov 2011, 21:02
Ah Cyrano !!!!
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User5899
Demi-dieu

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par User5899 Mer 02 Nov 2011, 21:14
Celeborn a écrit:Et c'est le quizz du jour :

« Les enfants sont hautains, dédaigneux, colères, envieux, curieux, intéressés, paresseux, volages, timides, intempérants, menteurs, dissimulés ; ils rient et pleurent facilement ; ils ont des joies immodérées et des afflictions amères sur de très petits sujets ; ils ne veulent point souffrir de mal, et aiment à en faire : ils sont déjà des hommes. »
Les deux points avant la chute (alors qu'on attendrait un point) et une chute violente : La Bruyère. Je ne vais même pas chez Google Smile En revanche, je ne m'en souvenais pas.
zolienne
zolienne
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par zolienne Mer 02 Nov 2011, 21:48
Oh ! je suis avec vous ! j’ai cette sombre joie.
Ceux qu’on accable, ceux qu’on frappe et qu’on foudroie
M’attirent ; je me sens leur frère ; je défends
Terrassés ceux que j’ai combattus triomphants ;
Je veux, car ce qui fait la nuit sur tous m’éclaire,
Oublier leur injure, oublier leur colère,
Et de quels noms de haine ils m’appelaient entre eux.
Je n’ai plus d’ennemis quand ils sont malheureux.
Mais surtout c’est le peuple, attendant son salaire,
Le peuple, qui parfois devient impopulaire,
C’est lui, famille triste, hommes, femmes, enfants
Droit, avenir, travaux, douleurs, que je défends ;



Je défends l’égaré, le faible, et cette foule
Qui, n’ayant jamais eu de point d’appui, s’écroule
Et tombe folle au fond des noirs événements ;
Etant les ignorants, ils sont les incléments ;
Hélas ! combien de temps faudra-t-il vous redire
A vous tous, que c’était à vous de les conduire,
Qu’il fallait leur donner leur part de la cité ;
Que votre aveuglement produit leur cécité ;
D’une tutelle avare on recueille les suites,
Et le mal qu’ils vous font, c’est vous qui le leur fîtes.
Vous ne les avez pas guidés, pris par la main,
Et renseignés sur l’ombre et sur le vrai chemin ;
Vous les avez laissés en proie au labyrinthe.
Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte ;
C’est qu’ils n’ont pas senti votre fraternité.
Ils errent ; l’instinct bon se nourrit de clarté ;
Ils n’ont rien dont leur âme obscure se repaisse ;
Ils cherchent des lueurs dans la nuit, plus épaisse
Et plus morne là-haut que les branches des bois ;
Pas un phare. A tâtons, en détresse, aux abois,
Comment peut-il penser celui qui ne peut vivre ?
En tournant dans un cercle horrible, on devient ivre ;
La misère, âpre roue, étourdit Ixion.
Et c’est pourquoi j’ai pris la résolution
De demander pour tous le pain et la lumière.….
zolienne
zolienne
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par zolienne Mer 02 Nov 2011, 21:54
Dans la haine nazie, il n'y a rien de rationnel. […] Nous ne pouvons pas la comprendre ; mais nous pouvons et nous devons comprendre d'où elle est issue, et nous tenir sur nos gardes. Si la comprendre est impossible, la connaître est nécessaire, parce que ce qui est arrivé peut recommencer, les consciences peuvent à nouveau être déviées et obscurcies : les nôtres aussi.

C'est pourquoi nous avons tous le devoir de méditer sur ce qui s'est produit. Tous nous devons savoir, ou nous souvenir, que lorsqu'i1s parlaient en public, Hitler et Mussolini étaient crus, applaudis, admirés, adorés comme des dieux. C'étaient des « chefs charismatiques », ils possédaient un mystérieux pouvoir de séduction qui ne devait rien à la crédibilité ou à la justesse des propos qu'ils tenaient mais qui venait de la façon suggestive dont ils les tenaient, à leur éloquence, à leur faconde d'histrions, peut­-être innée, peut-être patiemment étudiée et mise au point. Les idées qu'ils proclamaient n'étaient pas toujours les mêmes et étaient en général aberrantes, stupides ou cruelles ; et pourtant ils furent acclamés et suivis jusqu'à leur mort par des milliers de fidèles. Il faut rappeler que ces fidèles, et parmi eux les exécuteurs zélés d'ordres inhumains, n'étaient pas des bourreaux-nés, ce n'étaient pas – sauf rares exceptions – des monstres, c'étaient des hommes quelconques. Les monstres existent, mais ils sont trop peu nombreux pour être vraiment dangereux; ceux qui sont plus dangereux, ce sont les hommes ordinaires, les fonctionnaires prêts à croire et à obéir sans discuter, comme Eichmann, comme Höss, le commandant d' Auschwitz, comme Stangl, le commandant de Treblinka, comme, vingt ans après, les militaires français qui tuèrent en Algérie, et comme, trente ans après, les militaires américains qui tuèrent au Viêt-nam.

Il faut donc nous méfier de ceux qui cherchent à nous convaincre par d'autres voies que par la raison, autrement dit des chefs charismatiques : nous devons bien peser notre décision avant de déléguer à quelqu'un d'autre le pouvoir de juger et de vouloir à notre place. Puisqu'il est difficile de distinguer les vrais prophètes des faux, méfions-nous de tous les prophètes ; il vaut mieux renoncer aux vérités révélées, même si elles nous transpor­tent par leur simplicité et par leur éclat, même si nous les trouvons commodes parce qu'on les a gratis. Il vaut mieux se contenter d'autres vérités plus modestes et moins enthousias­mantes, de celles que l'on conquiert laborieusement, progressive­ment et sans brûler les étapes, par l'étude, la discussion et le raisonnement, et qui peuvent être vérifiées et démontrées.

Bien entendu, cette recette est trop simple pour pouvoir s'appliquer à tous les cas : il se peut qu'un nouveau fascisme, avec son cortège d'intolérance, d'abus et de servitude, naisse hors de notre pays et y soit importé, peut-être subrepticement et camouflé sous d'autres noms ; ou qu'il se déchaîne de l'intérieur avec une violence capable de renverser toutes les barrières. Alors, les conseils de sagesse ne servent plus, et il faut trouver la force de résister : en cela aussi, le souvenir de ce qui s'est passé au coeur de l'Europe, il n'y a pas si longtemps, peut être une aide et un avertissement.

PRIMO LEVI
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par Le grincheux Mer 02 Nov 2011, 22:01
La gifle a été si forte que je ne m'en suis relevé qu'au bout de treize ans. En effet, ce n'était pas une baffe ordinaire, et pour me la balancer, ils s'étaient mis à beaucoup. Nous sommes de 26 octobre 1932. Depuis huit heures du matin, on m'a sorti de la cellule que j'occupe à la Conciergerie depuis un an. Je suis rasé de frais, bien vêtu, un costume d'un grand faiseur me donne une allure élégante. Chemise blanche, nœud papillon bleu pâle qui apporte la dernière touche à cette tenue.

Dans quelques instants, je vais être accusé de meurtre. Mon avocat, Maître Raymond Hubert...

La suite si vous êtes gentils Smile

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par Celeborn Mer 02 Nov 2011, 22:12
De l'auteur qui a pour moi le style le plus… euh, le style, quoi !

Il n’y avait plus personne au bout de la route. Les Allemands étaient partis. Cependant, j’avais appris très vite ce coup-là à ne plus marcher désormais que dans le profil des arbres. J’avais hâte d’arriver au campement pour savoir s’il y en avait d’autres au régiment qui avaient été tués en reconnaissance. Il doit y avoir des bons trucs aussi, que je me disais encore, pour se faire faire prisonnier !... Çà et là des morceaux de fumée âcre s’accrochaient aux mottes. « Ils sont peut-être tous morts à l’heure actuelle ? » que je me demandais. Puisqu’ils ne veulent rien comprendre à rien, c’est ça qui serait avantageux et pratique qu’ils soient tous tués très vite... Comme ça on en finirait tout de suite... On rentrerait chez soi... On repasserait peut-être place Clichy en triomphe... Un ou deux seulement qui survivraient... Dans mon désir... Des gars gentils et bien balancés, derrière le général, tous les autres seraient morts comme le colon... Comme Barousse... comme Vanaille... (une autre vache)... etc. On nous couvrirait de décorations, de fleurs, on passerait sous l’Arc de Triomphe. On entrerait au restaurant, on vous servirait sans payer, on payerait plus rien, jamais plus de la vie ! On est les héros ! qu’on dirait au moment de la note... Des défenseurs de la Patrie ! Et ça suffirait !... On payerait avec des petits drapeaux français !... La caissière refuserait même l’argent des héros et même elle vous en donnerait, avec des baisers quand on passerait devant sa caisse. Ça vaudrait la peine de vivre. »

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"On va bien lentement dans ton pays ! Ici, vois-tu, on est obligé de courir tant qu'on peut pour rester au même endroit. Si on veut aller ailleurs, il faut courir au moins deux fois plus vite que ça !" (Lewis Carroll)
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par JPhMM Mer 02 Nov 2011, 22:12
@Le Grincheux
Holà ! minute papillon !

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Labyrinthe où l'admiration des ignorants et des idiots qui prennent pour savoir profond tout ce qu'ils n'entendent pas, les a retenus, bon gré malgré qu'ils en eussent. — John Locke

Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
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par Palombella Rossa Mer 02 Nov 2011, 22:21
Elle monta les marches de son escalier en se tenant à la rampe, et, quand elle fut dans sa chambre, se laissa tomber dans un fauteuil.
Le jour blanchâtre des carreaux s'abaissait doucement avec des ondulations. Les meubles à leur place semblaient devenus plus immobiles et se perdre dans l'ombre comme dans un océan ténébreux. La cheminée était éteinte, la pendule battait toujours, et Emma vaguement s'ébahissait à ce calme des choses, tandis qu'il y avait en elle-même tant de bouleversements. Mais, entre la fenêtre et la table à ouvrage, la petite Berthe était là, qui chancelait sur ses bottines de tricot, et essayait de se rapprocher de sa mère, pour lui saisir, par le bout, les rubans de son tablier.
– Laisse-moi ! dit celle-ci en l'écartant avec la main.
La petite fille bientôt revint plus près encore contre ses genoux ; et, s'y appuyant des bras, elle levait vers elle son gros oeil bleu, pendant qu'un filet de salive pure découlait de sa lèvre sur la soie du tablier.
– Laisse-moi ! répéta la jeune femme tout irritée.
Sa figure épouvanta l'enfant, qui se mit à crier.
– Eh ! laisse-moi donc ! fit-elle en la repoussant du coude.
Berthe alla tomber au pied de la commode, contre la patère de cuivre ; elle s'y coupa la joue, le sang sortit. Madame Bovary se précipita pour la relever, cassa le cordon de la sonnette, appela la servante de toutes ses forces, et elle allait commencer à se maudire, lorsque Charles parut. C'était l'heure du dîner, il rentrait.
– Regarde donc, cher ami, lui dit Emma d'une voix tranquille : voilà la petite qui, en jouant, vient de se blesser par terre.
Charles la rassura, le cas n'était point grave, et il alla chercher du diachylum .
Madame Bovary ne descendit pas dans la salle ; elle voulut demeurer seule à garder son enfant. Alors, en la contemplant dormir, ce qu'elle conservait d'inquiétude se dissipa par degrés, et elle se parut à elle-même bien sotte et bien bonne de s'être troublée tout à l'heure pour si peu de chose. Berthe, en effet, ne sanglotait plus. Sa respiration, maintenant, soulevait insensiblement la couverture de coton. De grosses larmes s'arrêtaient au coin de ses paupières à demi closes, qui laissaient voir entre les cils deux prunelles pâles, enfoncées ; le sparadrap, collé sur sa joue, en tirait obliquement la peau tendue.
– C'est une chose étrange, pensait Emma, comme cette enfant est laide !
Quand Charles, à onze heures du soir, revint de la pharmacie (où il avait été remettre, après le dîner, ce qui lui restait du diachylum), il trouva sa femme debout auprès du berceau.
– Puisque je t'assure que ce ne sera rien, dit-il en la baisant au front ; ne te tourmente pas, pauvre chérie, tu te rendras malade !
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par Le grincheux Mer 02 Nov 2011, 22:32
JPhMM a écrit:@Le Grincheux
Holà ! minute papillon !

Arrête ton Char !...

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par Infiniment Mer 02 Nov 2011, 22:35
Chateaubriand a écrit:La première chose qui vous frappe dans les monuments d’Athènes, c’est la belle couleur de ces monuments. Dans nos climats, sous une atmosphère chargée de fumée et de pluie, la pierre du blanc le plus pur devient bientôt noire ou verdâtre. Le ciel clair et le soleil brillant de la Grèce répandent seulement sur le marbre de Paros et du Pentélique une teinte dorée semblable à celle des épis mûrs, ou des feuilles en automne.
Itinéraire de Paris à Jérusalem

Balzac a écrit:Trop timide pour inviter une danseuse, et craignant d'ailleurs de brouiller les figures, je devins naturellement très grimaud et ne sachant que faire de ma personne. Au moment où je souffrais du malaise causé par le piétinement auquel nous oblige une foule, un officier marcha sur mes pieds gonflés autant par la compression du cuir que par la chaleur. Ce dernier ennui me dégoûta de la fête. Il était impossible de sortir, je me réfugiai dans un coin au bout d'une banquette abandonnée, où je restai les yeux fixes, immobile et boudeur. Trompée par ma chétive apparence, une femme me prit pour un enfant prêt à s'endormir en attendant le bon plaisir de sa mère, et se posa près de moi par un mouvement d'oiseau qui s'abat sur son nid. Aussitôt je sentis un parfum de femme qui brilla dans mon âme comme y brilla depuis la poésie orientale. Je regardai ma voisine, et fus plus ébloui par elle que je ne l'avais été par la fête; elle devint toute ma fête. Si vous avez bien compris ma vie antérieure, vous devinerez les sentiments qui sourdirent en mon coeur. Mes yeux furent tout à coup frappés par de blanches épaules rebondies sur lesquelles j'aurais voulu pouvoir me rouler, des épaules légèrement rosées qui semblaient rougir comme si elles se trouvaient nues pour la première fois, de pudiques épaules qui avaient une âme, et dont la peau satinée éclatait à la lumière comme un tissu de soie. Ces épaules étaient partagées par une raie, le long de laquelle coula mon regard, plus hardi que ma main. Je me haussai tout palpitant pour voir le corsage et fus complètement fasciné par une gorge chastement couverte d'une gaze, mais dont les globes azurés et d'une rondeur parfaite étaient douillettement couchés dans des flots de dentelle. Les plus légers détails de cette tête furent des amorces qui réveillèrent en moi des jouissances infinies: le brillant des cheveux lissés au-dessus d'un cou velouté comme celui d'une petite fille, les lignes blanches que le peigne y avait dessinées et où mon imagination courut comme en de frais sentiers, tout me fit perdre l'esprit. Après m'être assuré que personne ne me voyait, je me plongeai dans ce dos comme un enfant qui se jette dans le sein de sa mère, et je baisai toutes ces épaules en y roulant ma tête. Cette femme poussa un cri perçant, que la musique empêcha d'entendre; elle se retourna, me vit et me dit: "Monsieur?" Ah! si elle avait dit: "Mon petit bonhomme, qu'est-ce qui vous prend donc?" je l'aurais tuée peut-être mais à ce monsieur! des larmes chaudes jaillirent de mes yeux. Je fus pétrifié par un regard animé d'une sainte colère, par une tête sublime couronnée d'un diadème de cheveux cendrés, en harmonie avec ce dos d'amour. Le pourpre de la pudeur offensée étincela sur son visage que désarmait déjà le pardon de la femme qui comprend une frénésie quand elle en est le principe, et devine des adorations infinies dans les larmes du repentir. Elle s'en alla par un mouvement de reine. Je sentis alors le ridicule de ma position; alors seulement je compris que j'étais fagoté comme le singe d'un Savoyard. J'eus honte de moi. Je restai tout hébété, savourant la pomme que je venais de voler, gardant sur mes lèvres la chaleur de ce sang que j'avais aspiré, ne me repentant de rien, et suivant du regard cette femme descendue des cieux. Saisi par le premier accès charnel de la grande fièvre du coeur, j'errai dans le bal devenu désert, sans pouvoir y retrouver mon inconnue. Je revins me coucher métamorphosé.

Le Lys dans la Vallée

Romantique, moi ? Allons donc !

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par Palombella Rossa Jeu 03 Nov 2011, 06:34
Marguerite Yourcenar, Le Coup de grâce , explicit



"
(…) Les prisonniers groupés sur une voie de garage avaient l’air un peu plus morts que la veille. Ceux de nos hommes qui s’étaient relayés pour les garder, épuisés par cette corvée supplémentaire, semblaient presque également à bout de forces. C’est moi qui avais proposé qu’on attendît jusqu’au jour ; l’effort auquel je m’étais cru obligé pour sauver Sophie n’avait eu d’autre résultat que de leur faire passer à tous une mauvaise nuit de plus. Sophie était assise sur une pile de bois ; ses mains pensives pendaient entre ses genoux écartés ; et les talons de ses épais souliers avaient machinalement creusé des marques sur le sol. Elle fumait sans arrêt ses cigarettes filoutées ; c’était son seul signe d’angoisse, et l’air frais du matin donnait à ses joues de belles couleurs saines. Ses yeux distraits ne parurent pas s’apercevoir de ma présence. Le contraire m’eût sans doute fait crier. Elle ressemblait tout de même trop à son frère pour que je n’eusse pas l’impression de le voir mourir deux fois.
C’était toujours Michel qui se chargeait dans ces occasions du rôle du bourreau, comme s’il ne faisait que continuer ainsi les fonctions de boucher qu’il avait exercées pour nous à Kratovicé , quand il y avait par hasard du bétail à abattre. Chopin avait donné l’ordre que Sophie fût exécutée la dernière ; j’ignore encore aujourd’hui si c’était par excès de rigueur, ou pour donner à l’un de nous une chance de la défendre. Michel commença par le Petit-Russien que j’avais interrogé la veille. Sophie jeta un rapide et oblique coup d’œil sur ce qui se passait à sa gauche, puis détourna la tête comme une femme s’efforçant de ne pas voir un geste obscène qui se commet à son côté. Quatre ou cinq fois on entendit ce bruit de détonation et de boîte éclatée dont il me semblait n’avoir pas mesuré jusque-là toute l’horreur. Soudain, Sophie adressa à Michel le signe discret et péremptoire d’une maîtresse de maison qui donne un dernier ordre au domestique en présence de ses invités. Michel s’avança, courbant le dos, avec la même soumission ahurie qu’il allait mettre à l’abattre, et Sophie murmura quelques mots que je ne pus deviner au mouvement de ses lèvres.
-- Bien, mademoiselle.
L’ancien jardinier s’approcha de moi et me dit à l’oreille du ton bourru et déprécatoire d’un vieux serviteur intimidé, qui n’ignore pas qu’il se fera renvoyer pour avoir transmis un message pareil :
-- Elle ordonne… Mademoiselle demande… Elle veut que ce soit vous…
Il me tendit un revolver ; je pris le mien, et j’avançai automatiquement d’un pas. Durant ce trajet si court, j’eus le temps de me répéter dix fois que Sophie avait peut-être un dernier appel à m’adresser, et que cet ordre n’était qu’un prétexte pour le faire à voix basse. Mais elle ne remua pas les lèvres : d’un geste distrait, elle avait commencé à déboutonner le haut de sa veste, comme si j’allais appuyer le revolver à même le cœur. Je dois dire que mes rares pensées allaient à ce corps vivant et chaud que l’intimité de notre vie commune m’avait rendu à peu près aussi familier que celui d’un ami ; et je me sentis étreint d’une sorte de regret absurde pour les enfants que cette femme aurait pu mettre au monde, et qui auraient hérité de son courage et de ses yeux. Mais ce n’est pas à nous qu’il appartient de peupler les stades ni les tranchées de l’avenir. Un pas de plus me mit si près de Sophie que j’aurais pu l’embrasser sur la nuque ou poser la main sur son épaule agitée de petites secousses presque imperceptibles, mais déjà je ne voyais plus d’elle que le contour d’un profil perdu . Elle respirait un peu trop vite, et je m’accrochais à l’idée que j’avais désiré achever Conrad, et que c’était la même chose. Je tirai en détournant la tête, à peu près comme un enfant effrayé qui fait détoner un pétard pendant la nuit de Noël. Le premier coup ne fit qu’emporter une partie du visage, ce qui m’empêchera toujours de savoir quelle expression eût adoptée Sophie dans la mort. Au second coup, tout fut accompli. J’ai pensé d’abord qu’en me demandant de remplir cet office, elle avait cru me donner une dernière preuve d’amour, et la plus définitive de toutes. J’ai compris depuis qu’elle n’avait voulu que se venger, et me léguer des remords. Elle avait calculé juste : j’en ai quelquefois. On est toujours pris au piège avec les femmes.
"
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par Palombella Rossa Jeu 03 Nov 2011, 06:37
Paul Claudel, Ballade

Nous sommes partis bien des fois déjà, mais cette fois est la bonne.
Adieu, vous tous à qui nous sommes chers, le train qui doit nous prendre n’attend pas.
Nous avons répété cette scène bien des fois, mais cette fois-ci est la bonne.
Pensiez-vous donc que je ne puis être séparé de vous pour de bon ? alors vous voyez que ce n’est pas le cas.
Adieu, mère. Pourquoi pleurer comme ceux qui ont de l’espérance ?
Les choses qui ne peuvent être autrement ne valent pas une larme de nous.
Ne savez-vous pas que je suis une ombre qui passe, vous-même ombre en transparence ?
Nous ne reviendrons plus vers vous.


Et nous laissons toutes les femmes derrière nous, les vraies épouses, et les autres, et les fiancées.
C’est fini de l’embarras des femmes et des gosses, nous voilà tout seuls et légers.
Pourtant à ce dernier moment encore, à cette heure solennelle et ombragée,
Laisse-moi voir ton visage encore, avant que je ne sois le mort et l’étranger,
Avant que dans un petit moment je ne sois plus, laisse-moi voir ton visage encore ! Avant qu’il soit à un autre.
Du moins, prends bien soin où tu seras de l’enfant, l’enfant qui nous était né de nous,
De l’enfant qui est dans ma chair et mon âme et qui donnera le nom de père à un autre.
Nous ne reviendrons plus vers vous.

Adieu, amis ! Nous arrivions de trop loin pour mériter votre croyance.
Seulement un peu d’amusement et d’effroi. Mais voici le pays jamais quitté qui est familier et rassurant.
Il faut garder notre connaissance pour nous, comprenant, comme une chose donnée dont l’on a d’un coup la jouissance,
L’inutilité de l’homme et le mort en celui qui se croit vivant.
Tu demeures avec nous, certaine connaissance, possession dévorante et inutile !
« L’art, la science, la vie libre »…, -- ô frères, qu’y a-t-il entre vous et nous ?
Laissez-moi seulement m’en aller, que ne me laissiez-vous tranquille ?
Nous ne reviendrons plus vers vous.

Envoi

Vous restez vous, et nous sommes à bord, et la planche entre nous est retirée.
Il n’y a plus qu’un peu de fumée dans le ciel, vous ne nous reverrez plus avec vous.
Il n’y a plus que le soleil éternel de Dieu sur les eaux qu’Il a créées.
Nous ne reviendrons plus vers vous.


cannelle21
cannelle21
Grand Maître

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par cannelle21 Jeu 03 Nov 2011, 20:57
Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre
Que serais-je sans toi qu'un coeur au bois dormant
Que cette heure arrêtée au cadran de la montre
Que serais-je sans toi que ce balbutiement.

J'ai tout appris de toi sur les choses humaines
Et j'ai vu désormais le monde à ta façon
J'ai tout appris de toi comme on boit aux fontaines
Comme on lit dans le ciel les étoiles lointaines
Comme au passant qui chante on reprend sa chanson
J'ai tout appris de toi jusqu'au sens du frisson.

J'ai tout appris de toi pour ce qui me concerne
Qu'il fait jour à midi, qu'un ciel peut être bleu
Que le bonheur n'est pas un quinquet de taverne
Tu m'as pris par la main dans cet enfer moderne
Où l'homme ne sait plus ce que c'est qu'être deux
Tu m'as pris par la main comme un amant heureux.

Qui parle de bonheur a souvent les yeux tristes
N'est-ce pas un sanglot que la déconvenue
Une corde brisée aux doigts du guitariste
Et pourtant je vous dis que le bonheur existe
Ailleurs que dans le rêve, ailleurs que dans les nues.
Terre, terre, voici ses rades inconnues.

LOUIS ARAGON
Danaé
Danaé
Niveau 4

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par Danaé Ven 04 Nov 2011, 17:46
Pour ma part, c'est ce superbe poème de Baudelaire...et je ne me prive pas de le faire étudier aux élèves...

De profundis clamavi

J'implore ta pitié, Toi, l'unique que j'aime,
Du fond du gouffre obscur où mon coeur est tombé.
C'est un univers morne à l'horizon plombé,
Où nagent dans la nuit l'horreur et le blasphème ;

Un soleil sans chaleur plane au-dessus six mois,
Et les six autres mois la nuit couvre la terre ;
C'est un pays plus nu que la terre polaire ;
- Ni bêtes, ni ruisseaux, ni verdure, ni bois !

Or il n'est pas d'horreur au monde qui surpasse
La froide cruauté de ce soleil de glace
Et cette immense nuit semblable au vieux Chaos ;

Je jalouse le sort des plus vils animaux
Qui peuvent se plonger dans un sommeil stupide.
Tant l'écheveau du temps lentement se dévide !
Le grincheux
Le grincheux
Sage

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par Le grincheux Ven 04 Nov 2011, 22:18
Pour ta présence pour tes bras qui m'ont bercé
Quand j'en avais besoin et que tu me donnes
Pour ta patience tes gestes qui pardonnent
Je t'aimerai toujours trop mais jamais assez

Pour les instants de ta vie que tu m'a laissés
Et tous ceux que tu continues à me donner
Comme au premier jour sans jamais les compter
Je t'aimerai toujours trop mais jamais assez

Pour l'ensemble des larmes que tu as versé
Les larmes de peine et les larmes de joie
Celles qui sont venues du plus profond de toi
Je t'aimerai toujours trop mais jamais assez

_________________
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Infiniment
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par Infiniment Ven 04 Nov 2011, 22:24
Paul Éluard a écrit:
Et un sourire

La nuit n'est jamais complète.
Il y a toujours, puisque je le dis,
Puisque je l'affirme,
Au bout du chagrin
Une fenêtre ouverte,
Une fenêtre éclairée,
Il y a toujours un rêve qui veille,
Désir à combler, faim à satisfaire,
Un coeur généreux,
Une main tendue, une main ouverte,
Des yeux attentifs,
Une vie, la vie à se partager.

Victor Hugo a écrit:
Soleils couchants

Le soleil s'est couché ce soir dans les nuées;
Demain viendra l'orage, et le soir, et la nuit ;
Puis l'aube, et ses clartés de vapeurs obstruées ;
Puis les nuits, puis les jours, pas du temps qui s'enfuit !

Tous ces jours passeront ; ils passeront en foule
Sur la face des mers, sur la face des monts,
Sur les fleuves d'argent, sur les forêts où roule
Comme un hymne confus des morts que nous aimons.

Et la face des eaux, et le front des montagnes,
Ridés et non vieillis, et les bois toujours verts
S'iront rajeunissant ; le fleuve des campagnes
Prendra sans cesse aux monts le flot qu'il donne aux mers.

Mais moi, sous chaque jour courbant plus bas ma tête,
Je passe, et, refroidi sous ce soleil joyeux,
Je m'en irai bientôt, au milieu de la fête,
Sans que rien manque au monde immense et radieux !

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Ah ! la belle chose, que de savoir quelque chose !
Thalia de G
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par Thalia de G Sam 05 Nov 2011, 06:47
La marche triomphale de l'amour

Victorieuse en sa robe voilière, elle allait dans la rue, blanche nef de jeunesse, allait à larges foulées et souriait, consciente de sa nudité sous la toile fine, sa nudité que la brise caressait de fraîcheurs. Je suis belle, sachez-le, vous tous que je ne regarde pas, sachez-le, et regardez une femme heureuse.
Haute, elle allait, glorieusement à la main l'horaire sur lequel, s'arrêtant parfois, elle suivait la marche du train qui le lui amenait. ô merveille d'aimer, ô intérêt de vivre.
Elle s'arrêta, prise de colère contre un chat qui traversait la chaussée si près d'une auto et qui se ferait écraser un de ces jours, le petit imbécile ! Elle aussi, attention aux autos, ne pas mourir aujourd'hui, ne pas se faire abîmer. Aujourd'hui elle était précieuse. Ô ce soir! Elle reprit sa marche, fonça sur le trottoir.
Les deux hommes qu'elle heurta se retournèrent, charmés, mais elle était déjà loin. Elle en cogna un troisième, et parce qu'il lui sourit elle comprit qu'il savait qu'elle était heureuse, allant vers un aimé à nul autre pareil. Oui, tous la regardaient, tous savaient, tous approuvaient son bonheur.
Un nuage là-haut. Si pluie ce soir, ils ne pourraient pas se promener dans le jardin, la main dans la main. Seigneur, j'y tiens beaucoup, fais qu'il fasse beau ce soir. Il me faut un ciel exténué d'étoiles.

Belle du Seigneur. Albert Cohen

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Le printemps a le parfum poignant de la nostalgie, et l'été un goût de cendres.
Soleil noir de mes mélancolies.
Thalia de G
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par Thalia de G Sam 05 Nov 2011, 06:50
Soleils couchants


Le soleil s'est couché ce soir dans les nuées ;
Demain viendra l'orage, et le soir, et la nuit ;
Puis l'aube, et ses clartés de vapeurs obstruées ;
Puis les nuits, puis les jours, pas du temps qui s'enfuit !

Tous ces jours passeront ; ils passeront en foule
Sur la face des mers, sur la face des monts,
Sur les fleuves d'argent, sur les forêts où roule
Comme un hymne confus des morts que nous aimons.

Et la face des eaux, et le front des montagnes,
Ridés et non vieillis, et les bois toujours verts
S'iront rajeunissant ; le fleuve des campagnes
Prendra sans cesse aux monts le flot qu'il donne aux mers.

Mais moi, sous chaque jour courbant plus bas ma tête,
Je passe, et, refroidi sous ce soleil joyeux,
Je m'en irai bientôt, au milieu de la fête,
Sans que rien manque au monde immense et radieux !

Victor Hugo, Les Feuilles d'Automne
____________________________________________________

Mais si faut-il mourir, et la vie orgueilleuse,
Qui brave de la mort, sentira ses fureurs,
Les Soleils hâleront ces journalières fleurs,
Et le temps crèvera cette ampoule venteuse.

Ce beau flambeau qui lance une flamme fumeuse,
Sur le vert de la cire éteindra ses ardeurs,
L’huile de ce Tableau ternira ses couleurs,
Et les flots se rompront à la rive écumeuse.

J’ai vu ces clairs éclairs passer devant mes yeux,
Et le tonnerre encor qui gronde dans les Cieux,
Où d’une ou d’autre part éclatera l’orage,

J’ai vu fondre la neige et ses torrents tarir,
Ces lions rugissants je les ai vu sans rage,
Vivez, hommes, vivez, mais si faut-il mourir.

Jean de Sponde Sonnets sur la mort

Edit : Infiniment, je n'avais pas vu que tu avais aussi posté "Soleils couchants"


Dernière édition par Thalia de G le Ven 11 Nov 2011, 18:03, édité 1 fois

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par leyade Sam 05 Nov 2011, 08:12
Aragon
Elsa au miroir

C'était au beau milieu de notre tragédie
Et pendant un long jour assise à son miroir
Elle peignait ses cheveux d'or Je croyais voir
Ses patientes mains calmer un incendie
C'était au beau milieu de notre tragédie

Et pendant un long jour assise à son miroir
Elle peignait ses cheveux d'or et j'aurais dit
C'était au beau milieu de notre tragédie
Qu'elle jouait un air de harpe sans y croire
Pendant tout ce long jour assise à son miroir

Elle peignait ses cheveux d'or et j'aurais dit
Qu'elle martyrisait à plaisir sa mémoire
Pendant tout ce long jour assise à son miroir
À ranimer les fleurs sans fin de l'incendie
Sans dire ce qu'une autre à sa place aurait dit

Elle martyrisait à plaisir sa mémoire
C'était au beau milieu de notre tragédie
Le monde ressemblait à ce miroir maudit
Le peigne partageait les feux de cette moire
Et ces feux éclairaient des coins de ma mémoire

C'était un beau milieu de notre tragédie
Comme dans la semaine est assis le jeudi

Et pendant un long jour assise à sa mémoire
Elle voyait au loin mourir dans son miroir

Un à un les acteurs de notre tragédie
Et qui sont les meilleurs de ce monde maudit

Et vous savez leurs noms sans que je les aie dits
Et ce que signifient les flammes des longs soirs

Et ses cheveux dorés quand elle vient s'asseoir
Et peigner sans rien dire un reflet d'incendie


Dernière édition par leyade le Sam 05 Nov 2011, 08:26, édité 1 fois

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Maggi is my way, Melfor is my church and Picon is my soutien. Oui bon je sais pas dire soutien en anglais.
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leyade
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par leyade Sam 05 Nov 2011, 08:25
José-Maria de HEREDIA (1842-1905)

Antoine et Cléopâtre

Tous deux ils regardaient, de la haute terrasse,
L'Égypte s'endormir sous un ciel étouffant
Et le Fleuve, à travers le Delta noir qu'il fend,
Vers Bubaste ou Saïs rouler son onde grasse.

Et le Romain sentait sous la lourde cuirasse,
Soldat captif berçant le sommeil d'un enfant,
Ployer et défaillir sur son coeur triomphant
Le corps voluptueux que son étreinte embrasse.

Tournant sa tête pâle entre ses cheveux bruns
Vers celui qu'enivraient d'invincibles parfums,
Elle tendit sa bouche et ses prunelles claires ;

Et sur elle courbé, l'ardent Imperator
Vit dans ses larges yeux étoilés de points d'or
Toute une mer immense où fuyaient des galères.

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Mehitabel
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par Mehitabel Sam 05 Nov 2011, 08:27
Ce poème me fait toujours vibrer, du grand poète russe Simonov:

Attends-moi

Si tu m'attends, je reviendrai,
Mais attends-moi très fort.
Attends, quand la pluie jaune
Apporte la tristesse,
Attends quand la neige tournoie,
Attends quand triomphe l'été
Attends quand le passé s'oublie
Et qu'on attend plus les autres.
Attends quand des pays lointains
Il ne viendra plus de courrier,
Attends, lorsque seront lassés
Ceux qui avec toi attendaient.

Si tu m'attends, je reviendrai.
Ne leur pardonne pas, à ceux
Qui vont trouver les mots pour dire
Qu'est venu le temps de l'oubli.

Et s'ils croient, mon fils et ma mère,
S'ils croient, que je ne suis plus,
Si les amis las de m'attendre
Viennent s'asseoire auprès du feu,
Et s'ils portent un toast funèbre
A la mémoire de mon âme..
Attends. Attends et avec eux
refuse de lever ton verre.

Si tu m'attends, je reviendrai
En dépit de toutes les morts.
Et qui ne m'a pas attendu
Peut bien dire : "C'est de la veine".
Ceux qui ne m'ont pas attendu
D'où le comprendraient-ils, comment
En plein milieu du feu,
Ton attente
M'a sauvé.
Comment j'ai survécu, seuls toi et moi
Nous le saurons,
C'est bien simple, tu auras su m'attendre,
comme personne.
jehanne
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Niveau 8

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par jehanne Sam 05 Nov 2011, 11:13
Entrevue de Saint-Simon avec le père Tellier, en 1713:

Dans cette fougue, où, n’étant plus maître de soi, il s’échappa à bien des choses dont je suis certain qu’il aurait après racheté très chèrement le silence, il me dit tant de choses sur le fond, et sur la violence pour faire recevoir, si énormes, si atroces, si effroyables, et avec une passion si extrême, que j’en tombai en véritable syncope. Je le voyais bec à bec entre deux bougies, n’y ayant du tout que la largeur de la table entre deux. J’ai décrit ailleurs son horrible physionomie. Éperdu tout à coup par l’ouïe et par la vue, je fus saisi, tandis qu’il parlait, de ce que c’était qu’un jésuite, qui, par son néant personnel et avoué, ne pouvait rien espérer pour sa famille, ni, par son état et par ses vœux, pour soi-même, pas même une pomme ni un coup de vin plus que tous les autres ; qui par son âge touchait au moment de rendre compte à Dieu, et qui, de propos délibéré et amené avec grand artifice, allait mettre l’État et la religion dans la plus terrible combustion et ouvrir la persécution la plus affreuse pour des questions qui ne lui faisaient rien, et qui ne touchaient que l’honneur de leur doctrine de Molina.
Palombella Rossa
Palombella Rossa
Neoprof expérimenté

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par Palombella Rossa Sam 05 Nov 2011, 17:31
Madame de Sévigné (1626-1696), Lettre à Monsieur de Coulanges son cousin

Aux Rochers 22e juillet, 1671.

Ce mot sur la semaine est par-dessus le marché de vous écrire seulement tous les quinze jours, et pour vous donner avis, mon cher cousin, que vous aurez bientôt l'honneur de voir Picard ; et comme il est frère du laquais de Mme de Coulanges, je suis bien aise de vous rendre compte de mon procédé.
Vous savez que Mme la duchesse de Chaulnes est à Vitré ; elle y attend le duc, son mari, dans dix ou quinze jours, avec les états de Bretagne : vous croyez que j'extravague ; elle attend donc son mari avec tous les états, et en attendant, elle est à Vitré toute seule, mourant d'ennui. Vous ne comprenez pas que cela puisse jamais revenir à Picard ; elle meurt donc d'ennui ; je suis sa seule consolation, et vous croyez bien que je l'emporte d'une grande hauteur sur Mlles de Kerbone et de Kerqueoison. Voici un grand circuit, mais pourtant nous arriverons au but. Comme je suis donc sa seule consolation, après l'avoir été voir, elle viendra ici, et je veux qu'elle trouve mon parterre net et mes allées nettes, ces grandes allées que vous aimez. Vous ne comprenez pas encore où cela peut aller; voici une autre petite proposition incidente : vous savez qu'on fait les foins, je n'avais pas d'ouvriers ; j'envoie dans cette prairie, que les poètes ont célébrée, prendre tous ceux qui travaillaient, pour venir nettoyer ici : vous n'y voyez encore goutte; et, en leur place, j'envoie tous mes gens faner. Savez-vous ce que c'est que faner ? Il faut que je vous l'explique : faner est la plus jolie chose du monde, c'est retourner du foin en batifolant dans une prairie ; dès qu'on en sait tant, on sait faner. Tous mes gens y allèrent gaiement ; le seul Picard me vint dire qu'il n'irait pas, qu'il n'était pas entré à mon service pour cela, que ce n'était pas son métier, et qu'il aimait mieux s'en aller à Paris. Ma foi ! la colère me monte à la tête. Je songeai que c'était la centième sottise qu'il m'avait faite ; qu'il n'avait ni cœur, ni affection ; en un mot, la mesure était comble. Je l'ai pris au mot, et quoi qu'on m'ait pu dire pour lui, je suis demeurée ferme comme un rocher, et il est parti. C'est une justice de traiter les gens selon leurs bons ou mauvais services. Si vous le revoyez, ne le recevez point, ne le protégez point, ne me blâmez point, et songez que c'est le garçon du monde qui aime le moins à faner, et qui est le plus indigne qu'on le traite bien.
Voilà l'histoire en peu de mots. Pour moi, j'aime les narrations où l'on ne dit que ce qui est nécessaire, où l'on ne s'écarte point ni à droite, ni à gauche, où l'on ne reprend point les choses de si loin ; enfin je crois que c'est ici, sans vanité, le modèle des narrations agréables.

jehanne
jehanne
Niveau 8

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par jehanne Sam 05 Nov 2011, 18:14
"Brighton"!... C'était écrit sur la borne, à quatorze milles en face de nous... Comme on était bons marcheurs ça devait pas nous effrayer. Mais on se mettait jamais ensemble. Mon père toujours en avant... Il était pas très fiers de nous... Même là rincé, boueux, perclus, il se détachait le plus possible... Il souffrait qu'on se mette à coller... Il s'espaçait.
Ma mère, la langue lui tirait tellement qu'elle avait du mal à tirer sa quille. Elle soufflait comme une vieille chienne.
La route sinuait à flanc de falaises. On a foncé dans les averses. En bas, l'Océan grondait, au fond du gouffre, rempli de nuages et d'éboulements.
Mon père, sa casquette nautique lui fondait jusque dans la bouche. Son pare-poussière lui épousait tant les formes, qu'il avait le cul comme un oignon.
Maman boquillonne, a renoncé au galure, celui qu'avait des hirondelles et des petites cerises comme garniture. On l'a donné à un buisson... Les mouettes qui fuyaient devant l'orage, elles venaient croasser tout autour. Elles devaient éprouver de la surprise qu'on passe nous aussi dans les nuées... baratinés sous les rafales on se raccrochait au petit bonheur... Au flanc des falaises, sur les montées comme sur des vagues, et puis sur une autre... des infinies... Mon père les nuages l'escamotaient... Il allait se fondre dans les averses... On le revoyait toujours plus loin cramponné plus minuscule, sur l'autre versant.
"Nous monterons encore celle-ci Ferdinand!... Et puis je me reposerai! Tu crois qu'il le voit lui le "Brichetonne"? Tu crois que c'est encore loin? "Elle était à bout de vaillance. S'asseoir c'était impossible. Tous les remblais étaient dissous... Ses nippes s'étaient si raccourcies que les bras remontaient au ciel... Les tatanes gonflées comme des outres... Ma mère alors sa jambe se replie... Elle cède une fois sous son poids... Elle verse dans le creux du talus. Sa tête est prise, est coincée... Elle pouvait plus faire un mouvement... Elle faisait des bulles comme un crapaud... La pluie d'Angleterre c'est un océan suspendu... On se noie peu à peu...

("Mort à crédit")



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carlotta
Habitué du forum

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par carlotta Dim 06 Nov 2011, 07:43
[quote="cavalol"]De beaux textes encore ce soir, je ne m'en lasse pas! I love you

@Carlotta, je reste un peu affamée! Tu nous mets l'eau à la bouche et pfffuit plus rien! J'apprécie énormément ce livre. coeurs

Oui pardon! j'avais une grosse flemme de le recopier Smile
avatar
Cava
Grand sage

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par Cava Lun 07 Nov 2011, 18:36
Bonsoir les Néos! sunny :aaz:
Je viens de parcourir les quelques pages de retard Rolling Eyes Embarassed et je vois que vous êtes inspirés I love you ! J'ai les yeux qui piquent et le coeur serré à lire vos extraits! Il est temps que je revienne pour vous présenter les miens! Ils reflètent mes humeurs de la semaine passée!

Je commence avec celui-ci :

"Sables mouvants"
Démons et merveilles
Vents et marées
Au loin déjà la mer s'est retirée
Et toi
Comme une algue doucement caressée par le vent
Dans les sables du lit tu remues en rêvant
Démons et merveilles
Vents et marées
Au loin déjà la mer s'est retirée
Mais dans tes yeux entrouverts
Deux petites vagues sont restées
Démons et merveilles
Vents et marées
Deux petites vagues pour me noyer.

J'étais d’humeur chagrine ...
Spoiler:

Wink
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